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– Ah! tais-toi, Martinet… Tais-toi, je t’en prie… Tu me tortures…

– Je veux savoir pourquoi. Pourquoi as-tu dénoncé Pold et Diane? Pourquoi as-tu dit cette chose au père?…

Mme Martinet, maintenant, ne répondait plus.

Elle roulait sa tête dans ses mains, d’un geste sans cesse répété.

Martinet la considérait. Il semblait comprendre! Il avait peur de comprendre!

– Que t’a donc fait Pold, s’écria-t-il, pour que tu le haïsses ainsi?

– Je ne le hais pas! Je te le jure, Martinet…

– Si tu ne le hais pas, fit Martinet d’une voix solennelle qu’elle ne lui avait jamais connue, si tu ne le hais pas… c’est donc que tu l’aimes?…

Mme Martinet ne releva point la tête, mais elle cessa de pleurer, mais elle cessa de se plaindre. Il y eut entre Martinet et sa femme un terrible silence…

Martinet fit:

– Alors… alors… Tu es jalouse? N’est-ce pas, Marguerite, que c’est par jalousie que tu l’as dénoncé?

Marguerite semblait morte. La voix de Martinet éclata:

– Est-ce que tu m’aurais trompé, par hasard?… Dis-moi cela, Marguerite!… Ton silence me dit tant de choses!…

Et Martinet brisa une chaise. Il jura. Il sacra. Il renversa des meubles.

– Tu m’as trompé avec Pold! Avec Pold, mon ami, mon meilleur ami! Il a fallu que tu me prennes mon meilleur ami! Mais tu es donc un monstre?

Puis Martinet, qui se remit à tourner dans la petite salle comme un fauve dans sa cage, dit encore:

– Avec Pold! Qui aurait jamais cru cela?

Il s’arrêta dans un mouvement circulaire. Mme Martinet reprit:

– C’est moi qui suis la seule coupable…

– Oh! j’en étais bien sûr! s’écria Martinet, en brisant une assiette sur le parquet.

Cet acte de véhémence le soulagea momentanément.

– Oui, c’est moi!… Il ne voulait pas faire mal, lui!… C’est moi qui… Je suis bien misérable… bien fautive… Martinet!…

Martinet dit:

– Quand on a dans sa famille une sœur comme la tienne… ton mari devait s’attendre à tout. J’aurais dû prévoir cela. Je suis un imbécile!…

Et il cassa une nouvelle assiette. Il en regarda, hébété, les morceaux.

Mme Martinet regardait aussi les morceaux de cette assiette.

– Non, tu n’es pas un imbécile. Tu es un brave homme, Martinet, qui ne se méfie pas du mal, qui ne le soupçonne pas… Et tu as été coupable de ne pas le soupçonner. Rappelle-toi… Tu nous jetais tout le temps dans les bras l’un de l’autre… Tu nous laissais seuls. Tu exigeais que je fusse aimable avec lui. Tu me reprochais tout le temps ma froideur. Cette froideur était ma sauvegarde, Martinet. Comme tu fus coupable de ne pas l’avoir compris!

Il dit, dans une grimace:

– C’est vrai! j’ai été une vieille bête!…

Et avec une force croissante, il fit:

– Ah! j’avais bien mérité de l’être!

Pour donner plus de force à son affirmation, il cassa une troisième assiette.

Le bruit que fit cette dernière assiette en s’émiettant sur le parquet sortit, cette fois, Mme Martinet de sa torpeur. Elle se dressa. Elle dit, sur un ton d’épouvante:

– S’il le tue, c’est nous qui l’aurons tué!

Martinet comprit sa femme:

– Et il est bien capable de tout, tu sais, dans l’état où je l’ai vu!

– Mais il faut le sauver!

– Il faut le sauver! répéta Martinet.

– En est-il encore temps?

– Je ne sais pas. Mais il faut le sauver!

Et Martinet n’eut plus qu’une pensée: sauver Pold, dont il venait d’apprendre la trahison et qui courait peut-être à cette heure le plus terrible des dangers.

Et c’était une chose vraiment touchante et un spectacle rare, peut-être unique, que celui de cet homme auquel sa femme venait d’avouer qu’elle avait un amant et qui ne songeait qu’à une chose: le protéger.

– Tu feras cela, Martinet?

– Allons! allons! fit Martinet, du courage! Nous n’avons pas de temps à perdre. Je fiche le camp tout de suite pour Esbly. Je pourrai encore arriver pour le premier train!

– Oui, et espérons que tu arriveras pour le sauver. Ils sont dans la garçonnière de la rue de Moscou… Ah! Martinet!…

Martinet franchit la grille des Pavots et s’enfonça dans l’obscurité du bois.

Il n’avait pas plus tôt disparu qu’une grande ombre se dessinait sur le seuil de la villa. C’était Joe.

– Harrison! cria Joe.

Harrison venait bientôt se joindre à Joe.

– Vous avez vu?

– Oui.

– Il retourne à Paris.

– Sans aucun doute.

– Mme Martinet lui aura tout dit. Il connaît les relations de Diane et de Lawrence. Il va certainement rue de Moscou. Il craint qu’il n’arrive malheur à Pold.

– Il n’y a point d’autre explication à son départ.

– Il ne faut point qu’il arrive à Paris.

Joe réfléchit:

– Faites atteler la charrette anglaise.

– Pourquoi?

– Pour conduire Martinet à Esbly, où il va certainement prendre le train.

– Compris! fit Harrison.

– Je le rattrape sur la route. Je lui offre une place dans la voiture. Il accepte.

– Combien y a-t-il encore de trains pour Paris, ce soir?

– Trois. Mais il les manquera tous les trois. Comptez sur moi!

Dix minutes plus tard, Joe sautait dans la charrette anglaise.