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– Vous ne savez point l’idée qui m’est venue, Pold?

– Non. Mais dites-la… Nous sommes à une heure sinistre où toutes les idées sont précieuses…

– Il m’est venu cette idée que, s’il a voulu les lettres de votre père (et, vraiment, je ne vois point quel autre usage il eût pu en faire), c’était, sans doute, qu’il voulait les montrer à votre mère…

Le visage de Pold exprima une douleur tellement effrayante que Diane ne put retenir ses larmes. Il dit, d’une voix qui n’était qu’un souffle:

– Et c’est moi qui les lui ai données… qui les lui ai vendues, Diane!… J’ai trahi mon père et je vais tuer peut-être ma mère… pour dix mille francs!… Je lui en ai donné un reçu…

Diane se précipita sur Pold:

– Allons, va-t’en!… va-t’en!… fuis!… Et moi aussi, je veux fuir! Ah! j’ai peur! j’ai peur!… Il va nous arriver quelque chose d’effroyable… Ah! fuyons de cette maison de malheur!…

Et, sans chapeau, les cheveux dénoués, elle entraîna Pold dans le vestibule. Elle le poussa vers la porte de sortie.

– Mais ouvre donc cette porte! s’écria Diane, qui secouait la porte et qui ne parvenait point à l’ouvrir. Tu l’as donc refermée à clef quand tu es entré ici?

– Moi? Non… Je ne sais plus… Ah! les clefs… Tiens, laisse-moi… Je vais ouvrir…

Il introduisit la clef dans la serrure et la tourna deux fois. Puis il tira à lui la porte. Mais elle ne s’ouvrit point.

– Grands dieux, qu’y a-t-il?…

Il regardait la porte, et ses yeux s’agrandissaient de terreur. Diane encore se rua sur la porte et ne parvint point à l’ébranler.

– Alors… alors… fit-elle, elle est fermée à l’extérieur!

– Il faudrait qu’on eût mis à l’extérieur… des verrous! reprenait Pold… Des verrous que je n’ai point vus… qui ne s’y trouvaient point la dernière fois que je vins ici… Mais c’est affreux!

– Ah! ah! s’exclama Diane, on nous a enfermés! On nous a enfermés!… Pourquoi nous a-t-on enfermés?…

Pold regardait toujours la porte… Il poussa un cri:

– La porte!

– Eh bien?… Eh bien? La porte?

– Ce n’est point la porte ordinaire… Regarde cette lourde porte de chêne… Un bélier ne l’ébranlerait pas…

Diane poussait des cris aigus et s’arrachait les cheveux.

– Et il n’y a… il n’y a pas d’autre issue? Soudain, Pold eut un rire strident:

– Ah! nous sommes fous!… Nous sommes de pauvres fous!… Nous n’y pensions même pas… Les fenêtres, Diane!… Les fenêtres qui donnent sur la cour!… Nous sommes au rez-de-chaussée… Nous n’aurons qu’à enjamber…

– C’est vrai! Vite! À la fenêtre!

Et ils se précipitèrent sur la fenêtre de la salle à manger. Ils arrachèrent les rideaux, ouvrirent la croisée avec des gestes de déments…

Et ils reculèrent, pleins d’horreur et hurlant d’épouvante…

La fenêtre avait un mur!!!

Ils allèrent ou plutôt ils se traînèrent jusqu’aux autres fenêtres et eurent encore la force d’en ouvrir les croisées.

Partout, ils se heurtèrent à un mur!

Et ce mur apparut à Pold et à Diane comme la pierre qui ferme un tombeau!…

XVII DUO D’AMOUR

Deux heures environ après le départ d’Arnoldson des Volubilis et quelque temps après que Martinet se fut dirigé vers Esbly, poursuivi par Joe, le père Jules quitta sa loge, et se dirigea vers la villa. Il en gravit l’escalier qui conduisait à la chambre d’Adrienne.

– Qui va là? fit la voix d’Adrienne. Pourquoi me dérange-t-on à cette heure?

– C’est moi madame, le père Jules!

– Que me voulez-vous?

– Je désirerais vous parler.

– Pourquoi n’attendez-vous pas à demain matin?

– Parce que ce que j’ai à vous dire, madame, est tellement grave que je ne saurais attendre. Je vous en prie, madame, écoutez-moi.

– C’est bien sérieux, ce que vous me dites là?

– Ah! madame! si sérieux qu’il ne s’agit de rien de moins que de la vie de votre mari et de votre fils!

Adrienne, depuis le départ de Lawrence, n’avait pas bougé de sa chambre.

Elle se décida à ouvrir au père Jules, qui entra respectueusement.

Il y avait une veilleuse sur la cheminée, et c’est à la lueur de cette veilleuse que le dialogue suivant s’engagea entre Adrienne et son concierge.

– Voici, madame, ce dont il s’agit, fit le père Jules.

Mais, ayant prononcé ces mots, il s’arrêta. Il tournait, d’un geste embarrassé, sa casquette dans ses mains.

– Eh bien, reprit impatiemment Adrienne, je vous écoute… et parlez vite… qu’y a-t-il?

– Il y a, madame, que je viens m’accuser d’une chose…

– De quoi?

– Oh! madame… je me reproche bien, à cette heure, d’avoir été aussi indiscret. Mais c’était pour son bien que je le faisais…

– Pour le bien de qui?

– Mais pour le bien de M. Pold…

– Mais vous me faites mourir! Qu’est-ce que vous avez fait pour le bien de M. Pold?

– Madame me pardonnera?

– Oui, fit rageusement Adrienne. Mais parlez, au nom du ciel, parlez!…

– Sachez donc, madame, reprit le père Jules, que M. Pold avait une maîtresse… sauf votre respect… À son âge… c’est permis, n’est-ce pas, madame?…

– Allez! Allez!…

– C’est permis quand on ne fait pas de bêtises. Or j’ai vu justement que M. Pold faisait des bêtises, de grosses bêtises…, et j’ai cru de mon devoir d’avertir son père de ce qui se passait… J’ai donc tout dit à M. Lawrence… Je pensais bien que M. Lawrence, quand il saurait ce que j’avais à lui apprendre, ne serait pas content, qu’il gronderait M. Pold, qu’il lui ferait des remontrances et qu’il prendrait des dispositions pour que M. Pold ne recommence plus ses farces… Mais jamais je n’aurais pensé que mes révélations le mettraient dans un état pareil à celui dans lequel je l’ai vu…

– Quand lui avez-vous parlé de Pold?

– Mais quand il sortait d’ici. Il paraissait déjà tout drôle! et fort préoccupé. Cependant je l’abordai et lui dis que M. Pold avait une maîtresse et qu’il venait encore de partir pour Paris, où il devait la rejoindre. Je lui dis que cette liaison prenait des proportions telles que j’avais cru devoir l’en prévenir.