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– C’est lui qui m’a fait venir ici, c’est Arnoldson qui m’a conduite ici. J’attendais Agra. Il ne vient pas, et c’est vous qui venez. Que signifie tout ceci? Oh! c’est étrange, bien étrange!

Pold avait lu et poussait des exclamations de rage.

– Et moi, c’est Arnoldson, s’écria-t-il, qui m’a ordonné de me rendre à Paris ce soir! Il m’avait promis que vous seriez à moi! Il s’était chargé de vous amener ici. Le concierge, sans doute, qui possède les clefs de cet appartement, vous a introduite chez moi sur ses indications. Mais, s’il m’a dit que vous seriez chez moi ce soir, il m’avait dit aussi que vous y seriez pour moi. Et voilà que j’apprends que vous y êtes… pour le prince Agra!… Diane! vous attendiez le prince Agra et vous étiez certainement bien joyeuse de l’attendre pour m’avoir montré tant de froideur et tant de colère, à moi qui suis venu à sa place! Diane! aimeriez-vous donc encore cet homme?…

Diane eut un pâle sourire:

– Pouvez-vous en douter?… on ne désire vraiment avec tant de force que ce que l’on n’a pas… que ce que l’on n’aura peut-être jamais…

Pold l’écoutait et son regard exprimait une épouvante grandissante.

– Oh! alors, pourquoi cet homme m’a-t-il menti? Pourquoi m’a-t-il dit que vous n’aimiez plus le prince Agra? Pourquoi vous a-t-il menti, à vous? Pourquoi ment-il à tout le monde? Et quel est donc son dessein en nous réunissant ici? Madame, si vous vous en doutez, dites-le-moi!

– Son dessein?

Diane ne le devinait point, mais, maintenant, elle plaignait Pold de tout son cœur, car elle comprenait que, quel que fût le dessein d’Arnoldson, il devait être terrible pour Pold. Elle voyait bien qu’il poursuivait le fils d’une haine dont elle ne s’expliquait point les raisons, comme il avait, de connivence avec Agra, préparé la ruine et la démence amoureuse du père.

– Son dessein? répéta-t-elle… Le sais-je, moi?… Il vous a dit que je n’aimais plus le prince?

– Certes!

– Et que, peut-être, n’aimant plus le prince, je serais toute disposée à ne point vous repousser?…

– Il me l’a fait comprendre…

Et Pold prit une grande résolution:

– Écoutez, Diane: il faut que vous sachiez tout. Cet homme m’a dit que le prince voulait rompre avec vous, mais que cela lui était fort difficile, parce que vous le teniez avec certaines lettres de lui fort compromettantes!

– Des lettres de lui? des lettres du prince? s’écria Diane. Mais je n’en ai qu’une, et fort insignifiante…

– Des lettres avec lesquelles vous le faisiez chanter!…

Diane bondit:

– Je fais chanter le prince?

– Mais c’est ce qu’il m’a dit! Vous lui demandiez des sommes considérables en échange de ces lettres…

– Mais c’est un mensonge abominable!

– Arnoldson ajouta même, quand il me raconta cette histoire, reprit plus froidement Pold, que, s’il n’avait pas ces lettres dans les vingt-quatre heures, il vous faisait arrêter.

Diane avait des gestes inconscients. Elle sentait que sa raison s’enfuyait et qu’elle était suspendue au-dessus d’un abîme où peut-être elle allait sombrer avec Pold…

Celui-ci la supplia de se calmer et de l’entendre. Quand il l’eut plus calme en face de lui, il dit:

– Voyons, Diane, vous ne vous souvenez donc plus? Cela est tout à fait impossible… Vous dites que vous n’avez pas de lettres du prince… C’est exact à cette heure… mais, il y a quelques jours, vous les aviez…

– Mais c’est fantastique!… Où étaient-elles, ces lettres, que je n’ai jamais vues?…

Pold, qui avait reconquis tout son sang-froid, déclara:

– Dans le secrétaire de votre chambre.

– Malheureux! Mais ces lettres sont des lettres de votre père!…

Pold crut avoir mal entendu:

– De mon père?…

– Eh! oui! Des lettres d’amour de votre père, vous dis-je, car votre père m’aimait, comme vous m’aimez! Car j’ai cette fatalité dans ma vie d’être aimé de tous ceux que je n’aime pas!…

Pold avait poussé un cri sauvage:

– Des lettres d’amour de mon père!…

Il demanda d’une voix rauque et saccadée:

– Mais ces lettres… ces lettres… étaient bien dans votre secrétaire?…

– Je vous le jure!

– Et bien, fit Pold, terriblement sombre… elles n’y sont plus!…

– Parce que?

– Parce que je les ai volées!

– Vous?

– Moi! Par ordre d’Arnoldson, pour vous sauver de vous-même, pour que vous ne fussiez point dénoncée à la justice, j’ai livré à Arnoldson ces lettres, que je croyais du prince Agra, et qui étaient de mon père!

– Vous avez fait cela?

– Je l’ai fait!…

Il y eut un court silence.

– Oh! oh! reprit Diane, voilà qui est grave, très grave…

– Que pensez-vous qu’il en puisse résulter? demanda Pold en tremblant.

– Je ne sais, mon ami, et c’est cela qui fait que la situation est très grave…

– Vrai, fit Pold, elle m’épouvante! car cet homme avait un but… Ah! connaître le but de cet homme!

– Je ne sais qu’une chose, fit Diane; c’est que cet homme exerce sur toute votre famille une œuvre terrible de vengeance…

– Comment a-t-il à se venger de nous? Que lui avons-nous fait?

– Ne me demandez point autre chose que ce que je vous dis, Pold, car je ne sais rien de plus. Mais cela, je le sais bien. Il a voulu se venger sur votre père. Il y a réussi, croyez-moi… Je vois maintenant qu’il va se venger sur vous, et je vous en avertis. Je ne devrais pas vous en avertir, car il y va de ma sécurité! Car il faut être avec cet homme si l’on tient à la vie, Pold… Je vois, je sens qu’il est terrible et que rien ne saurait lui résister… Écoutez-moi, suivez mon conseil, le conseil que je vous donne et que me dicte la pitié que votre sort m’inspire, Pold. Fuyez! fuyez loin! Ne me revoyez jamais plus!… Et, surtout, ne vous retrouvez jamais sur le chemin de cet homme!

– Oh! oui! s’écria Pold… Fuyons! Fuyons!…

Diane l’arrêta et lui dit encore, très grave:

– Fuyez! Quittez la France, vous et toute votre famille… Fuyez avec votre père et votre sœur, votre mère!…

– Eh! quoi! après s’être attaqué à mon père et à moi, oserait-il s’attaquer à ma sœur?… Et que pourrait-il contre ma mère?