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– Pas mal, mon ami. M. Arnoldson est plein d’attentions à mon égard.

Martinet frappa la table de son poing.

– Et Pold? fit-il.

Mme Martinet demanda, toute rouge:

– Pold?

– Oui, Pold, Pold Lawrence! Ma parole, on dirait que tu ne sais pas ce que je veux dire! Je te demande des nouvelles de mon ami Pold. Ça me fait bien plaisir de te revoir, mais je ne te cache pas que j’espère bien me trouver avec lui avant mon départ. Il y a longtemps que je ne l’ai vu. Je voudrais bien lui serrer la main, à ce brave petit ami. Tu l’as vu quelquefois?

– Mais oui, de temps en temps… Je l’ai rencontré…

– Comme tu dis cela?… Est-ce qu’il y aurait une nouvelle brouille entre vous?… Tu as vraiment une conduite bizarre avec ce garçon. Il n’y a pas eu de scène entre vous depuis ma dernière visite?

– Aucune mon ami.

– Ah! à propos de Pold, tu sais que je viens de rencontrer son père…

– Son père? répliqua Mme Martinet, soudain très intéressée.

– Mais oui. Il avait une drôle de tête.

– Où cela, l’as-tu rencontré?

– Mais en venant ici, sur la route de Picardie. Je l’ai croisé, mais il ne m’a pas vu. Il marchait très vite et il avait une mine sinistre, la mine d’un monsieur à qui il vient d’arriver un malheur ou qui va en commettre un!

– Où allait-il? fit Mme Martinet, très anxieuse.

– Mais à Villiers, prendre sans doute la diligence pour Esbly, ou commander une voiture. Il retournait évidemment chez sa Diane!

– Sa Diane?

– Eh! oui. Tu ne sais pas? Je n’ai pas encore eu le temps de rien t’apprendre! Mais il en fait de belles, le père de Pold, et il serait bien venu à faire des remontrances à son fils! Ah! ta sœur peut se vanter d’avoir du succès dans la famille…

Mme Martinet s’était précipitée sur son homme:

– Que veux-tu dire? Explique-toi! cria-t-elle.

– Bah! comme te voilà tout excitée! Qu’est-ce qui te prend?

– Pourquoi dis-tu que M. Lawrence retournait chez sa Diane?

– Eh! mais… parce que Diane est sa maîtresse… Et, comme elle lui en fait voir de toutes les couleurs, et comme il avait l’air tout retourné et mauvais en diable, je me suis dit: «Voilà un homme qui va faire une scène à sa maîtresse.» Et il semblait pressé! Tu sais, il courait presque!

Mme Martinet, qui était, d’écarlate, devenue livide, demanda, d’une voix tremblante:

– Diane est la maîtresse de M. Lawrence?

– Il n’y a plus que toi qui l’ignores, ma chère!

– Et… dis-moi… Martinet… je t’en prie… dis-moi… Toutes tes paroles ont en ce moment une importance colossale, que tu ne soupçonnes pas… M. Lawrence, quand tu l’as rencontré, semblait… très… très méchant… très… mauvais? Sa figure…

– Ah! sa figure… Je te dis qu’il allait faire un mauvais coup.

Mme Martinet s’appuya à la table et eut à peine la force de dire:

– Il est perdu!

– Voyons, Marguerite! Tu es souffrante?

– Écoute… écoute, Martinet… Lawrence est l’amant de Diane… mais Diane… est aussi la maîtresse de Pold.

– De Pold?… Allons donc. Il y a longtemps que c’est fini!

– Non, je t’assure, Pold est en ce moment l’ami de Diane… Il la voit tous les soirs… et ce soir même il a rendez-vous avec elle rue de Moscou.

– Eh bien?… fit Martinet.

– Eh bien, reprit Mme Martinet avec effort… Lawrence le sait… Lawrence a appris la chose… aujourd’hui… et quand tu l’as vu… il allait les surprendre… que va-t-il se passer?…

Puis Mme Martinet, l’air de plus en plus égaré, prononça des mots sans suite… laissa échapper des phrases incohérentes… Elle disait:

– Pold!… Pold!… Que va-t-il arriver?…

Et Martinet, dont la stupéfaction allait grandissant, entendit encore ces mots:

– Il va les tuer!… les tuer… Et moi!… moi!…

Et Mme Martinet se tordit les mains, cria:

– C’est moi… c’est moi qui aurai tout fait!… Oh! ce n’est pas possible!…

Martinet, maintenant, se dressait devant sa femme. Il lui dit, d’une voix très grave:

– Madame Martinet, que signifie tout ceci?… Que voulez-vous dire? Et pourquoi êtes-vous dans cet état?

Quant Martinet «vouvoyait» sa femme, c’est que la situation était excessivement critique.

Mme Martinet ne semblait plus l’entendre. Elle continuait sa litanie… Elle répétait:

– C’est moi!… c’est moi qui aurai fait cela! Martinet fut pris d’un grand accès de colère.

– Mais, enfin, s’écria-t-il, qu’as-tu fait? et de quoi t’accuses-tu?… Réponds! Tu deviens folle!… ou tu as commis un crime!…

– Oh! oui, avoua Mme Martinet, oh! oui… un crime!… J’ai commis un crime!

– Et lequel? réclama Martinet, qu’une agitation extrême gagnait. Explique-toi, bon sang de bon sang!

Mme Martinet s’écroula sur une chaise. Elle cacha sa figure dans ses mains:

– Je t’ai dit que Lawrence savait tout et qu’il allait les surprendre… Je t’ai dit qu’il allait les tuer!…

Martinet bondit:

– Les tuer? Il va tuer Pold?… Mais c’est infâme, ce que tu racontes…

– Est-ce qu’on sait ce qu’il va faire? Oh! j’ai peur! j’ai peur!

– Mais enfin, es-tu certaine qu’il sait que Pold est avec Diane? Et qui te fait croire qu’il va les surprendre?

– C’est moi qui lui ai tout appris!

Ce fut le cri de sa conscience! Elle ne pouvait plus le retenir.

Martinet était maintenant plus effrayant à voir que sa femme.

– Comment! hurlait-il, tu as fait cela? C’est toi qui l’as dénoncé? Et pourquoi as-tu fait cela, Marguerite? Qui t’a poussé à commettre cette abominable action?

Il commandait. Il voulait une réponse tout de suite.

– Je l’ai dénoncé! Je lui ai écrit, te dis-je! Je lui ai donné l’adresse! Je lui ai tout appris!

– Mais pourquoi? Pourquoi?