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Il regardait donc Mme Martinet et il se disait qu’elle n’était certes pas aussi belle que Diane, quoique fort appétissante, et qu’elle ne ressemblait en rien à sa sœur.

Marguerite paraissait une trentaine d’années. Elle était plutôt grassouillette, sans exagération. Ce léger embonpoint ne nuisait pas à sa beauté de brune, aux larges yeux noirs, à la physionomie avenante de «bonne personne». Elle ne montrait un caractère détestable que pour M. Martinet. Pour les autres, elle était plutôt aimable tout en restant fort rigide sur le chapitre des bonnes mœurs, du moins jusqu’à ce jour. On ne lui connaissait pas encore d’intrigues.

– M. Martinet vous rend donc bien malheureuse? demanda Pold, aimablement.

Car le but de sa visite lui était revenu à l’esprit en songeant à Diane, et il se disait qu’il ferait peut-être bien de profiter du désarroi de Mme Martinet et de son amabilité présente pour lui «soutirer» le petit rez-de-chaussée que Martinet n’osait lui promettre.

– Malheureuse? Oh! plus que vous ne sauriez croire, dit Marguerite en essuyant ses larmes.

– Cependant, il est ordinairement travailleur et ne se grise que de temps à autre, entre amis, tous les mois…

– Toutes les semaines, interrompit Marguerite.

– Ah! il a l’ivresse hebdomadaire?

– Hélas!

– Il ne rentre point, toutes les semaines, dans l’état où je l’ai vu ce matin?

– Il ne manquerait plus que cela! Non… Il est simplement plus guilleret que les autres jours; car il est toujours guilleret, mon mari. Cela lui vient des plaisirs de la table, qu’il apprécie trop et qui lui donnent cet air réjoui qui en a fait votre ami tout de suite, monsieur Pold.

– Comment? vous reprochez à votre mari toute la gaieté que son excellente nature apporte dans votre ménage?

– Je lui reproche de trop s’adonner aux plaisirs de la table…

Il n’apprécie même que ceux-là…

– je ne vous comprends pas, dit Pold.

– Et moi, fit Marguerite, moi, je me comprends bien…

Elle n’eut pas plus tôt prononcé ces paroles qu’elle devint écarlate.

Pold la fixa. Il remarqua cette rougeur, son trouble.

Il fit: «Ah!»

Et puis: «Oh!»

Il y eut un silence.

Pold s’approcha de Marguerite et lui prit la main. Cette main ne se retira point de la sienne.

Le jeune homme hocha la tête.

– Pauvre petite femme! dit-il.

Martinet ronflait toujours. Marguerite devint plus rouge encore.

– C’est ce qui vous faisait cet air triste quand nous étions si gais?

Marguerite ne répondit pas.

– Alors, ce n’était pas contre moi que vous étiez méchante?

– Certes.

– Et moi qui croyais que vous ne vouliez pas me souffrir.

– Oh! monsieur Pold, qu’est-ce que vous me dites là?

– Et, cependant, je me rappelle fort bien que, plusieurs fois, vous m’avez été particulièrement désagréable…

– Quelle erreur! En quelles circonstances?

– Vous savez bien, à propos de ce petit rez-de-chaussée que je demandai à votre mari de me meubler et de me tapisser… Vous vous êtes opposée…

– Certainement.

– Vous ne vouliez donc point m’être agréable par là?

– Je ne voulais point vous savoir un appartement de garçon, dans lequel vous eussiez amené des créatures…

Pold passa galamment un bras autour de la taille de Marguerite et lui dit dans l’oreille:

– Vous étiez donc jalouse?

– Que dites-vous là? s’écria Mme Martinet en se dégageant… Je voulais simplement m’opposer à une mauvaise action. Il n’est point bon qu’à votre âge vous ayez une… garçonnière.

– Et, maintenant, vous me refuseriez encore ce que je vous demande? Vous vous opposeriez encore à ce que Martinet me créât ce petit intérieur qui serait bien à moi en attendant qu’il fût…

– … qu’il fût à toutes celles que votre fantaisie et vos caprices y feront passer… Ah! ces jeunes gens! S’ils savaient! Mais non… vous êtes tous les mêmes: vous n’appréciez que les amours de passage, vous ne comprenez pas ce qu’il peut y avoir de bon, dans un amour qui serait du dévouement plus encore que de l’amour… Mais qu’est-ce que je dis? Je deviens folle… monsieur Pold, oubliez toutes les sottises qui viennent de m’échapper…

Pold se résolut à embrasser Mme Martinet dans le cou. Elle se défendit:

– Oh! monsieur Pold! monsieur Pold! ce n’est pas bien, ce que vous faites là… Si Martinet se réveillait!

– Il se réveillera dans vingt-quatre heures.

Et il voulut lui donner un second baiser, mais elle se défendit.

– Alors, c’est entendu? demanda Pold.

– Qu’est-ce qui est entendu?

– L’appartement!

– Ah! vous y revenez!… Non! non! ce n’est pas entendu!…

Et elle murmura:

– Je n’ai pas confiance en vous… Oh!… vous êtes si jeune!

– Si jeune! J’ai vingt ans, et il y a des gars de vingt-cinq ans qui ne me valent point. Vous refusez?

– Je refuse.

Pold la lâcha, furieux. Il jouait une comédie inutile depuis un quart d’heure.

Elle vit tout son mécontentement.

– Ah! mon Dieu! je vous ai fâché tout à fait?

– Tout à fait!

Et il se disposait à partir.

– Vous vous en allez comme ça?

– Comme ça? Comment voulez-vous que je m’en aille?

– Écoutez! fit-elle tout à coup. On monte… Ce doit être le commis.

Elle le cacha derrière un rideau.

– C’est inutile que l’on sache que vous êtes resté si longtemps dans cette chambre… Attendez.

On frappa. Quelqu’un entra. C’était le commis, en effet. Il jeta un regard sournois dans la pièce et dit:

– Madame, il y a, en bas, un commissionnaire qui demande monsieur.

– Qu’est-ce qu’il veut?