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Quand elle poussa la porte de son cabinet de toilette pour entrer dans sa chambre, ses nerfs étaient tendus, exaspérés, surexcités effroyablement…

Pold la vit venir. Il resta sur sa fenêtre, toujours debout, toujours les bras croisés. Il ne fit pas un mouvement, n’eut pas une parole.

Diane alla à un guéridon, laissa tomber quelques bagues dans une coupe de saxe, quelques bracelets.

Elle dit tout haut:

– Il faut que je ferme les fenêtres.

Pold sentit bien que le moment était solennel et que cette minute allait décider de quelque chose de très grave. Il fut très étonné de n’en point ressentir le trouble intense qu’il redoutait. Un calme suprême lui était venu de la gravité de la situation.

Diane s’avança vers la fenêtre où était Pold.

Elle fut près de la fenêtre; elle leva la tête.

Elle ouvrit la bouche, prête à pousser un hurlement de terreur. Mais sa bouche ne laissa échapper aucun son.

Diane n’avait plus la force de crier.

Elle recula jusqu’à la muraille; puis, acculée contre la cloison, le masque tragique, elle considéra Pold, qui descendait.

Il était fait comme un voleur. Ses vêtements couverts de terre étaient déchirés, pendaient en loques. Sa figure et ses mains étaient ensanglantées.

– Diane, dit-il, Diane – permettez-moi, madame, de vous donner ce nom si doux, que je répète depuis des jours et des nuits -, Diane, ne vous épouvantez point ainsi et remettez-vous.

Diane ne se remettait pas du tout.

– Laissez cette mine effrayée…

Soudain la jeune femme bondit jusqu’à un bouton de sonnette et allongea fébrilement le bras.

Pold lui avait déjà pris ce bras.

– Et, surtout, Diane, laissez la sonnette tranquille. Diane, je ne vous veux point de mal. Diane, je vous aime.

Diane put parler enfin. Elle dit, toute tremblante:

– Ah! vous m’aimez?

– Plus que tout au monde, madame.

– Eh bien, puisque vous m’aimez, allez-vous-en!

– M’en aller? s’écria Pold.

La jeune femme eut la crainte d’avoir froissé ce sinistre visiteur, à la disposition duquel elle se trouvait tout entière. Elle reprit d’une voix plus douce:

– Enfin, monsieur, que voulez-vous de moi?… Surtout, surtout, ne me faites pas de mal…

– Moi, vous faire du mal? Y songez-vous? J’ai déjà eu l’honneur de vous dire que je vous aime, madame.

Diane commençait à se remettre.

– Étrange amoureux…

– … que celui qui entre par la fenêtre à cinq heures du matin. Il fut un temps, madame, où ils en descendaient toujours à cette heure-là…

– Ce temps est passé.

– Parce que le temps des vrais amoureux n’est plus, Diane. Or, moi, je suis un amant de ces temps anciens et j’ai conservé les procédés de l’époque…

Pold s’avança vers Diane. Il étendit le bras.

– Ne m’approchez pas! Ne m’approchez pas!

– Je vous fais donc horreur?

– Oh! oui. Regardez-vous dans cette glace.

– Non, madame, car si je me regardais dans cette glace, vous appuieriez sur ce bouton.

– Je vous donne ma parole que je ne bougerai pas.

– Je vous crois, fit chevaleresquement Pold.

Et il se regarda dans la glace. Il n’avait pas plus tôt tourné le dos que Diane s’était livrée à une nouvelle tentative du côté de la sonnette.

Pold l’avait vue et était arrivé encore à temps pour l’empêcher de prévenir ses gens.

– Croyez donc à la parole des femmes! dit-il. Oh! Diane, Diane, vous m’enlevez toutes mes illusions.

Dans le mouvement rapide qu’elle avait fait, Diane avait laissé s’entr’ouvrir son peignoir. Une manche du peignoir glissa, et Pold vit une épaule nue. Il fit:

– Oh!

Diane eut peur du regard qu’il lui lança. Elle voulut rattraper son peignoir, s’en couvrir complètement, mais, dans un geste malheureux, elle découvrit l’autre épaule.

– Mon Dieu! mon Dieu! disait Pold, qui la dévorait des yeux et dont l’admiration, naturellement, avait doublé.

Et il ne fut point brutal.

Brutal, il l’avait été jusqu’alors. Il avait subi cette nécessité. Il avait joué au matamore. Il fallait faire peur à cette femme avant de s’en faire aimer. Lui faire peur avait été facile; s’en faire aimer était une tâche beaucoup plus ardue. Pold n’hésita pas à l’entreprendre. Il n’était pas dans son rôle, tout à l’heure, quand il se conduisait cyniquement en bandit de grand chemin. Maintenant qu’il s’agissait d’amour, il allait être sincère.

Il tomba à ses genoux. Il entoura Diane de ses bras. Il lui dit:

– Je ne suis pas un voleur. Je suis un jeune homme de bonne famille. Je serai riche un jour, je vous donnerai toute ma fortune. On m’appelle Pold. Je ne suis point méchant. Je ne suis qu’un pauvre petit potache amoureux. Si vous avez eu peur de moi, c’est que je me suis présenté par la fenêtre. Votre porte ne se serait point ouverte devant moi. C’est aussi que mes vêtements sont déchirés, que je suis sale et laid et que je suis plein de sang. Je me suis arraché les mains et le visage, je me suis brisé les poignets et je me suis ensanglanté les jambes – j’ai une grande plaie à la jambe -, tout cela pour vous voir de plus près, pour vous parler, Diane, pour vous dire que je vous aimerai toujours…

Pold sentait que Diane voulait se dégager. Entre ses bras, il lui serra plus étroitement les jambes. Elle fut prise comme dans un étau. Il la regardait de bas en haut, suppliant, avec l’air humble d’un chien qu’on va battre.

– Oh! oui, j’ai voulu vous voir autrement qu’en photographie…

Et comme Diane ne put s’empêcher de sourire:

– Pourquoi souriez-vous? Pourquoi vous moquez-vous de moi? Je vous ai dit que je n’étais qu’un pauvre petit potache… Vous ne savez pas, vous, vous ne saurez jamais le mal que vous faites aux petits potaches avec vos photographies. Ils les considèrent longtemps à la vitrine des papetiers, ils font des économies et ils les achètent, et ils les cachent, et, chaque fois qu’ils le peuvent, ils s’abîment dans la contemplation de vos photographies… Ils finissent par vous aimer… Pourquoi nous avoir montré votre corps avec tant d’impudeur? Pourquoi ne nous avoir rien caché de vos dessous, de vos toilettes intimes, rien de votre beauté et de tout ce qui pare votre beauté et vous fait plus belle encore, si vous voulez qu’on ne vous aime pas? Diane, le petit potache en a assez de vos photographies! C’est vous qu’il aura! Plus de carton, Diane, plus d’images… Je veux de la chair, Diane, votre chair si douce, si douce…