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Soudain, une porte basse fut ouverte.

La Roussotte et Pâquette apparurent.

– En avant! hurla Catho.

– En avant! répondit le tonnerre des trois cents voix.

– Par ici! cria La Roussotte.

Toute la troupe se rua, s’engouffra sous la porte que les deux ribaudes venaient d’ouvrir du dedans.

– J’ai les clefs! glapissait Pâquette.

– Nous avons renfermé les hommes d’armes! ajouta La Roussotte.

– Vite! Vite! Au cachot! commanda Catho. Où est-ce?

– Par là!

– En route!…

Elles débouchèrent dans une petite cour qu’elles emplirent de leur tumulte.

– Holà! tonna une voix, que signifie! Qui êtes-vous, sorcières!… Arrière!…

– En avant! vociféra Catho.

– Feu! Feu! hurla la voix…

Douze arquebuses éclatèrent. Cinq des guerrières de Catho tombèrent, mortes ou blessées. Alors, dans cette cour étroite, il y eut des vociférations inimaginables. Douze soldats rangés, en bataille et commandés par un officier venaient de faire feu…

Voici ce qui s’était passé:

Il y avait dans le Temple une garnison de soixante soldats. Elle était divisée en deux groupes qui occupaient deux postes. La Roussotte et Pâquette, après avoir ficelé solidement le gouverneur Montluc, avaient pris deux trousseaux de clefs et étaient descendues en toute hâte. Dans l’une des cours sur laquelle s’ouvrait la grande porte du Temple, il y avait un poste. Quarante soldats y dormaient; la Roussotte s’approcha de la porte massive et la ferma à double tour: les soldats ne pouvaient plus sortir, les fenêtres étant grillées!

Alors elles coururent ouvrir la porte basse où Catho devait entrer.

Malheureusement, il y avait un deuxième poste. Outre ce deuxième poste, il y avait les geôliers, les sentinelles.

Un officier qui faisait sa ronde se heurta dans une cour à l’armée des ribaudes.

Au bruit de la décharge et de la bataille qui commençait, les soldats du deuxième poste, qui n’étaient pas enfermés, accoururent. Les geôliers s’habillèrent en hâte et descendirent. Les sentinelles se replièrent sur le champ de bataille… En voyant le Temple envahi par cette légion de mendiantes hurlantes et vociférantes, ils crurent d’abord à une vision de cauchemar. Mais les coups pleuvaient. Ces femmes en guenilles frappaient, et leurs coups portaient…

Pendant quelques minutes, ce fut dans la cour un vacarme effrayant que couvrait le tumulte déchaîné sur Paris.

Une vingtaine de truandes et ribaudes gisaient sur le sol. Mais autant de soldats étaient tombés.

Elles bondissaient, poussaient des cris assourdissants, rouges de sang, les cheveux épars, sorcières en délire; enivrées par le sang, enfiévrées, furieuses, hagardes; les soldats pliaient, se débandaient, on n’entendait plus que des plaintes sourdes, de rauques imprécations, et finalement, un grand hurlement de triomphe éclata:

Les derniers soldats ou geôliers survivants s’étaient précipités dans un couloir dont ils poussèrent la porte, affolés, terrorisés par cette irruption inouïe de mégères endiablées. Seuls, un officier, un sergent et un soldat demeurèrent dans un coin, prisonniers.

– En avant! rugit Catho.

Elle avait reçu trois coups de dague. Elle haletait, elle était comme une panthère blessée qui cherche sur quel ennemi elle va fondre.

Elle chercha des yeux La Roussotte et Pâquette: elles venaient de tomber, blessées – mortellement peut-être.

Alors Catho eut une malédiction terrible. Elle saisit les clefs que La Roussotte tenait dans sa main crispée et, livide, sanglante, échevelée, courut au groupe des trois prisonniers.

– Où est le chevalier de Pardaillan? demanda-t-elle au soldat.

– Je ne sais pas! dit le soldat.

Catho leva sa dague et frappa un seul coup. Le soldat tomba comme une masse.

– Conduis-moi! reprit-elle haletante en s’adressant à l’officier.

– Ribaude! dit l’officier, crois-tu donc que…

Il n’eut pas le temps d’achever; Catho l’abattit d’un coup terrible, un seul coup, comme pour le soldat.

– À toi, dit-elle au sergent.

– J’obéis, répondit le sergent, pâle comme la mort.

– Marche!

– Venez!…

Le sergent se mit en marche. Catho le suivit, tamponnant ses blessures, marchant de ce pas souple de la panthère prête à bondir, son poignard rouge incrusté dans sa main. Derrière elle le troupeau suivait à la débandade. De là montaient des grondements, fusaient des rires aigres, jaillissaient des glapissements, des jurons… toute la joie du triomphe des ribaudes et des truandes sur les soldats… sur le guet!

Et, au loin, dans Paris, c’était la rumeur énorme des cloches, la clameur faite de milliers de clameurs sauvages ou désespérées…

Le sergent par une porte était passé dans une deuxième cour.

Là, au fond de cette cour, il y avait une voûte.

Le sergent s’enfonça sous la voûte; à gauche, une petite porte basse ouverte; un escalier tournant commençait là.

Catho arrêta le sergent, lui mit la main sur l’épaule, et dit:

– Si tu me trompes, tu es mort.

– Venez! dit le sergent.

– Des lumières? cria une voix.

– Inutile, reprit le sergent. La mécanique est éclairée.

– La mécanique? gronda Catho.

– Oui! Là, vous trouverez ceux que vous cherchez.

– Marche!

Le sergent commença à descendre l’escalier tournant. Il grommelait et ricanait dans sa moustache grise:

– Elle les trouvera, oui!… Attends un peu, tu vas les retrouver… une pinte ou deux de sang, et voilà!

La bande cheminait le long de l’étroit boyau. Cependant une trentaine des mieux armées, par prudence, étaient demeurées en surveillance près de l’entrée.

Au bout de ce couloir où les tumultes du dehors n’arrivaient plus que comme un bourdonnement lointain, Catho entrevit un étrange spectacle.

Dans la lumière fumeuse d’une torche, au bas d’un escalier tournant, il y avait un homme, sorte de gnome court sur pattes, à tête énorme, aux bras nus musculeux.