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– Où suis-je? balbutia-t-elle.

~ Jeanne! Jeanne! supplia François d’une voix ardente.

– Ma mère!… murmura Loïse en levant sur elle son beau regard noyé de larmes.

La folle se dressa toute droite. Pendant deux secondes qui furent longues comme des heures, dans le silence plein d’angoisse qui régnait dans l’église, elle contempla tout ce qui l’entourait.

Sa voix, de nouveau, se fit entendre, plus distincte, plus affermie:

– L’église de Margency… l’autel… Qui est là?… ma fille?… oh! est-ce bien toi, François?… Est-ce que je rêve?… Non… je suis morte et je vois ces choses du fond de la tombe!…

– Jeanne!…

– Ma mère!…

Ce double cri retentit dans l’église, déchirant, terrible, épouvanté:

Jeanne avait répété:

– Morte!

Et en même temps qu’elle prononçait ce mot, elle était tombée à la renverse dans le fauteuil, comme jadis le sire de Piennes son père. Un instant, ses bras essayèrent de se soulever comme pour bénir les êtres qui sanglotaient autour d’elle… puis ses yeux s’ouvrirent et s’attachèrent à François… un céleste rayonnement d’amour intense et de bonheur surhumain jaillit de ces yeux… et ce fut tout!…

François, avec un atroce sanglot de désespoir, la saisit dans ses bras… la tête de Jeanne retomba mollement sur son épaule… C’était fini!…

Alors. La voix grave du vieillard qui venait d’officier l’union de Loïse et de Pardaillan, s’éleva, solennelle et tremblante:

– Mon Dieu, recevez dans votre sein celle qui vient à vous, morte martyre… morte d’amour!

* * * * *

Un mois après cette scène, par un beau soir de mai, comme le soleil se couchait dans une gloire pourpre, François de Montmorency en grand deuil, l’âme noyée de regrets se promenait dans le jardin du château. Il s’assit sur un banc de pierre qu’ombrageait un énorme buisson de chèvrefeuille.

Dans une allée lointaine, il vit passer un couple qui marchait lentement parmi les fleurs, parmi les parfums du soir, dans l’auguste sérénité de ce beau crépuscule.

Pardaillan et Loïse s’arrêtèrent enlacés; ils échangèrent un long baiser, et leur amour paraissait infini, suave, parfumé comme la radieuse et sereine nature qui les enveloppait de ses caresses.

Les yeux du maréchal s’emplirent de larmes. Il laissa tomber sa tête dans ses deux mains, et murmura:

– Ô mes enfants, aimez-vous, soyez heureux!… Comme Loïse est fiévreuse depuis quelques jours!… Comme ses yeux brillent d’un éclat funeste!… Est-ce que je n’ai pas assez payé ma dette au malheur? Est-ce que je vais souffrir encore?… Oh! non!… non!… Enfants, chers enfants, pour tant d’infortune et de tristesse, soyez heureux, et que le trop plein de votre bonheur verse au moins une consolation suprême dans le cœur flétri qui bat encore dans ma poitrine!…

Il releva la tête… regarda au loin la vision adorable des deux amoureux qui s’étaient remis en marche, lents, onduleux, enlacés… Dans l’ombre du soir, ils semblèrent ne former qu’un seul être…

Puis ils disparurent au détour d’un massif de roses pourpres, comme s’ils fussent entrés dans de la gloire, dans des parfums, dans du bonheur, dans l’amour…

Alors, un sourire consolateur erra sur les lèvres de François de Montmorency…

Il se leva pour les voir encore, et il murmura le mot qui résume tout le doute et toute l’espérance des hommes:

– Qui sait?… Peut-être!…