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Hommage à la raison

J'enviais la Raison des hommes, qu'il proclament peu faillible, et pour en mesurer le bout, j'ai proposé: Le Dragon a tous les pouvoirs; en même temps il est long et court, deux et un, absent et ici, – et j'attendais un grand rire parmi les hommes, – mais,

Ils ont cru.

J'ai proclamé ensuite par Édit: que le Ciel inconnaissable avait crevé jadis comme une fleur étoilée, lançant au fond du Grand Vide ses pollens d'étés, de lunes de soleils et de moments,

Ils on fait un calendrier.

J'ai décidé que tous les hommes sont d'un prix équivalent et d'une ardeur égale, – inestimables, – et qu'il vaut mieux tuer le meilleur de ses chameaux de bât que le chamelier boîteux qui se traîne. J'espérais un dénégateur, – mais,

Ils ont dit oui.

J'ai fait alors afficher par tout l'Empire que celui-ci n'existait plus, et que le peuple, désormais Souverain, avait à se paître lui-même, les marques de gloire, abolies, reprenant au chiffre un:

Ils sont repartis de zéro.

*

Alors, rendant grâces à leur confiance, et service à leur crédulité, j'ai promulgué: Honorez les hommes dans l'homme et le reste en sa diversité.

Et c'est alors qu'ils m'ont qualifié de rêveur, de traître, de régent dépossédé par le Ciel de sa vertu et de son trône.

Édit funéraire

Moi l'Empereur ordonne ma sépulture: cette montagne hospitalière, le champ qu'elle entoure est heureux. Le vent et l'eau dans les veines de la terre et les plaines du vent sont propices ici. Ce tombeau agréable sera le mien.

*

Barrez donc la vallée entière d'une arche quintuple: tout ce qui passe est ennobli.

Étendez la longue allée honorifique: – des bêtes; des monstres; des hommes.

Levez là-bas le haut fort crénelé. Percez le trou solide au plein du mont.

Ma demeure est forte. J'y pénètre. M'y voici. Et refermez la porte, et maçonnez l'espace devant elle. Murez le chemin aux vivants.

*

Je suis sans désir de retour, sans regrets, sans hâte et sans haleine. Je n'étouffe pas. Je ne gémis point. Je règne avec douceur et mon palais noir est plaisant.

Certes la mort est plaisante et noble et douce. La mort est fort habitable. J'habite dans la mort et m'y complais.

*

Cependant, laissez vivre, là, ce petit village paysan. Je veux humer la fumée qu'ils allument dans le soir.

Et j'écouterai des paroles.

Décret

Ceci n'est point du temps qui se mesure. Acclamons la vertu du passé, le portant comme une chaîne: mais qui soit d'or.

Ceci n'est pas geste qu'on incruste. Acceptons les hauts faits accomplis: mais saluons l'avènement libre des autres qui viendront peut-être.

Cette femme exhale les dix genres de beautés; chaque maintien d'elle appelle un trait fameux, l'ombre délicate d'une héroïne:

Mais donnons un poème à celle «On ne peut dire qui elle est» ni pourquoi elle est belle; et parmi les Noms Dynastiques, enclavant le vide d'un qui n'eut pas d'aube et n'aura pas de deuil:

Honorez du titre souverain l'Empereur qui aurait pu l'être, et qui ne daigne point promulguer d'autre édit.

STÈLES FACE AU NORD

Empreinte

Choun, Empereur, donnant investiture aux cinq classes de princes, leur confiait des tablettes de jade,

De contours stricts et d'ornements divers: deux colonnes, – un homme au corps droit, – un homme courbé, – des épis, – des joncs.

Mais il en gardait les empreintes. Parfois juxtaposant l'une à l'autre et pressant de sa main, il vérifiait l'authentique investiture.

*

Celui que j'ai fait Noble de mon amitié, Prince du sang de mon cœur fraternel et Censeur à mon secret empire,

Celui-là, n'a-t-il pas reçu le jade: – deux hommes penchés – pour emblème? Il revient. J'ai gardé l'empreinte. Affrontons la double fidélité.

*

Hélas! oh hélas! Les contours ne s'enferment plus; les coins se heurtent et les creux tintent le vide: est-ce là le dépositaire choisi? A-t-il perdu la forme de mon âme?

Plutôt, est-ce mon âme dont la forme a gauchi?

Miroirs

Ts'ai-yu se mire dans l'argent poli afin d'ajuster ses bandeaux noirs et les perles sur ses bandeaux.

Ou si le rouge est trop pâle aux yeux, ou l'huile blanche trop luisante aux joues, le miroir, avec un sourire, l'avertit.

Le Conseiller s'admire dans l'histoire, vase lucide où tout vient s'éclairer: marches des armées, paroles des Sages, troubles des constellations.

Le reflet qu'il en reçoit ordonne sa conduite.

*

Je n'ai point de bandeaux ni perles, et pas d'exploits à accomplir. Pour régler ma vie singulière, je me contemple seul en mon ami quotidien.

Son visage, – mieux qu'argent ou récits antiques, – m'apprend ma vertu d'aujourd'hui.

Jade faux

O fourberie d'une amitié parfaite! Sonorités sournoises d'un double écho de l'un à l'autre cœur!

Nous aimions, nous décidions en même confiance: de l'un à l'autre fidèle en termes plus clairs que le grand ciel sec de l'hiver.

Las! le mauvais printemps est venu, et le vent trouble et le sable en tourmente jaune. J'avais promis,

Je n'ai pas tenu. L'écho s'étouffe. C'est fini. – Ce jour glorieux d'abandon, ah! que n'ai-je été dur et sourd et sans paroles!

O générosité fourbe, jade faux blessant au cœur plus que l'indifférence au cœur de porcelaine!