Les trois hymnes primitifs
Les trois hymnes primitifs que les trois Régents avaient nommés: Les Lacs, l'Abîme, Nuées, sont effacés de toutes les mémoires. Qu'ils soient ainsi recomposés:
Les Lacs
Les lacs, dans leurs paumes rondes noient le visage du Ciel:
J'ai tourné la sphère pour observer le Ciel.
Les lacs, frappés d'échos fraternels en nombre douze:
J'ai fondu les douze cloches qui fixent les tons musicaux.
Lac mouvant, firmament liquide à l'envers, cloche musicale,
Que l'homme recevant mes mesures retentisse à son tour sous le puissant Souverain-Ciel.
Pour cela j'ai nommé l'hymne de mon règne: les Lacs.
L'abîme
Face à face avec la profondeur, l'homme, front penché, se recueille.
Que voit-il au fond du trou caverneux? La nuit sous la terre, l'Empire d'ombre.
Moi, courbé sur moi-même et dévisageant mon abîme, – ô moi! – je frissonne,
Je me sens tomber, je m'éveille et ne veux plus voir que la nuit.
Les nuées
Ce sont les pensées visibles du haut et pur Seigneur-Ciel.
Les unes compatissantes, pleines de pluie. Les autres roulant leurs soucis, leurs justices et leurs courroux sombres.
Que l'homme recevant mes largesses ou courbé sous mes coups connaisse à travers moi le Fils les desseins du Ciel ancestral.
Pour cela j'ai nommé l'hymne de mon règne: Nuées.
Sur un hôte douteux
Ses disciples chantent: Il revient le Sauveur des hommes: Il vêt un autre habit de chair. L'étoile, tombée du plus haut ciel a fécondé la Vierge choisie. Et il va renaître parmi nous.
Temps bénis où la douleur recule! Temps de gloire où la Roue de la Loi courant sur l'Empire conquis va traîner tous les êtres hors du monde illusoire.
L'Empereur dit: Qu'il revienne, et je le recevrai, et je l'accueillerai comme un hôte.
Comme un hôte petit, qu'on gratifie d'une petite audience, – pour la coutume, – et d'un repas et d'un habit et d'une perruque afin d'orner sa tête rase.
Comme un hôte douteux que l'on surveille; que l'on reconduit bien vite là d'où il vient, pour qu'il ne soudoie personne.
Car l'Empire, qui est le monde sous le Ciel, n'est pas fait d'illusoire: le bonheur est le prix, seul, du bon gouvernement.
Que fut-il, celui qu'on annonce, le Bouddha, le Seigneur Fô? Pas même un lettré poli,
Mais un barbare qui connut mal ses devoirs de sujet et devint le plus mauvais des fils.
Éloge d'une vierge occidentale
La raison ne s'offense pas: certainement une vierge occidentale a conçu, voici deux mille années, puisque deux mille ans avant elle, Kiang-yuan, fille sans défaut, devint mère parmi nous: ayant marché sur l'empreinte du Souverain Roi du Ciel.
Et enfanta aussi légèrement que la brebis son agneau, sans rupture ni grands efforts. Même le nouveau-né se trouva recueilli par un oiseau qui d'une aile faisait sa couche et de l'autre l'éventait.
Ceci est croyable. Le philosophe dit: Tout être extraordinaire naît d'une sorte extraordinaire: la Licorne autrement que chien et boue; le Dragon non pas comme lézard. – M'étonnerai-je si la naissance des hommes extraordinaires n'est pas celle des autres hommes?
La raison ne s'offense pas. Certainement une vierge occidentale a conçu.
Religion lumineuse
L'Empereur, – père de toutes les croyances, et estimant en chacune d'entre elles la Raison qui est une, – veut que ceci, prêt à s'effacer par négligence, soit reporté sur une table neuve et marqué du sceau de son règne:
L'Être admirable, n'est-ce pas l'Unité-Trine, le Seigneur sans origine, Oloho? Il a divisé en croix les parties du monde; décomposé l'air primordial; suscité le Ciel et la terre; lancé le soleil et la lune; créé le premier homme dans une parfaite harmonie.
Mais Sa-Than répandit le mensonge, proclama l'égalité des grandeurs et mit la créature dans le lieu de l'Éternel. L'homme perdit la voie et ne put la retrouver.
Viennent ensuite des promesses: une incarnation; un supplice; une mort; une résurrection. Or cela n'est pas bon à faire trop savoir aux hommes.
Que nul n'ose donc ajouter de commentaires ici. Que nul ne cherche un enseignement ici. Afin que sans fruits ni disciples la Croyance Lumineuse meure en paix, obscurément.
En l'honneur d'un Sage solitaire
Moi l'Empereur je suis venu. Je salue le Sage qui, soixante-dix années, a retourné et labouré nos Mutations anciennes et levé des savoirs nouveaux.
J'attends du Vieux Père la leçon: et d'abord, s'il a trouvé la Panacée des Immortels? Comment on prend place au milieu des génies?
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Le Sage dit: Faire monter au Ciel le Prince que voici serait un malheur pour l'Empire terrestre.
Moi l'Empereur interroge le Solitaire: a-t-il reçu dans sa caverne la visite des trente-six mille Esprits ou seulement de quelques-uns de ces Très-Hauts?
Moi le Solitaire n'aime pas les visiteurs importuns.
Moi l'Empereur implore enfin le Sage le pouvoir d'être utile aux hommes: quelque chose pour le bien des hommes!
Le Sage dit: Étant sage, je ne me suis jamais occupé des hommes.