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– Je la prendrai, père, répondit-il, en regardant les étoiles…

IV OÙ ON VOIT RÉAPPARAÎTRE CETTE PAUVRE MADAME MARTINET

Quelques jours se sont écoulés depuis cette nuit où tant d’événements se passèrent à l’auberge Rouge.

Nous nous retrouvons au bois de Misère par un gai soleil de printemps.

Parmi la vie et la joie de ces choses, un jeune homme s’en vient, le visage sombre et le cœur triste. Il va lentement par le sentier.

Car Pold n’a plus d’allégresse ni de belle humeur que devant les autres. Encore feint-il cette exubérance, qui lui fut jadis si naturelle, pour tromper les autres et pour se tromper lui-même. Oui, Pold veut s’étourdir et ne plus songer au mal qui le ronge et qui lui parle si haut dans sa solitude. Il dit mille folies, fait le gamin, excite les rires et se fait réprimander; mais, au fond, il souffre comme un homme.

Car il a Diane dans la peau. Il n’a point cessé de songer à cette femme. Au contraire, sa passion s’est augmentée de tous ses dédains et rien n’a pu lui faire oublier l’exquise créature qu’il tint dans ses bras une nuit d’audace où il eut le droit de se croire aimé!

Rien! Pas même Mme Martinet, qui, cependant, fut si bonne et qui, sur sa prière, essaya de le consoler. Elle n’y est pas parvenue.

Mais Pold n’est plus seul dans ce sentier. Voici venir vers lui, là-bas, une femme.

Et cette femme, ce n’est point Diane, mais bien Mme Martinet.

Il la regarde. Il la reconnaît. Oui, c’est bien elle. C’est bien sa jolie démarche, un peu lente.

Mme Martinet aperçoit Pold et le reconnaît. Elle s’arrête, suffoquée, puis elle porte la main à son cœur, qui bat, qui bat…

Pold aussi a reconnu Mme Martinet. Il a dit:

– Tiens! voilà Marguerite!

Et il a ajouté:

– Flûte!

Et il s’est avancé vers Mme Martinet. Ils vont l’un vers l’autre, à petits pas. Très rouge Mme Martinet dit:

– Bonjour, monsieur Pold! Je ne m’attendais pas à vous trouver ici, et ce m’est une douce surprise.

Pold fait le gracieux:

– Et à moi, madame Martinet, et à moi! Si vous croyez que ça ne me fait pas plaisir…

Il prit la taille de Mme Martinet et lui dit:

– Marguerite, ma petite Marguerite, tu veux bien que je t’embrasse?

Marguerite ne demandait que cela. Mais, par un étrange esprit de contradiction qu’ont les femmes, et que seules elles pourraient expliquer, elle répondit:

– Monsieur Pold, je ne vous le permets pas, parce que vous ne le méritez pas.

– Qu’ai-je donc fait, grands dieux! qui me procure tant de sévérité? s’écria Pold.

Et il embrassa Marguerite, qui ne se défendit pas.

Pold, considérant qu’il avait accompli son devoir, prit le bras de Mme Martinet et l’accompagna sagement dans le sentier, revenant avec elle sur ses pas.

Mme Martinet poussa un gros soupir et remit d’aplomb son chignon et son chapeau canotier, que Pold avait un peu dérangés en l’embrassant.

– Où allez-vous ainsi, Marguerite?

– Mais je me rends chez M. Arnoldson. Il désire changer les meubles et les tentures d’un cabinet de travail. J’y dois même rester plusieurs jours avec les ouvriers.

Elle regarda Pold du coin de l’œil:

– Cela ne vous déplaît point que je reste ici plusieurs jours?

– Que non pas, Marguerite! Voilà une étrange question.

– C’est que vous êtes si drôle avec moi! À Paris, je comptais vous voir tous les jours depuis… depuis… depuis la garçonnière. Et je ne vous voyais que tous les deux jours. Enfin, vous êtes parti pour la campagne, et je n’ai pas eu de vos nouvelles. Je suis une petite femme bien malheureuse!

Marguerite fit la moue.

– Voyons, Marguerite, voyons! Comme vous êtes romanesque! On peut bien s’aimer sans faire de folies! Et puis il faut être prudente… dans votre situation.

– S’il est permis qu’un jeune homme de votre âge parle avec tant de circonspection! C’est vrai qu’une femme dans ma situation a des devoirs! Mais, petit monstre que vous êtes, Et c’est bien cela que je vous reproche! C’est vous qui me les avez fait oublier, mes devoirs! Et c’est bien cela que je vous reproche! M’avoir fait commettre une telle faute… dont…

Mme Martinet, arrivée à cette partie de sa période, semblait fort embarrassée.

– … dont… fit Pold.

– … dont je profite si peu, finit par lâcher Mme Martinet, en devenant écarlate.

Pold ne put s’empêcher de rire.

– Voyez-vous cela? disait-il, voyez-vous cela?

Pold se montra plus aimable. Ils s’en allèrent tous deux très proches l’un de l’autre par le sentier qui tournait brusquement. Ils disparurent. Des exclamations de colère retentirent.

– Sa photographie!… Tu la portes sur ton cœur! Ah! monstre!… Tiens, la voilà, sa photographie!…

Et, soudain, au milieu du sentier, réapparut Mme Martinet, qui, dans un état de rage inexprimable, arrachait une photographie dont elle jetait les morceaux au nez de Pold, qui courait derrière elle.

Elle se mit à courir plus fort, criant toujours:

– Le monstre!… Assez! Laissez-moi! Je ne veux plus vous voir!…

Et elle courait… elle courait…

Pold considérait encore d’un air lugubre les débris de la photographie, quand, par un chemin latéral, Lily vint à lui, et dit à son frère:

– Mon pauvre Pold, toi aussi tu me parais dans la désolation. Veux-tu te confier à moi?

– Mon chagrin ne regarde pas les petites sœurs, fit Pold, plutôt désagréable.

La jeune fille le laissa aller et continua son chemin.

Elle descendit le long du ruisseau, vers un endroit qu’elle connaissait bien. Il y avait toujours eu là de grosses pierres, grâce auxquelles on pouvait atteindre sans accident l’autre rive, ce qui permettait de remonter le coteau opposé. Elle fut étonnée. Les trois pierres énormes n’étaient plus là. L’orage les avait roulées plus loin. La traversée du ruisseau devenait impossible.

Lily était embarrassée, quand une apparition sur l’autre rive la surprit.