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Il se fit plus humble encore:

– Madame, vous ne m’aimez pas. Je suis horriblement malheureux parce que vous ne m’aimez pas. Je crois même que vous me haïssez maintenant!… Mais j’avais espéré que vous m’aimeriez… L’espoir est une chose qui n’est point défendue…

Reprenant un peu de sang-froid, voyant qu’elle le laissait parler, il eut le courage d’ajouter:

– Après ce qui s’est passé entre nous, cette nuit que je n’oublierai jamais…

Car il n’était pas fâché de montrer au tiers qui l’écoutait qu’une minute avait existé où Diane s’était apprivoisée. Elle se jeta sur lui, la main haute, pour le gifler:

– Ah! misérable! Tu oses parler de cette nuit!…

Devant les coups prêts à venir, Pold avait soudain changé d’attitude. Il n’allait pas se laisser piétiner ainsi. Son orgueil finissait par se révolter sous les outrages que cette femme lui jetait à la face, devant cet homme… cet homme impassible, qui était sans doute la cause de tout son malheur…

Il avait retenu au vol la main de Diane. Sa joue n’en fut pas effleurée.

– Ah! ne me touchez pas, madame! s’écria-t-il. Ne me touchez pas!… Assez d’outrages, assez d’injures! Je m’en vais! Je vous aimais, je vous aime peut-être encore… mais ne craignez rien… je ne vous le dirai plus…

Diane le laissa se diriger lentement vers la porte.

– Et que je ne te revoie plus jamais, tu entends? jamais plus, gamin!

Pold se retourna, très flagellé de l’épithète devant l’autre. Il regarda fixement Diane, eut une moue dédaigneuse et dit:

– Madame préfère sans doute les vieillards?

Il avait dit cela d’une façon si drôle que la colère de Diane, par un bizarre phénomène de ses nerfs, tomba du coup.

– Ah! le sale gosse! fit-elle simplement.

Et elle ne put s’empêcher de rire.

Ce rire fut plus douloureux à Pold que la colère de tout à l’heure.

Il vit que le prince aussi souriait. On se moquait de lui. Il revint vers Diane.

– Rien n’empêchera, madame, dit-il, que ce sale gosse vous ait aimée… et rien ne dit qu’il ne vous aimera pas encore!

Diane, maintenant, riait, riait.

– Ah! bah! Et quand? Et quand?

Elle continuait à rire.

Il résolut d’être de la dernière insolence:

– Quand je pourrai payer vos nuits, madame!

Diane se roulait:

– Il veut me payer mes nuits! Il veut me payer mes nuits!

Elle s’avança, les yeux pleins des larmes de son rire:

– Mais tu ne sais pas, petit malheureux, ce qu’elles coûtent, mes nuits?

– Dites-le.

– Eh bien! pour toi, cette nuit-là tu entends? cette nuit, ça ne coûtera que vingt francs… Les as-tu?

Et elle repartit, avec son fou rire:

– Il ne les a pas! Il ne les a pas!

De fait, il ne les avait pas. Il était écarlate de honte. Il s’enfuit, dégringola l’escalier, arriva sur la scène, courut à Martinet, l’emmena.

– Viens! lui disait-il. Viens! Je t’expliquerai tout. Mais fuyons! Oh! fuyons!

Martinet ne voulut pas abandonner Pold. Ils quittèrent précipitamment l’hôtel ensemble et sautèrent dans un fiacre.

– Où allons-nous? demanda Martinet.

– Où tu voudras! Où tu voudras!

Alors, Martinet se pencha à la portière et dit au cocher: «Rue de Moscou! Et vite!»

Le fiacre s’enfonça rapidement dans la nuit.

Diane, quand elle fut seule avec le prince, lui demanda pardon de la scène ridicule à laquelle il avait assisté.

– Je suis honteuse, dit-elle.

Le prince lui sourit, déposa un baiser sur son front et la quitta.

– Habillez-vous, lui recommanda-t-il. Je vous ai retardée.

Il descendit. Il alla sur les pelouses. On dansait. Une grande gaieté régnait partout. Il considéra les couples qui valsaient sur le gazon. Les lampes électriques faisaient des carrés de clarté et de vastes coins d’ombre. Il était tout triste. Il s’appuya contre un arbre. Une immense mélancolie lui fit courber la tête.

– Ceux-là sont joyeux, dit-il, et il se mit à marcher en rêvant…

L’heure du spectacle était venue. Les musiques s’étaient tues. Les groupes s’étaient dirigés vers l’hôtel. Tous les invités emplirent bientôt le grand hall. On se casa comme on put, sur les chaises, sur les banquettes. On monta sur les bancs qui faisaient le tour de la grande salle. Il y en avait encore sur les marches de l’escalier qui conduisait à la porte du fond, une vaste porte que masquait une draperie.

Le rideau du théâtre était baissé.

Tout le monde parlait, riait, caquetait. On faisait la cour aux femmes, et les femmes se laissaient faire la cour.

Soudain, trois coups sourds furent frappés sur la scène. Toute la salle fut plongée dans l’obscurité et le rideau se leva.

Vénus, c’était Diane. Une Vénus trop peu femme, trop androgyne, aux flancs étroits.

Elle eut cependant tous les suffrages car elle était belle, attirante et avait la grâce. Sa nudité en maillot émouvait.

Autour d’elle, quelques demi-déesses, en des poses pleines de nonchaloir, reposaient.

Elles souriaient d’une façon stupide. Elles avaient l’air bête des oies. Elles aussi regardaient le prince, mais le prince ne les vit pas.

Il y eut des rires dans la salle, car on détaillait le spectacle. On y découvrait des beautés et on y trouvait des tares.

On laissa retomber le rideau. Les applaudissements le firent remonter. Il retomba.

Soudain, des exclamations venant du hall attirèrent l’attention. Tous les yeux contemplaient la bizarre apparition qui surgissait à la porte du fond, dont la tenture était soulevée au sommet de l’escalier qui conduisait au grand hall…

Alors, deux voix clamèrent, celles du comte Grékoff et du prince Hartmann:

– L’Homme de la Nuit!