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[59] On a discuté vainement pour savoir qui étaient ces deux justes. On pense que l'un d'eux serait Dante lui-même: mais si cela était, Dante l'aurait-il demandé à Ciacco? Et le dirait-il d'une façon aussi obscure? Les trois vices cités à la suite, l'orgueil, l'avarice et l'envie, sont les mêmes que personnifiaient les trois bêtes du chant I.

[60] Malgré leurs nombreux bienfaits, ces personnages logent dans l'Enfer. Tegghiajo et Rusticucci sont des sodomites (chant XVI), Farinata est un hérétique (chant X), Mosca apparaît parmi les semeurs de discorde (chant XXVIII). Il est curieux d'observer que c'est là le sort réservé par Dante aux meilleurs Florentins. Seul Arrigo n'est plus mentionné dans le poème; on ne sait d'ailleurs pas à qui le poète faisait allusion.

[61] Pluton était le dieu de l'Enfer, selon la mythologie. Dante paraît l'avoir confondu, sciemment ou par erreur, avec Plutus, dieu de la richesse et fils de Cérès: c'est ce qui explique qu'il préside aux peines des avares, et que Dante le considère comme un «sinistre ennemi», puisque c'est de la soif de l'or que viennent tous les maux du monde.

[62] Phrase inintelligible, sur laquelle les commentateurs se sont penchés inutilement. Il serait inutile de mentionner toutes les hypothèses qu'on a forgées à son sujet. Citons l'interprétation de Pietro di Dante (Oh! Satan, oh! Prince Satan!), fondée sur l'explication d'aleppe par aleph, première lettre de l'alphabet hébraïque, et de là «premier, prince»; celle de Benvenuto Cellini (français «Pas paix, Satan, pas paix, Satan, à l'épée»); celle de D. Guerri, Di alcuni versi dotti, Città di Castello 1908 (Oh! Satan, oh! Satan Dieu); de C. Cristofolini, dans Giornale dantesco, 1926, pp. 77-78 (ΙIaπai, Σaràv, πaπάϊ, Σaràv, άλλη πη «que non, ennemi; que non, ennemi; par un autre chemin»).

[63] Le quatrième cercle de l'Enfer est celui des âmes qui n'ont pas jugé les biens de la terre à leur juste valeur. On y trouve les avares en même temps que les prodigues, formant deux files qui roulent des poids énormes, symbolisant le poids de l'or qui les a fait damner.

[64] Le poing fermé est le symbole classique du vice de celui qui veut tout garder pour lui; les prodigues seront tondus, en signe qu'ils ont gaspillé et perdu tout ce qu'ils pouvaient donner.

[65] En résumé, la doctrine de Dante se réduit à ceci: Dieu créa le monde, qu'il confia à des Intelligences motrices «que le vulgaire appelle anges» (Convivio, II, 4). Une de ces grandes puissances est la Fortune, qu'il imagine comme ange de plus, administratrice souveraine des biens de ce monde.

[66] Compte tenu de l'ensemble chronologique du voyage, on considère que le poète se retrouva dans la forêt obscure le Vendredi-Saint, au matin; qu'il entra dans l'Enfer vers six heures du soir; et qu'en ce moment il est minuit passé. Il passera vingt-quatre heures dans l'Enfer, et c'est ce qui oblige Virgile à se presser. L'allusion aux étoiles qui descendent n'est pas claire. Il est à supposer que le poète ne prétend pas que l'on voyait les étoiles en ce moment précis, puisque l'Enfer se caractérise par l'extrême opacité et obscurité de l'atmosphère: il faut donc croire que l'expression employée par Virgile est une déduction ou une manière d'indiquer l'heure plutôt que le résultat d'une observation immédiate.

[67] En d'autres termes, le Styx n'est pas le fleuve infernal décrit ci-dessus, mais aussi le marais circulaire qui forme le cercle cinquième de l'Enfer, réservé aux colériques. Ceux-ci plongent, totalement ou en partie, dans le marais. La correspondance entre le péché et la peine semble moins évidente que dans les cas précédents.

[68] Nous traduisons par indolence le mot accidia dont se sert Dante, et qui n'a pas été expliqué de manière satisfaisante. Cette accidia, quelle que soit sa signification exacte, concerne-t-elle seulement les pécheurs qui plongent entièrement dans le marais, ou bien comprend-elle aussi ceux qui n'y sont plongés qu'à demi? On admet plus volontiers la première interprétation; et l'on entend par «indolence» la colère contenue, qui ne fait pas explosion et qui empoisonne lentement l'âme (Todeschini, Torraca), tandis que les pécheurs qui sortent de l'eau sont les violents ceux dont la colère se traduit par des actes. D'autres pensent qu'il faut admettre que accidia signifie «paresse», Ce qui serait plus normal; et que le Styx abrite non seulement les colériques, mais aussi les paresseux, les orgueilleux et les envieux. Compte tenu des luxurieux (cercle II), des gourmands (cercle III) et des avares (cercle IV), tous les sept péchés capitaux seraient donc punis dans cette première partie de l'Enfer (Scartazzini).

[69] Cette expression a intrigué les anciens commentateurs. Boccace, dans la Vie de Dante, raconte que le poète avait déjà écrit les sept premiers chants de son poème, lorsqu'il se vit exiler de Florence, sans avoir pu retrouver sa maison et son manuscrit. Celui-ci fut retrouvé par hasard, quelques années plus tard, par Dino Frescobaldi, qui le fit remettre au marquis Malaspina, protecteur de Dante; et c'est à la prière de Malaspina que le poète reprit l'ouvrage interrompu. C'est donc à cet endroit que Dante reprit son poème, ce qui explique cet effort de soudure. La critique moderne ne croit pas à cette explication; et déjà Gelli, I, 472, en avait fourni une autre. Le poète parle ainsi, parce que c'est pour la première fois qu'un chant nouveau continue directement la matière déjà commencée au chant antérieur: auparavant, chaque chant avait terminé en même temps que l'épisode qui formait son sujet.

[70] La tour de Dite, dont le nom sera mentionné plus loin.

[71] Ce système de signalisation par des feux de vigie annonce l'arrivée des deux poètes. C'est à ce signal que s se met en mouvement.

[72] D'après la mythologie, Phlégias était père de Coronis, qui eut d'Apollon un fils, Esculape. Irrité par la conduite du dieu, qui avait séduit sa fille, Phlégias avait mis le feu au temple de Delphes: c'est à ce titre qu'il sert de nocher aux colériques.

[73] L'âme est celle de Filippo Argenti, qui ne nous est connu que par Dante et par Boccace, qui en fait le personnage d'une nouvelle du Décaméron, IX, 8, et ajoute qu'il était «grand de taille, brun et robuste et terriblement fort, et colérique plus que nul autre, même pour des raisons infimes». La dureté de Dante à son égard semble bien cacher quelque ressentiment personnel; mais on ne saurait dire quel est le fondement de la tradition qui veut qu'Argenti ait donné au poète un soufflet en public.

[74] L'entonnoir que forme l'Enfer est coupé, entre le cinquième et le sixième cercle, par une ceinture de murailles, qui sépare l'Enfer en deux sections distinctes. La partie supérieure de cet entonnoir, comprenant les cinq premiers cercles, est réservée aux âmes qui ont péché par intempérance. Les quatre cercles derniers, qui forment la pointe de l'entonnoir, contiennent les âmes de ceux qui ont péché par malice: ils forment la cité de Dite, dont il est question ici, et dont le nom vient de Dis, surnom latin de Pluton, dieu de l'Enfer.