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[18] Béatrice, qui assurera le passage de Dante du Purgatoire au Paradis, et qui symbolise la Religion. Virgile, qui représente la raison, n'est pas capable d'assurer le salut, dont seule la Foi peut montrer le chemin. Les vers qui suivent méritent un commentaire, que nous n'avons trouvé nulle part. Virgile dit qu'il ne peut conduire Dante au Paradé parce qu'il a été insoumis, ribellante, du point de vue de la loi divine. Cela s'entend dans le sens littéral: Virgile était païen et, comme tel, il a été assigné à résidence dans le limbe. Mais ces vers doivent avoir aussi un sens allégorique. Ils signifient, comme tels, que la raison, que représente Virgile, n'est pas suffisante – c'est ce que nous venons de dire. Mais l'usage que fait ici Dante du mot ribellante est assez inquiétant: considérait-il que la raison, par nature, est rebelle à Dieu? Est-ce une simple façon de dire qu'entre raison et foi il n'y a ni incompatibilité ni confusion possible?

[19] Ce mal est la forêt sombre, ou la vie de perdition; le pire est la damnation.

[20] La porte du Purgatoire; il ne peut s'agir de la porte du Paradis, que Virgile ne pouvait lui montrer.

[21] Sylvius est le fils d'Énée; celui-ci, conduit par la Sibylle, avait visité l'Enfer; et c'est ce voyage que racontait Virgile, au VIe chant de son Énéide: c'est ce qui explique l'expression du poète, «me dis-tu».

[22] Formules de la logique scolastique. Le qui est Énée en tant que personne; le comment est l'ensemble des circonstances qui plaident en sa faveur.

[23] Non pas aux Enfers, mais au troisième ciel, où il dit lui-même (II Corinthiens XII: 2) qu'il avait été conduit sans pouvoir dire si c'était «avec le corps, ou sans lui».

[24] Béatrice. En d'autres termes, la révélation qui vient illuminer la raison.

[25] Le ciel le plus étroit est le premier, celui de la lune, qui contient aussi le globe terrestre. Béatrice, considérée comme symbole de la religion, c'est-à-dire de la connaissance de Dieu, est la preuve la plus sûre de la supériorité de l'homme sur tous les êtres qui habitent la terre.

[26] La Vierge Marie, qui intercède pour les pécheurs. Son nom n'est pas prononcé, sans doute par révérence; le nom du Christ n'est jamais dit, non plus, au monde souterrain.

[27] Ce personnage semble symboliser la grâce qui illumine. Sainte Lucie était invoquée par les malades des yeux; c'est à cause de cela, ou sinon par le moyen d'un parallélisme similaire, fondé dans le sens de son nom, que le poète l'a choisie pour ce symbole. Selon une hypothèse curieuse de L. Valli, La chiave della Divina Commedia, Bologne 1925, p. 4, Lucia, anagramme de Acuila (sic!), serait la personnification de la vertu de l'Aigle, ou de l'Empire.

[28] L'Enfer fut créé par Dieu pour punir les anges rebelles: sa création répond donc à une volonté de justice.

[29] Le Pouvoir (le Père), la Sagesse (le Saint-Esprit) et l'Amour (le Fils) sont les trois principaux attributs de la Trinité. C'est pour souligner l'unité de la Trinité que Dante emploie pour ces trois sujets un verbe singulier, cf. Gelli, I, 239.

[30] Avant l'Enfer, Dieu n'avait créé que le ciel, la terre et les anges, qui sont éternels. Ailleurs (Paradis, XXIX, 48), il est dit qu'entre la création des anges et la révolte de Lucifer, le laps de temps qui s'écoula ne fut pas plus grand que celui dont on a besoin pour compter jusqu'à vingt; l'Enfer est donc d'une vingtaine de secondes plus jeune que les autres créations éternelles.

[31] En italien, eterna, interprété généralement comme eternamente. Cependant, cette abréviation est. anormale. Compte tenu du fait que c'est la porte de l'Enfer, et non pas l'Enfer lui-même, qui est censée parler ainsi, il est peut-être préférable de conserver l'adjectif. Bien entendu, si la partie est éternelle, le tout le sera a fortiori.

[32] «La vérité est le bien de l'intellect» (Dante, Convivio, II, 23).

[33] Ce sont les lâches, les mous et les indifférents qui ont fui les responsabilités et qui n'ont pas voulu prendre parti.

[34] On considère généralement qu'il s'agit du pape Célestin V, élu le 5 juillet 1294, qui abandonna la tiare le 13 décembre suivant et mourut avant 1300. Cette identification est suggérée par les anciens commentateurs; mais Boccace en parle comme d'une hypothèse douteuse, et elle le reste toujours. D'autres ont pensé à Esaii, qui vendit son héritage pour un plat de lentilles (Landino), à Ponce Pilate, ou à Dioclétien, qui abandonna l'Empire (Pietro di Dante). On a proposé modernement le riche qui refusa de suivre le Christ et de devenir apôtre (Matthieu, XIX: 21); Cf G. Albarelli, La soluzione d'un enigma dantesco, dans Giornale dantesco, 1930, pp. 295-297.

[35] En italien, truono. Les commentateurs (Scartazzini-Vandelli) lisent tuono et interprètent «bruit de l'Enfer», mais cette interprétation est évidemment forcée. Le bruit de l'Enfer est constant, et par conséquent n'aurait su réveiller le poète en sursaut. Il s'agit donc d'un bruit soudain. Le point de vue des commentateurs s'explique surtout par la répétition du mot truono au v. 9, où il signifie effectivement «bruit, rumeur».

[36] L'Enfer se présente au regard du poète comme un profond entonnoir, qu'il examine d'en haut. Les parois de l'entonnoir forment une pente entrecoupée de neuf paliers principaux, qui sont les neuf cercles de l'Enfer. Chaque palier ou terrasse fait le tour complet de l'entonnoir et finit au-dessus du palier suivant, dont il est séparé par une sorte de mur ou éboulis de rochers. Ce mur de séparation présente naturellement deux pentes, dont l'extérieure, qui borde le palier supérieur, est plus courte que l'intérieure, qui descend jusqu'au bord de la terrasse suivante. Parfois les deux poètes passent d'un palier à l'autre en montant sur les rochers, d'autres fois ils empruntent des sentiers ou des escaliers; mais ils descendent en faisant le tour de la fosse de gauche à droite, dans le sens de la vis. Dante indique la topographie du fond de l'Enfer, au fur et à mesure qu'il avance; mais on trouvera au chant XI une vue d'ensemble sur les derniers cercles, qui comportent de nombreuses sous-divisions.

[37] Le premier cercle de l'Enfer est le limbe, où résident les âmes de ceux qui, sans s'être rendus coupables de fautes réelles, n'ont pas eu accès au salut, pour avoir ignoré la foi de vérité. Leur unique tourment est d'avoir perdu à tout jamais tout espoir de rédemption.