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[75] Les mêmes démons avaient prétendu s'opposer au Christ, lorsqu'il descendit aux Enfers, pour racheter les âmes des justes de l'Ancien Testament; et le Christ brisa la porte de l'Enfer, qui reste depuis lors largement ouverte.

[76] Erichto est une magicienne mentionnée par Lucain dans sa Pharsale: elle fit revivre un mort, pour prédire à Pompée l'issue de la bataille de Pharsale. Les sorts qui obligèrent Virgile à voyager aux Enfers sont une invention poétique de Dante, pour expliquer la connaissance qu'avait le poète du chemin qu'ils suivaient maintenant tous les deux. Le cercle de Judas ou Giudecca est la dernière zone du neuvième cercle de l'Enfer.

[77] Thésée était descendu aux Enfers pour aider son ami Pirithoüs, amoureux de Proserpine. Celui-ci fut dévoré par Cerbère, et Thésée, prisonnier, resta aux Enfers jusqu'à ce qu'il fût délivré par Hercule.

[78] La Méduse était l'une des trois Gorgones, filles de Phorcys. Minerve lui avait donné un visage si terrible, que ceux qui la regardaient se transformaient en pierres.

[79] Cette doctrine cachée est d'autant plus difficile à éclaircir, que nous ne savons si le poète fait allusion à ce qui précède immédiatement (Virgile qui met ses mains sur les yeux de Dante), à tout l'épisode antérieur (le voyageur qui se voit refuser l'entrée de Dite), ou bien à ce qui suit (l'arrivée de l'ange qui ouvrira ces portes). Les explications des commentateurs sont aussi variées qu'incertaines. Le poète a voulu dire peut-être que, descendu aux Enfers pour connaître par lui-même toutes les causes de la perdition des âmes, il a découvert qu'il existe des péchés qu'il ne faut pas connaître, au risque de se pétrifier, ou s'endurcir dans le péché au point de compromettre ses chances de salut. Pour fuir leur danger, la volonté et la raison réunies suffisent à peine. Mais ce n'est là qu'une des interprétations possibles de ce passage.

[80] Un ange. On a prétendu parfois que cet envoyé du ciel était Énée: ce qui n'est pas possible, Énée se trouvant au limbe, comme on a pu le voir au chant IV.

[81] A cause d'Hercule, qui l'avait enchaîné et traîné hors de la porte, lorsque Cerbère avait voulu s'opposer à son entrée, malgré le décret du Destin.

[82] Au-delà des murs de Dite, les deux voyageurs se trouvent au sixième cercle de l'Enfer, réservé aux hérésiarques. C'est un vaste cimetière, couvert de sarcophages chauffés à blanc, et dans lesquels gisent les âmes des pécheurs.

[83] Allusion aux cimetières antiques des Aliscamps, longue route bordée de sarcophages romains près d'Arles, et de Pola, en Istrie.

[84] Les hérésiarques sont placés là d'après leur genre d'erreur, les adeptes de la même hérésie se trouvant donc ensemble.

[85] Comme nous l'avons déjà dit, les deux poètes font le tour de l'Enfer en suivant une route qui va de gauche à droite, dans le sens de l'avance d'une vis; ils parcourent les 360 degrés du cercle en même temps que les neuf étages de l'Enfer, ce qui veut dire qu'ils ne font qu'un tour complet de l'entonnoir, ou encore, que sur chaque palier ils avancent de 40 degrés ou d'un neuvième de cercle. Le sens de la marche à gauche est indiqué partout avec précision, à deux exceptions près: celle-ci, et celle qui les mène à côté de Géryon (Enfer, XVII, 31). Ces exceptions ne sauraient être dues au hasard; mais l'intention qui les a dictées n'est pas claire. On a prétendu que le tour à droite avant d'arriver chez les hérétiques, indique que «les premiers pas vers l'erreur religieuse ne sont pas forcément fautifs, puisque le premier motif de l'hérésie est la soif de savoir» (Scartazzini); ou que ce retour en arrière a pour but de compenser l'«assez long détour» signalé plus haut (Enfer, VIII, 79); et que, dans l'autre cas, Géryon symbolisant la fraude, la marche à droite symbolise l'honnêteté et la sincérité. La réalité n'est peut-être pas aussi compliquée. Puisque les deux poètes avancent vers leur gauche (sens que l'on obtient en regardant du haut de l'entonnoir vers le fond), cela signifie qu'ils ont le centre de l'Enfer à leur droite; chaque cercle suivant est au-dessous d'eux et à droite, sous le niveau du palier et de la route qu'ils suivent. Pour descendre au cercle suivant, ils coupent donc vers leur droite: et c'est ce qu'ils semblent faire dans les deux cas mentionnés ici. Cf. aussi la note 175.

[86] Épicure niait l'immortalité de l'âme. Il ne saurait cependant être considéré comme un hérétique, puisqu'il avait vécu trois cents ans avant Jésus-Christ. S'il a été damné par Dante, c'est qu'il passait, alors comme plus tard, pour le patron de tous les libertins spirituels.

[87] On considère généralement que ce désir non exprimé du poète est celui de voir Farinata (cf. plus haut, chant VI, vers 79). Cela n'est pas certain: il est vrai que Dante avait exprimé à Ciacco le désir de voir Farinata, mais il ne savait pas qu'il pouvait le voir ici même, ce qui signifie qu'il n'avait pas à le redire en ce moment précis. Nous ne savons cependant pas quel est cet autre désir du poète.

[88] Manente, dit Farinata degli Uberti, mort en avril 1264, avait été le chef des Gibelins de Florence, et par conséquent l'ennemi de la famille de Dante, qui était Guelfe. Il chassa les Guelfes de Florence (1248), en fut expulsé lui-même (1258), et, avec l'aide de Manfred, roi de Sicile, il battit les Guelfes à Montaperti près de l'Arbia (1260). Il redevint maître de Florence, d'où il chassa pour la seconde fois les Guelfes; mais dans le conseil tenu à Empoli, et où les Gibelins proposèrent la destruction complète de Florence. Farinata fut le seul à s'opposer à cette décision. Deux ans après sa mort, les Guelfes revenaient à Florence, d'où les Gibelins étaient chassés définitivement, et la famille de Farinata avec eux. Cf. E. Parodi, Farinata, dans Poesia e storia nella Divina Commedia, Naples 1920, pp. 533-566; M. Barbi, Il canto di Farinata, dans Con Dante e coi suoi interpreti. Florence 1941, pp. 153-211; E. Auerbach, Farinata and Cavalcante, dans Kenyon Review, XIV (1952), pp. 207-242. La présence de Farinata parmi les hérésiarques se trouve justifiée par une condamnation que sa mémoire souffrit le 9 octobre 1283, soit dix-neuf ans après sa mort; cf. N. Ottokar, La condanna postuma di Farinata degli Uberti, dans Archivio storico italiano, LXXXVII, 2 (1919). p. 155-163.

[89] Cavalcante Cavalcanti, chevalier florentin, Guelfe comme Dante et matérialiste comme Farinata. «Gentilhomme bien fait et riche, dit Boccace, il suivit l'opinion d'Épicure, selon laquelle l'âme ne survit pas au corps, et les plaisirs des sens sont le seul vrai bonheur.» Il était père de Guido Cavalcanti, qui fut ami de Dante, Guelfe comme lui, et avec lui le meilleur poète du dolce stil nuovo.

[90] Ce vers a été très souvent et très diversement interprété. On peut l'expliquer de deux manières, selon qu'on traduit: «Celui qui attend là me mène par ici, vers celle que votre Guido a peut-être dédaignée», ou: «Celui qui attend là me mène par ici, et votre Guido l'a peut-être dédaigné.» Les deux traductions sont possibles; mais la première semble un peu moins naturelle. D'après_ ceux qui préfèrent le premier sens, Dante dit que son ami n'avait pas assez aimé Béatrice, ou Monna Vanna (L. Pietrobono); il serait peut-être plus naturel de penser que Guido n'avait pas assez aimé le symbole représenté par Béatrice, c'est-à-dire que sa foi n'avait pas été suffisante pour le conduire sur ces mêmes chemins. Pour les autres, Cavalcanti n'a pas aimé Virgile, soit parce qu'il n'aimait pas le latin; ou parce qu'il faut entendre par Virgile la raison illuminée par la foi (D'Ovidio); ou parce que Virgile était le poète de l'Empire, dont l'idéal contrariait les idées guelfes de Cavalcanti; ou enfin, plus probablement, parce que Guido n'avait pas cultivé la poésie épique ou «tragique» dont Virgile était aux yeux de Dante le meilleur modèle, et s'était contenté d'être un simple rimeur de sonnets et de chansons, alors que Dante, grâce à Virgile, était devenu poète, avec tout ce que ce nom, du point de vue de Dante, acquiert de dignité et de noblesse (Federzoni, Studi e diporti danteschi, Bologne 1902, pp. 145-152). Quelle que puisse être l'explication de cette expression assez ambiguë, il ne faut pas perdre de vue qu'elle se trouve considérablement atténuée par ce «peut-être» qu'ajoute le poète et qui indique qu'il faut tout comprendre comme des nuances, et non pas comme des vérités de fait.