– La paix du Seigneur soit avec toi, vénérable Albine! J’apporte à la ruche dont tu es la reine une abeille que j’ai trouvée perdue sur un chemin sans fleurs. Je l’ai prise dans le creux de ma main et réchauffée de mon souffle. Je te la donne.

Et il lui désigna du doigt la comédienne, qui s’agenouilla devant la fille des Césars.

Albine arrêta un moment sur Thaïs son regard perçant, lui ordonna de se relever, la baisa au front, puis, se tournant vers le moine:

– Nous la placerons, dit-elle, parmi les Maries.

Paphnuce lui conta alors par quelles voies Thaïs avait été conduite à la maison du salut et il demanda qu’elle fût d’abord enfermée dans une cellule. L’abbesse y consentit, elle conduisit la pénitente dans une cabane restée vide depuis la mort de la vierge Laeta qui l’avait sanctifiée. Il n’y avait dans l’étroite chambre qu’un lit, une table et une cruche, et Thaïs, quand elle posa le pied sur le seuil, fut pénétrée d’une joie infinie.

– Je veux moi-même clore la porte, dit Paphnuce, et poser le sceau que Jésus viendra rompre de ses mains.

Il alla prendre au bord de la fontaine une poignée d’argile humide, y mit un de ses cheveux avec un peu de salive et l’appliqua sur une des fentes de l’huis. Puis, s’étant approché de la fenêtre près de laquelle Thaïs se tenait paisible et contente, il tomba à genoux, loua par trois fois le Seigneur et s’écria:

– Qu’elle est aimable celle qui marche dans les sentiers de vie! Que ses pieds sont beaux et que son visage est resplendissant!

Il se leva, baissa sa cucule sur ses yeux et s’éloigna lentement. Albine appela une de ses vierges.

– Ma fille, lui dit-elle, va porter à Thaïs ce qui lui est nécessaire: du pain, de l’eau et une flûte à trois trous.