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Lesinconnus ? Était-cebien des inconnus ?…

JérômeFandor, en les apercevant, les nommait immédiatement :

— Miséricorde,fit-il, Fantômas !… Bec-de-Gaz !…Œil-de-Bœuf !…

Lejournaliste grinçait des dents, serrait les poings, se sentantsecoué d’une colère folle.

Ainsi,l’audace de Fantômas était telle que le bandit, àpeine descendu du car électrique, osait, non seulement tenterde l’empoisonner en lui envoyant un faux garçonpharmacien, mais encore, le sachant immobilisé, venaitrechercher sa voiture et se préparait à s’enfuiravec elle !

— Bon,bon, très bien, grogna Fandor sourdement. On va rire…

Lejournaliste ne sentait plus la douleur. Sa surexcitation étaittelle qu’il retrouvait en quelques minutes évidemmenttoute sa présence d’esprit, toute son ardeur, sinontoute son agilité.

— Onva rire ! dit-il encore.

Etil appela brièvement :

— Bouzille,suis-moi et fais comme moi !

EtJérôme Fandor, au même instant, sortait de lamaisonnette ; il se mettait à genoux, se défilaitderrière la haie de la voie ferrée, rampait dans ladirection de la voiture.

JérômeFandor avait pris son revolver dans la main. Bien que blesséet incapable de se défendre normalement, l’intrépideami de Juve n’hésitait pas à aller attaquerFantômas et ceux de sa bande.

JérômeFandor, à cet instant, sentait son cœur battre àgrands coups dans sa poitrine. Une rage folle l’animait.

— Mordieu,jurait-il, on verra bien si Fantômas triomphera toujours !

EtFandor se retournait pour jeter un ordre à Bouzille.

Or,Bouzille, à cet instant, faisait plutôt piètrefigure.

Bouzilleétait désespéré de ce qui arrivait.

— C’estpas prudent, faisait-il, c’est pas prudent, c’que vousfaites, m’sieur Fandor. Vaut mieux ne pas chercher querelle àFantômas ; sûrement, ça va encore tourneraigre… Et puis, moi, dans quelle position que vous m’mettez ?J’suis votre ami, et j’suis pas son ennemi, quoi…Laissez-le donc partir, cet homme !

Bouzillepouvait bien prêcher le calme, ses paroles produisaient toutautant d’effet sur Jérôme Fandor qu’unecuiller à café d’eau sur un incendie déchaîné.Tout simplement, les exhortations de Bouzille cinglaient la volontéde Jérôme Fandor.

— Restelà, dit le jeune homme, je n’ai pas besoin de toi…

MaisBouzille, qui n’était point lâche et qui surtoutétait curieux, continua d’avancer.

Ledrame, d’ailleurs, devait se terminer rapidement.

Enrampant, Fandor venait d’atteindre derrière la haie lahauteur de l’automobile. Brusquement, il se dressa :

— Fantômas,rendez-vous !

Et,brandissant son revolver, il ajoutait :

— Rendez-vous,ou je tire !

Or,à l’apparition de Jérôme Fandor, surgissantbrusquement derrière la haie, et leur faisant ainsi sommationd’avoir à se constituer prisonniers, Fantômas etceux de sa bande, d’abord surpris, reculaient brusquement. Leurhésitation, toutefois, n’était guère delongue durée.

Fantômas,tranquillement, braquait, lui aussi, un revolver. Il articulait :

— Fandor,vous êtes un imbécile ! Je ne me rends pas quand jepeux tuer !…

Mais,au même instant, Fantômas poussait un juron formidable,et, de dépit, jetait son browning…

Lebandit n’avait point pensé à recharger son arme,il n’avait plus de cartouches, il était désarmé !

Fantômas,d’ailleurs, n’était pas homme à perdre latête dans une pareille situation, et Fandor qui, malgrélui, répugnait à faire feu sur un homme, fût-ille Génie du crime, n’avait point encore pressé ladétente qu’il était déjà trop tardpour tirer.

— Vite !avait juré Fantômas, embarquez !

Œil-de-Bœufet Bec-de-Gaz tiraient sur Fandor quelques balles qui ne portaientpas, car les deux apaches, pris d’une grande frayeur,tremblaient l’un et l’autre de tous leurs membres, puisils sautaient dans la voiture.

Fantômas,à son tour, y grimpait, et, à l’instant oùJérôme Fandor faisait enfin feu, l’automobiledémarrait.

— Aurevoir ! criait narquoisement Fantômas.

LeGénie du crime pensait évidemment, en cet instant,triompher facilement de Fandor, et lui échapper sans lamoindre difficulté.

Illui fallait, toutefois, mal connaître le journaliste pourimaginer qu’il était capable de renoncer si facilement àune poursuite de pareille importance.

Àl’instant où la voiture démarrait, Fandor sejetait en avant, faisant un véritable bond.

Certes,il ne pouvait rejoindre Fantômas, mais il arrivait às’agripper à la capote de la voiture ; il sautaitsur les ressorts, s’agenouillait sur le réservoir, etcela pendant que l’engin filait à une allure folle.

— Jele tuerai s’il le faut, pensait Fandor. Mais, je ne lelaisserai pas partir ainsi !

Endépit de sa situation vertigineuse, en dépit des cahotsde la voiture, qui menaçaient à chaque minute de lefaire rouler sur la chaussée, Fandor, en effet, braquait sonbrowning et visait Fantômas qui, penché au volant, étaità moins d’un mètre de lui.

Enétait-ce fait du bandit ?

Hélas,à ce moment, brusquement, Bec-de-Gaz se dressait dans lavoiture.

Œil-de-Bœufet Bec-de-Gaz, en effet, à l’instant où Fantômasdémarrait, avaient été jetés l’uncontre l’autre et Fandor, une seconde, les avait oubliés.

Or,Œil-de-Bœuf, se redressant, apercevait tout naturellementFandor cramponné à la capote. L’apache alors neperdait point de temps : d’un violent coup de poing, ildétournait le bras du journaliste, dont le coup de feudemeurait vain, puis, féroce, d’autant plus brutal queFandor, dans la position où il était, ne pouvait paslutter, il assénait sur la tête du malheureux deterribles coups de poings.

Aveuglé,étourdi, le visage en sang, Jérôme Fandor cettefois lâchait prise.

Ettandis qu’allégée, la voiture bondissait plusvite encore, Jérôme Fandor roulait sur le sol, faisantune chute effroyable mais qui, par bonheur, n’étaitpoint mortelle, car le journaliste tombait de fort bas, les ressortsde la voiture étant à peine à quatre-vingtscentimètres du sol.

Était-cedonc là le dernier épisode de la lutte acharnéequi mettait aux prises Fandor et Fantômas depuis une journéeentière ?

Non !

JérômeFandor, tombé sur le sol, avait encore l’énergiesurhumaine de faire un geste : il tendait le bras, il visait lavoiture, il faisait feu…

QuandBouzille arrivait à son secours, Fandor déjà selevait et déjà se traînait en avant.

Deuxminutes plus tard, à Bouzille, effaré, JérômeFandor expliquait :

— Lesmisérables !… Ils m’ont encore glissédans les doigts… Mais ça ne fait rien, je les tiens !

Or,à cet instant, la figure de Bouzille exprimait la plus totaleincompréhension.

— Vousles tenez ? demandait le chemineau. Comment diable lestenez-vous ?

— Parcequ’ils vont être forcés de s’arrêter.

— Pourquoi,m’sieur Fandor ?

— Parceque, Bouzille, dans dix kilomètres tout au plus, il ne leurrestera pas une goutte d’essence.

Bouzilleouvrait des yeux ronds, se demandant si Fandor ne déraisonnaitpas, mais le journaliste le rassurait :

— Bouzille,quand je suis tombé, expliquait-il encore, j’ai penséà tirer sur la voiture, et j’ai crevé leréservoir d’essence. À l’heure actuelle,leur provision s’épuise : je calcule qu’ilsseront en panne dans dix kilomètres au plus tard…

— Hardi,Bouzille, presse le pas !

— Saufvot’respect, m’sieur Fandor, c’est plutôtvous qui marchez comme une canne qui pondrait ses œufs ens’baladant !

— Neparle pas, Bouzille, dépêche-toi !

— Maisj’me dépêche, m’sieur Fandor ! Et puis,c’est pas pour dire, mais trente sous du kilomètre quevous m’donnez, pour vous servir de béquille, là,vrai, c’est pas payé…

— Jete donnerai quarante sous, Bouzille.

— Alors,on va galoper.

Lajournée s’achevait. Il y avait une demi-heure que lafuite de Fantômas s’était réalisée,et Fandor et Bouzille avançaient le long de la grande route,se hâtant vers une destination inconnue.