C'est précisément ce que répond le conte, et la sagesse humaine ne va pas au-delà de cette réponse. Pourquoi, cousine, êtes-vous belle, spirituelle et bonne? Parce qu'une fée vous donna la bonté, une autre l'esprit, une autre la grâce. Il fut fait comme elles avaient dit. Une mystérieuse marraine détermine à notre naissance tous les actes, toutes les pensées de notre vie, et nous ne serons heureux et bons qu'autant qu'elle l'aura voulu. La liberté est une illusion et la fée une vérité. – Mes amis, la vertu est, comme le vice, une nécessité qu'on ne peut éluder… Oh! ne vous récriez pas. Pour être involontaire, la vertu n'en est pas moins belle et ne mérite pas moins qu'on l'adore.
Ce qu'on aime dans la bonté, ce n'est pas le prix qu'elle coûte, c'est le bien qu'elle fait.
Les belles pensées sont les émanations des belles âmes qui répandent leur propre substance, comme les parfums sont les particules des fleurs qui s'évaporent. Une âme noble ne peut donner à respirer que de la noblesse, de même qu'une rose ne peut sentir que la rose. Ainsi l'ont voulu les fées. Cousine, rendez-leur grâce.
Laure
Je ne vous écoute plus, votre sagesse est horrible. Je sais le pouvoir des fées; je sais leurs caprices; elles ne m'ont pas épargné plus qu'à d'autres les faiblesses intérieures, les chagrins et les fatigues. Mais je sais qu'au-dessus d'elles, au-dessus des hasards de la vie, plane la pensée éternelle qui nous inspira la foi, l'espérance et la charité. – Bonne nuit, cousin.
(1885)