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Là, on attendait avec impatience le «numéro» de la danse du feu.

Et, cependant, il y avait bien d’autres numéros intéressants.

Pold, selon les recommandations d’Arnoldson, s’était dissimulé derrière une colonne du promenoir, et de là, au milieu des groupes qui se pressaient autour de lui, il assista au spectacle de la scène et à celui de la salle.

C’est ainsi qu’il vit son père, assis entre de Courveille et Grékoff.

Pold applaudissait, quand une voix, dont le timbre connu le fit se retourner sur-le-champ, lui dit:

– Je vois, jeune homme, que vous vous enthousiasmez facilement.

Pold reconnut l’Homme de la nuit, qui était parvenu à se glisser jusqu’à lui.

– Mais, monsieur, fit Pold, je serais bien exigeant si je n’applaudissais Jim, et la boxe est un sport qui me plaît.

– C’est sans doute cette sorte de spectacle qui vous a fait quitter aussi précipitamment la villa du bois de Misère? demanda Arnoldson d’un ton mielleux.

– Bah! monsieur, vous savez bien que non! Avez-vous déjà oublié ce que vous m’avez promis?

– Et quoi donc, jeune homme?

– Mais de me conduire chez Diane après la danse du feu…

– Oui-da! Nous en reparlerons tout à l’heure. En attendant, jeune homme, regardez!

Le théâtre venait d’être plongé dans l’obscurité la plus profonde.

Puis, dans une lueur éclatante, au sein de flammes rouges dont elle semblait être le foyer et qui semblaient rayonner de son corps, Diane apparut.

Elle dansa en agitant des voiles dont la couleur changeait à chaque instant.

Elle glissait plutôt qu’elle ne dansait, et la même lueur mouvante la suivait partout.

La grâce de sa danse semblait avoir vaincu le mystère du feu, qui se prêtait maintenant à tous ses caprices et qui lui faisait une robe mille fois plus subtile et plus idéale que les tissus rares dont elle voilait à peine sa silhouette.

Ce fut un triomphe sans précédent pour Diane. Des ténèbres de la salle, les bravos montèrent. Et, malgré sa fatigue, elle dut danser encore. Cette fatigue se traduisait alors en langueur, et cette langueur fut encore une des formes de son triomphe.

Quand, enfin, Diane put se retirer et quand la lumière revint à flots éblouir les spectateurs, Arnoldson fixait Pold, qui était en extase, la bouche ouverte et les yeux humides.

– Ah! monsieur, dit-il, monsieur, je vous en prie, conduisez-moi à Diane! Tout de suite, tout de suite! Je veux lui porter mon admiration. Je ne saurais attendre. Pourquoi m’avoir fait venir et me l’avoir montrée si je ne puis approcher d’elle?

Arnoldson sourit:

– Tout beau, jeune homme! Vous voyez que tout le monde vous regarde et vous écoute, et que l’on sourit…

Pold se tourna vers ceux qui l’entouraient.

– Ah! vraiment, l’on sourit! s’écria-t-il en fermant ses poings solides.

Il paraissait si décidé à renfoncer les sourires qu’il ne trouva plus autour de lui que des visages fort graves.

– Suivez-moi, fit Arnoldson.

– Enfin! s’écria Pold, joyeux.

Et il ne lâcha pas Arnoldson d’une semelle.

Ils suivirent la courbe du promenoir et, sur la gauche de la scène, se firent ouvrir une petite porte sur le seuil de laquelle veillait un huissier en habit noir dont le col s’ornait d’une chaînette d’argent.

Arnoldson dit quelques mots à l’huissier en lui montrant du doigt Lawrence, debout dans une loge.

– Entendu, monsieur, fit l’huissier. Cette porte est condamnée.

Pold entra alors avec Arnoldson dans les coulisses des Folies.

Il ouvrit de grands yeux sur le spectacle, tout neuf pour lui, des coulisses et qu’il jugeait beaucoup plus intéressant que celui de la scène.

Une foule de petites femmes, légèrement vêtues de maillots et de gazes, babillaient à voix basse en attendant le moment de leur entrée. Elles étaient fardées à l’impossible et exhalaient des parfums violents.

L’une d’elles prit le menton de Pold. Le jeune homme rougit.

Il ne trouvait rien à dire.

– Comme il fait chaud! hasarda-t-il.

Ce fut un éclat de rire chez les figurantes et les danseuses.

Mais Pold fuyait déjà, très honteux, derrière Arnoldson, qui grimpait un étroit escalier conduisant aux loges du premier étage.

Enfin, une dernière porte s’ouvrit. Ils étaient chez Diane. Celle-ci, enveloppée d’un chaud peignoir, étendue sur un étroit divan, laissant pendre négligemment ses jambes où collait encore le maillot de soie, recevait les compliments du directeur et des amis de la direction.

Deux immenses corbeilles de fleurs attestaient son succès.

Arnoldson lui montra, en souriant, Pold.

Pold s’avança, ému à un point que l’on ne saurait dire.

Diane, très aimable, lui tendit languissamment la main.

– Bonsoir, mon vieux Pold, lui dit-elle affectueusement. Qu’est-ce qui vous prend de venir me voir?

– Madame… fit Pold.

Mais, il ne put rien ajouter, tant son émotion était profonde. Sa voix s’étranglait. Il suffoquait.

– Vous savez que nous sommes de vieux amis!

– Oh! oui, madame!

Et Pold lui embrassa la main avec une passion qui amena sur les lèvres de Diane un adorable sourire.

Diane, tout d’un coup, fut debout:

– Laissez-moi tous! cria-t-elle. Laissez-moi tous! Je vous remercie… mais il faut que je me change! Jenny, chasse ces messieurs et qu’on n’entre plus…

Arnoldson se pencha à l’oreille de Diane:

– Le prince vous prendra à la sortie.

Diane fut joyeuse.

– Oh! merci! fit-elle.

On sortit. Arnoldson entraîna Pold dans les couloirs et le fit sortir par le derrière des Folies, sur la rue de Trévise.

– Vous me paraissez content, jeune homme, dit Arnoldson.

– Ah! oui, monsieur, éclata Pold, très content! Elle ne m’en veut plus! Elle a été si bonne, ce soir, pour moi!

– Monsieur Pold, vous voilà bien emballé!