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– Comment voulez-vous qu’il en soit autrement?… Vous qui me l’avez fait voir, vous me la ferez voir encore, n’est-ce pas?

– Je vous le promets.

– Quand? s’écria Pold. Quand? Ce soir peut-être?

Arnoldson était au coin de la rue de Trévise et de la cité Bergère. Il montra à Pold une voiture qui attendait là.

– Montez dans cette voiture, mon jeune ami, car nous avons des choses intéressantes à nous dire.

Pold monta dans la voiture, et Arnoldson l’y suivit, après avoir jeté au cocher:

– Au coin de l’avenue Prudhon!

Dans la voiture, Pold demanda à Arnoldson ce qu’ils allaient faire avenue Prudhon:

– Est-ce que vous me conduisez déjà chez Diane?

L’Homme de la nuit ne répondit point à cette question.

Il fit:

– Jeune homme, est-ce que tout ce qui se passe ne vous semble pas quelque peu bizarre?

– En quoi donc, monsieur? J’aime Diane, je désire la revoir; vous la connaissez et vous me facilitez une entrevue avec elle, parce que vous désirez me faire plaisir.

– Et vous ne vous demandez point pourquoi je veux vous faire plaisir?

– Non: cela me semble, au contraire, fort naturel.

– Vous êtes d’une naïveté que n’excuse même pas votre âge, jeune homme, fit Arnoldson en riant. Je ne tiens pas à me faire à vos yeux meilleur que je ne le suis. Si je vous propose de vous rendre le service que vous me demandez, c’est que j’ai besoin de vous.

Pold en parut tout étonné:

– Besoin de moi?

– Mais oui, mon petit Pold, mais oui. On a souvent besoin d’un plus petit que soi.

– Je suis plus grand que vous, monsieur, remarqua Pold.

– Oui, mais plus petit que le prince Agra.

– Le prince Agra a besoin de moi?

– Certainement.

– Et pouvez-vous m’expliquer pourquoi le prince Agra a besoin de moi?

– Nous ne sommes ici que pour cela, jeune homme.

– Allez, monsieur. Je suis fort impatient.

– Voici. Le prince n’aime plus Diane.

– Tant mieux! Et, pour peu que Diane n’aime plus le prince, voilà tout de suite mes actions qui montent, et cela m’expliquerait peut-être pourquoi, tantôt, elle me fut aimable alors qu’il y a un mois elle me fut si cruelle.

– Vous tirerez, après mon discours, qui ne sera pas long, toutes les conclusions que vous voudrez. Mais, pour Dieu! jeune homme, écoutez-moi!

– Je ne dis plus un mot. Mais je suis bien content, monsieur, bien content…

– Vous avez dû remarquer que la loge du prince est restée vide ce soir et qu’il fut le seul des amis de Diane à ne pas assister à son triomphe. Diane en est particulièrement affligée, ou plutôt vexée, car il ne saurait plus être question de grands sentiments entre eux. Il y a un froid.

– Ah! ah! Il y a un froid?

– Parfaitement, et je dois même ajouter que la rupture sera proche.

– Bon, ça!

– Très proche.

– All right!

– Il n’y a qu’une chose qui retienne le prince.

– Et quoi donc?

– Ses lettres.

– Ses lettres?

– Oui. Il a écrit, au cours de cette liaison, à Diane des lettres fort compromettantes, qu’il voudrait avoir à tout prix. Mais Diane sait la valeur de ces lettres, et, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom, elle fait chanter le prince.

– Pas possible!

– Ah! vous ne connaissez guère les femmes… N’écrivez jamais, jeune homme…

– Trop tard!

– Vous avez déjà écrit? Bah! vous, ça n’a aucune importance. Mais le prince Agra, c’est grave! Et les prétentions de Diane, qui sait le prince fort riche, sont exorbitantes.

– Tout cela ne m’explique pas en quoi le prince peut avoir besoin de moi.

– Patience! les lettres, il veut les reprendre et, trouvant qu’il a suffisamment subi le chantage de sa maîtresse, il veut les reprendre en les faisant voler.

– Oh! oh! voilà un gros mot!

– Un gros mot, en effet. Car, de vol, il ne saurait y en avoir.

«Les lettres appartiennent au prince. C’est une bonne action que de les lui remettre et de les soustraire à des mains que nous pouvons, en la circonstance, qualifier de criminelles.»

– Vous êtes bien dur, monsieur, pour d’aussi jolies mains.

– Soyez franc. N’êtes-vous point de mon avis? Et ne jugez-vous point la conduite de Diane fort condamnable?

– Oh! certes!

– C’est une conduite qui pourrait la mener loin, et il y a des lois en France qui condamnent ces choses.

– À quoi elle s’expose, tout de même! fit Pold, d’un air entendu.

– Si elle n’avait plus les lettres, elle ne s’exposerait plus à rien.

– C’est assez logique.

– C’est donc un service à lui rendre que de lui reprendre les lettres.

– Ceci me paraît bien déduit.

– Aussi le prince a songé à vous.

– Pour reprendre les lettres? s’écria Pold.

– Mais oui.

– Et comment veut-il que je les reprenne puisque je ne sais où elles sont et que je n’ai point le droit de pénétrer dans son hôtel?

– Je vous dirai cela tout à l’heure. Auparavant, je tiens à vous déclarer que le prince vous en sera fort reconnaissant. En même temps que vous servirez Diane, vous le servirez, lui aussi. Aussi m’a-t-il chargé de vous remettre dix mille francs aussitôt que vous m’aurez remis les lettres.

– Mais… c’est un rêve! s’écria Pold. Et comment avez-vous songé à moi?

– C’est bien la chose encore la plus simple du monde. Diane nous a conté votre escapade nocturne chez elle et la façon dont vous avez pénétré dans sa chambre en vous aidant de l’arbre de vigne qui monte le long du mur. Or, les lettres sont dans son secrétaire, et le secrétaire est dans sa chambre.

– Je vous arrête, monsieur. Lors de cette expédition, je passai par-dessus le mur. Or il y a maintenant une grille par-dessus ce mur, qui ne permet plus l’escalade.