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XXII .

– Aimons toujours! aimons encore!

Quand l’amour s’en va, l’espoir fuit.

L’amour, c’est le cri de l’aurore,

L’amour, c’est l’hymne de la nuit.

Ce que le flot dit aux rivages,

Ce que le vent dit aux vieux monts,

Ce que l’astre dit aux nuages,

C’est le mot ineffable: Aimons!

L’amour fait songer, vivre et croire.

Il a, pour réchauffer le cœur,

Un rayon de plus que la gloire,

Et ce rayon, c’est le bonheur!

Aime! qu’on les loue ou les blâme,

Toujours les grands cœurs aimeront:

Joins cette jeunesse de l’âme

À la jeunesse de ton front!

Aime, afin de charmer tes heures!

Afin qu’on voie en tes beaux yeux

Des voluptés intérieures

Le sourire mystérieux!

Aimons-nous toujours davantage!

Unissons-nous mieux chaque jour.

Les arbres croissent en feuillage;

Que notre âme croisse en amour!

Soyons le miroir et l’image!

Soyons la fleur et le parfum!

Les amants, qui, seuls sous l’ombrage,

Se sentent deux et ne sont qu’un!

Les poëtes cherchent les belles.

La femme, ange aux chastes faveurs,

Aime à rafraîchir sous ses ailes

Ces grands fronts brûlants et rêveurs.

Venez à nous, beautés touchantes!

Viens à moi, toi, mon bien, ma loi!

Ange! viens à moi quand tu chantes,

Et, quand tu pleures, viens à moi!

Nous seuls comprenons vos extases;

Car notre esprit n’est point moqueur;

Car les poëtes sont les vases

Où les femmes versent leur cœur.

Moi qui ne cherche dans ce monde

Que la seule réalité,

Moi qui laisse fuir comme l’onde

Tout ce qui n’est que vanité,

Je préfère, aux biens dont s’enivre

L’orgueil du soldat ou du roi,

L’ombre que tu fais sur mon livre

Quand ton front se penche sur moi.

Toute ambition allumée

Dans notre esprit, brasier subtil,

Tombe en cendre ou vole en fumée,

Et l’on se dit: «Qu’en reste-t-il?»

Tout plaisir, fleur à peine éclose

Dans notre avril sombre et terni,

S’effeuille et meurt, lis, myrte ou rose,

Et l’on se dit: «C’est donc fini!»

L’amour seul reste. Ô noble femme,

Si tu veux, dans ce vil séjour,

Garder ta foi, garder ton âme,

Garder ton Dieu, garde l’amour!

Conserve en ton cœur, sans rien craindre,

Dusses-tu pleurer et souffrir,

La flamme qui ne peut s’éteindre

Et la fleur qui ne peut mourir!

Mai 18…

XXIII. Après l’hiver

Tout revit, ma bien-aimée!

Le ciel gris perd sa pâleur;

Quand la terre est embaumée,

Le cœur de l’homme est meilleur.

En haut, d’où l’amour ruisselle,

En bas, où meurt la douleur,

La même immense étincelle

Allume l’astre et la fleur.

L’hiver fuit, saison d’alarmes,

Noir avril mystérieux

Où l’âpre sève des larmes

Coule, et du cœur monte aux yeux.

Ô douce désuétude

De souffrir et de pleurer!

Veux-tu, dans la solitude,

Nous mettre à nous adorer?

La branche au soleil se dore

Et penche, pour l’abriter,

Ses boutons qui vont éclore

Sur l’oiseau qui va chanter.

L’aurore où nous nous aimâmes

Semble renaître à nos yeux;

Et mai sourit dans nos âmes

Comme il sourit dans les cieux.

On entend rire, on voit luire

Tous les êtres tour à tour,

La nuit, les astres bruire,

Et les abeilles, le jour.

Et partout nos regards lisent,

Et, dans l’herbe et dans les nids,

De petites voix nous disent:

«Les aimants sont les bénis!»

L’air enivre; tu reposes

À mon cou tes bras vainqueurs. -

Sur les rosiers que de roses!

Que de soupirs dans nos cœurs!

Comme l’aube, tu me charmes;

Ta bouche et tes yeux chéris

Ont, quand tu pleures, ses larmes,

Et ses perles quand tu ris.

La nature, sœur jumelle

Ève et d’Adam et du jour,

Nous aime, nous berce et mêle

Son mystère à notre amour.

Il suffit que tu paraisses

Pour que le ciel, t’adorant,

Te contemple; et, nos caresses,

Toute l’ombre nous les rend!

Clartés et parfums nous-mêmes,

Nous baignons nos cœurs heureux

Dans les effluves suprêmes

Des éléments amoureux.

Et, sans qu’un souci t’oppresse,

Sans que ce soit mon tourment,

J’ai l’étoile pour maîtresse;

Le soleil est ton amant;

Et nous donnons notre fièvre

Aux fleurs où nous appuyons

Nos bouches, et notre lèvre

Sent le baiser des rayons.

Juin 18…

XXIV .

Que le sort, quel qu’il soit, vous trouve toujours grande!

Que demain soit doux comme hier!

Qu’en vous, ô ma beauté, jamais ne se répande

Le découragement amer,

Ni le fiel, ni l’ennui des cœurs qui se dénouent,

Ni cette cendre, hélas! que sur un front pâli,

Dans l’ombre, à petit bruit secouent

Les froides ailes de l’oubli!

Laissez, laissez brûler pour vous, ô vous que j’aime!

Mes chants dans mon âme allumés!

Vivez pour la nature, et le ciel, et moi-même!

Après avoir souffert, aimez!

Laissez entrer en vous, après nos deuils funèbres,

L’aube, fille des nuits, l’amour, fils des douleurs,

Tout ce qui luit dans les ténèbres,

Tout ce qui sourit dans les pleurs!

Octobre 18…

XXV .

Je respire où tu palpites,

Tu sais; à quoi bon, hélas!

Rester là si tu me quittes,

Et vivre si tu t’en vas?

À quoi bon vivre, étant l’ombre

De cet ange qui s’enfuit?

À quoi bon, sous le ciel sombre,

N’être plus que de la nuit?

Je suis la fleur des murailles,

Dont avril est le seul bien.

Il suffit que tu t’en ailles

Pour qu’il ne reste plus rien.

Tu m’entoures d’auréoles;

Te voir est mon seul souci.

Il suffit que tu t’envoles

Pour que je m’envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche;

Mon âme au ciel, son berceau,

Fuira, car dans ta main blanche

Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne,

Si je n’entends plus ton pas?

Est-ce ta vie ou la mienne

Qui s’en va? Je ne sais pas.

Quand mon courage succombe,

J’en reprends dans ton cœur pur;

Je suis comme la colombe

Qui vient boire au lac d’azur.

L’amour fait comprendre à l’âme

L’univers, sombre et béni;

Et cette petite flamme

Seule éclaire l’infini.

Sans toi, toute la nature

N’est plus qu’un cachot fermé,

Où je vais à l’aventure,

Pâle et n’étant plus aimé.

Sans toi, tout s’effeuille et tombe;

L’ombre emplit mon noir sourcil;

Une fête est une tombe,

La patrie est un exil.

Je t’implore et te réclame;

Ne fuis pas loin de mes maux,

Ô fauvette de mon âme

Qui chantes dans mes rameaux!

De quoi puis-je avoir envie,

De quoi puis-je avoir effroi,

Que ferai-je de la vie,

Si tu n’es plus près de moi?

Tu portes dans la lumière,

Tu portes dans les buissons,

Sur une aile ma prière,

Et sur l’autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile

L’inconsolable douleur?

Que ferai-je de l’étoile?

Que ferai-je de la fleur?

Que dirai-je au bois morose

Qu’illuminait ta douceur?

Que répondrai-je à la rose

Disant: «Où donc est ma sœur?»

J’en mourrai; fuis, si tu l’oses.

À quoi bon, jours révolus!

Regarder toutes ces choses

Qu’elle ne regarde plus?

Que ferai-je de la lyre,

De la vertu, du destin?

Hélas! et, sans ton sourire,

Que ferai-je du matin?

Que ferai-je, seul, farouche,

Sans toi, du jour et des cieux,