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– Pauvre fille? Vous? ricana du Barry; mais vous êtes comtesse, ma chère, ne l’oubliez jamais.

– Oh! sur la scène, je n’aurai garde de l’oublier; mais ici, dans la coulisse…

– Vous avez tort, mon enfant, fit brusquement une voix.

Juliette et du Barry tressaillirent, et, se retournant, aperçurent M. Jacques.

Ils pâlirent.

Par où était-il entré?…

Comment se trouvait-il là, à deux pas, au milieu du salon, souriant et paternel?…

Une sorte de superstitieuse épouvante s’empara d’eux.

Toutes les portes étaient fermées…

Ils n’étaient pas éloignés de croire que le mystérieux personnage était armé d’une surhumaine puissance.

– Il sait tout! Il voit tout! Il entend tout! se dit Juliette palpitante en répétant les paroles que le comte venait de prononcer.

– Vous avez tort, continuait M. Jacques avec son paisible sourire, de supposer que vous êtes comtesse du Barry en certaines circonstances et que vous ne l’êtes pas en d’autres. Toujours et partout, vous êtes la comtesse du Barry. Et en voici la preuve que je vous apportais, et que je vous laisse…

À ces mots, il étala sur un guéridon un parchemin que Juliette et le comte parcoururent ensemble avec la même avidité et le même étonnement.

C’était un acte en règle signé par le curé de Saint-Eustache, avec signatures de témoins à l’appui, qui certifiait véritable et valable le mariage du comte du Barry et de Juliette Bécu. La date remontait à trois années en arrière.

– À bientôt, mon enfant, reprit M. Jacques. Comte, voulez-vous m’accompagner? J’ai besoin de vos infatigables bons offices. Il faut que je traverse les champs qui entourent Versailles, et figurez-vous que la nuit, seul, j’ai peur!

Du Barry suivit M. Jacques. Il chancelait presque.

Juliette, demeurée seule, tint longtemps son regard fixé sur le parchemin.

Elle méditait.

– Eh bien! soit, murmura-t-elle enfin avec un frisson. Je suis dans les mains de cet homme. J’irai jusqu’au bout… J’empêcherai Mme d’Étioles de devenir la favorite du roi… mais…

Elle s’arrêta, haletante, regardant autour d’elle, comme si elle eût craint que sa pensée même ne fût surprise. Puis, elle acheva:

– Mais je ne veux pas qu’on tue ce pauvre petit chevalier d’Assas, moi!…