Le pauvre chevalier marchait de surprise en surprise: c’était vraiment un conte de fées réalisé.
– À propos, mon gentilhomme, dit alors le laquais, s’il vous prenait fantaisie de sortir la nuit… pour quelque expédition guerrière… ou amoureuse…
– Eh bien? fit d’Assas.
Le laquais ouvrit une armoire vaste et profonde.
– Voici, continua-t-il, deux costumes à votre taille, de façon que vous ne soyez pas reconnu. Voici des manteaux. Voici des loups en velours. Voici des pistolets, et voici des épées…
Les costumes étaient riches et élégants, mais dans la teinte neutre comme couleur, parfaitement seyants pour l’usage auquel ils étaient destinés. Les épées étaient magnifiques et solides. Les pistolets étaient tout chargés…
– Voilà de quoi soutenir au besoin un siège, dit d’Assas.
– Ou de quoi en faire un, répondit négligemment le laquais. Il est arrivé à l’un des jeunes fous qui vous ont précédé ici de prendre une maison d’assaut à lui tout seul… Oh! tous les cas sont prévus…
D’Assas tressaillit et passa une main sur son front.
Le laquais se retira discrètement. Le chevalier, demeuré seul, examina curieusement les costumes accrochés dans l’armoire: dans la poche de chacun d’eux, il trouva une bourse!…
– Oh! oh! murmura-t-il, ceci dépasse le rêve!…
Il tira l’une de ces bourses. Elle contenait des louis d’or et un billet. D’Assas compta les louis: il y en avait cent.
– Deux mille francs!… Ma solde de huit mois!… Et il y en a autant dans l’autre costume!…
Alors il lut le billet. Il contenait ces simples mots signés d’un J:
«Puisez sans crainte. Cet argent est pour vos menus frais. On aurait cru vous importuner en mettant plus. Mais dès que l’une des deux bourses sera vide, remettez-la au laquais qui vous sert. Il a ordre de la remplir. Soyez brave, fidèle et patient.»
– Eh bien, par la mordieu! grommela le chevalier, puisqu’il en est ainsi, j’accepte! Je veux voir jusqu’où ira la fantasmagorie!… Brave… je crois l’être. Fidèle, – je le suis certainement. Patient?… Hum!… Enfin, ce M. Jacques me semble jouer un jeu étrange. Que veut-il?… Il en agit avec moi comme un vieil ami… comme un père indulgent… Ma foi, nous verrons bien!…
Là-dessus, le chevalier se coucha dans le lit le plus moelleux qu’il eût encore connu et ne tarda pas à s’endormir d’un profond sommeil. Il rêva qu’il se trouvait dans le palais enchanté des fées, que tout ce qu’il touchait se transformait en or, et que Jeanne lui tendait les bras en souriant…
Il avait un peu plus de vingt ans, M. le chevalier d’Assas.
Mais, franchement, eût-il été même plus âgé, eût-il eu la sagesse du roi Salomon, n’eût-il pas été encore excusable de continuer en sommeil le rêve qu’il avait commencé tout éveillé?…