Ô roi Daréios, où tendent donc tes paroles? Comment, après ces malheurs, nous, peuple Persique, jouirons-nous d'une fortune meilleure?
Si vous ne portez jamais la guerre dans le pays des Hellènes, les armées Médiques fussent-elles plus nombreuses, car la terre même leur vient en aide.
Que dis-tu? Comment leur vient-elle en aide?
En tuant par la faim les innombrables armées.
Mais nous enverrions une armée excellente et bien munie.
Maintenant, celle même qui est restée en Hellas ne reviendra plus dans la patrie!
Que dis-tu? Toute l'armée des Barbares n'est-elle pas revenue de l'Eurôpè en traversant le détroit de Hellè?
Peu, de tant de guerriers, s'il faut en juger par les oracles des dieux et par ce qui est fait, car l'accomplissement d'un oracle est suivi par celui d'un autre. Aveuglé par une espérance vaine, Xerxès a laissé là une armée choisie. Elle est restée dans les plaines qu'arrose de ses eaux courantes l'Asopos, doux breuvage de la terre des Boiôtiens. C'est là que les Perses doivent subir le plus terrible désastre, prix de leur insolence et de leurs desseins impies; car, ayant envahi Hellas, ils n'ont pas craint de dépouiller le sanctuaire des dieux et de brûler les temples. Les sanctuaires et les autels ont été saccagés et les images des dieux arrachées de leur base et brisées. A cause de ces actions impies ils ont déjà souffert de grands maux, mais d'autres les menacent et vont jaillir, et la source des calamités n'est point encore tarie. Des flots de sang s'épaissiront, sous la lance Dorique, dans les champs de Plataia; et des morts amoncelés, jusqu'à la troisième génération, bien que muets, parleront aux yeux des hommes, disant qu'étant mortel il ne faut pas trop enfler son esprit. L'insolence qui fleurit fait germer l'épi de la ruine, et elle moissonne une lamentable moisson. Pour vous, en voyant ces expiations, souvenez-vous d'Athéna et de Hellas, afin que nul ne méprise ce qu'il possède, et, dans son désir d'un bien étranger, ne perde sa propre richesse. Zeus vengeur n'oublie point de châtier tout orgueil démesuré, car c'est un justicier inexorable. C'est pourquoi, instruisez Xerxès par vos sages conseils, afin qu'il apprenne à ne plus offenser les dieux par son insolence audacieuse. Et toi, ô vieille et chère mère de Xerxès, étant retournée dans ta demeure, choisis pour lui de beaux vêtements, et va au-devant de ton fils. En effet, il n'a plus autour de son corps que des lambeaux des vêtements aux couleurs variées qu'il a déchirés dans la douleur de ses maux. Console-le par de douces paroles. Je le sais, il n'écoutera que toi seule. Moi, je rentrerai dans les ténèbres souterraines. Et vous, vieillards, salut! Même dans le malheur, donnez, chaque jour, votre âme à la joie, car les richesses sont inutiles aux morts.
J'apprends, à ma grande douleur, que les barbares, outre les maux présents, subiront encore d'autres calamités dans l'avenir.
Ô daimon! que d'innombrables et terribles douleurs se ruent sur moi! Mais ce qui m'est le plus amer c'est d'apprendre que mon fils est couvert de vêtements honteux. Certes, je rentrerai, et, prenant de beaux vêtements dans mes demeures, j'irai au devant de mon fils. Je ne l'abandonnerai pas dans le malheur, lui qui m'est le plus cher.
Strophe I.
Certes, ô dieux! nous menions une vie grande et heureuse et sagement gouvernée, quand le roi égal aux dieux, Daréios, vénérable, doux, invincible, suffisant à tout, commandait au royaume!
Antistrophe I.
Avant tout, nous étions illustres par notre glorieuse armée, et de fermes lois réglaient toutes choses. Puis, nos troupes, sans avoir subi de défaites, toujours victorieuses, revenaient heureusement dans nos demeures.
Strophe II.
Que de villes il a prises, sans même avoir traversé le fleuve Halys, sans avoir quitté sa demeure! Telles les villes de la mer Strymonnienne, aux frontières Thrakiennes;
Antistrophe II.
Et celles qui, loin de la mer, étaient entourées de murailles, obéissaient au roi, et les villes orgueilleuses du large détroit de Hellè, et la sinueuse Propontis, et les bouches du Pontos;
Strophe III.
Et, le long du continent prolongé, les îles entourées des flots, voisines des côtes, Lesbos, Samos qui abonde en olives, Khios, Paros, Naxos, Mykonos, et Andros qui touche à Tènos;
Antistrophe III.
Et les îles de la haute mer, Lemnos, terre d'Ikaros, Rhodos, Knidos, et les villes Kypriennes, Paphos, Solos et Salamis, dont la métropole est cause de nos gémissements.
Épôde.
Et il conquit aussi par sa prudence les riches villes des Iaônes, peuplées des Hellènes, car il possédait la force invincible d'alliés de toute race et bien armés. Et voici maintenant que les dieux ayant retourné les maux de la guerre contre nous, nous avons été cruellement vaincus sur mer!
Hélas, malheureux! comment ai-je été accablé de cette calamité lamentable et inattendue! oh! que la fortune afflige amèrement la race des Perses! Ah! malheureux! que faire? La vigueur de mes genoux fléchit devant ces vieillards! Ô Zeus, que ne suis-je mort avec mes guerriers morts!
Hélas, hélas! ô roi, voici qu'un dieu a moissonné cette brave armée, gloire des hommes, honneur de la Perse! La terre pleure cette jeunesse tuée par Xerxès, lui qui a empli le Hadès de Perses! Que de guerriers sont morts, archers redoutables, fleurs de la patrie! Toute une race innombrable de guerriers a péri!
Hélas, hélas! ma brave armée!
Toute l'Asia, ô roi de cette terre, tombe misérablement sur ses genoux!
Strophe I.
Moi, hélas, hélas! funeste, lamentable pour ma race, je suis né pour la ruine de la terre de la patrie!
Je saluerai ton retour par des cris funèbres, par l'hymne lugubre du chanteur Mariandynien, par les gémissements et les larmes!
Antistrophe I.
Poussez des cris discordants, lugubres, lamentables! un dieu s'est tourné contre moi!
Certes, je pousserai des cris lamentables, je pleurerai amèrement les terribles calamités du peuple, souffertes sur la mer, et la jeunesse du royaume gémissant! Je crierai, je pleurerai, je gémirai!
Strophe II.
Arès nous a ravi la victoire; il a fait triompher la flotte des Iaônes, il a fauché la sombre mer et le fatal rivage! Hélas, hélas! criez, redemandez-moi tout!
Où as-tu laissé la multitude de tes amis, ceux qui se tenaient debout à ton côté: Pharandakès, Souzas, Pélagôn, Dotamas et Agdabatas, Psammis, Sousiskanès qui partit d'Ekbatân?
Antistrophe II.
Je les ai laissés morts, précipités de leur nef Tyrienne sur les rivages de Salamis, sur les âpres côtes.
Hélas, hélas! où sont Pharnoukhos et le brave Ariomardos, et le prince Seualkès, et le noble Lilaios, Memphis, Tharybis, Masistrès, Artembarès et Hystaikhmas? Dis-moi où ils sont.
Strophe III.
Hélas, hélas! En face de l'antique et odieuse Athèna, tous, les malheureux! ont été jetés palpitants contre terre.
Et lui, cet œil fidèle qui comptait pour toi les innombrables Perses, le fils de Batanôkhos, fils de Sésamès, fils de Mygabatès, Alpistès? Et Parthos, et le grand Oibarès, où les as-tu laissés? Oh! les ennemis! Que les maux que tu racontes ont été funestes aux braves Perses!