La brume divine des langueurs, et la gorgeґe,

L’insouciance totale des mains, le cur qui manque de cur,

Et qui tombe comme une pierre — ou un eґpervier —

sur la poitrine.

Et puis voila`, dans les gestes de la pitieґ et de la fie`vre,

Une seule chose: hurler comme un loup, une seule:

se prosterner,

Baisser les yeux — comprendre — que le cha  timent

de la volupteґ

Est cet amour cruel, cette passion de forc  at.

Rouen

Je suis entreґe, et j’ai dit: — Bonjour!

Il est temps, roi, de revenir en France, chez toi!

Et de nouveau, je te conduis vers le sacre,

Et de nouveau, tu vas me trahir, Charles VII!

N’espeґrez pas, prince avare et morose,

Prince exsangue et sans courage,

Que Jeanne n’aime plus — les voix,

Que Jeanne n’aime plus — son eґpeґe.

Il y a dans Rouen, a` Rouen — le vieux marcheґ...

— Et de nouveau: le dernier regard du cheval,

Le premier creґpitement du petit bois innocent,

Puis la premie`re flamme des fagots.

Et derrie`re mon eґpaule — mon compagnon aileґ

Chuchotera de nouveau pour moi: courage, Sur! —

Quand le sang du bois de mon bu  cher

Fera briller les armures d’argent.

J’ai fe  teґ seule la nouvelle anneґe.

Moi, riche, j’eґtais pauvre,

Moi, avec mes ailes, j’eґtais damneґe.

Quelque part, beaucoup, beaucoup de mains

Serreґes — et beaucoup de vins vieux.

Avec ses ailes, elle eґtait damneґe!

Et elle, l’unique eґtait — seule!

Comme la lune — seule, sous le regard de la fene  tre.

Tu t’es leveґ pour la Patrie,

Sur ton poignard, tu as eґcrit —: Marina.

J’ai eґteґ la premie`re et l’unique

Dans ta vie extraordinaire.

Je me souviens: la nuit, un visage aureґoleґ,

Dans l’enfer d’un wagon pour soldats.

Je laisse mes cheveux au vent, et

Dans un coffret, je garde les eґpaulettes.

Le Don

Garde blanche, haute est ta destineґe:

Le trou noir vise ta poitrine et ta tempe.

Tu combats pour Dieu, ta cause est juste:

Le sable engloutira ton corps douloureux et pur.

Ce n’est pas un vol de cygnes dans le ciel:

C’est la sainte force blanche qui s’efface,

Qui s’efface comme une vision blanche...

Dernier re  ve — de l’ancien monde:

Vaillance, — Jeunesse, — Vendeґe, — Don.

Celui qui en reґchappe — va mourir, celui qui en meurt —

revivra.

Et puis les descendants, au souvenir de ces temps anciens:

— Ou` eґtiez-vous? — La question, comme un coup de tonnerre,

Et la reґponse, comme un coup de tonnerre — sur le Don!

— Qu’avez-vous fait? — Nous avons souffert dans

les tourments,

Puis, fatigueґs, — nous nous sommes coucheґs pour dormir.

Et, dans le dictionnaire, les petits enfants re  veurs

Apre`s le mot: devoir, eґcriront le mot: DON...

Difficile et miraculeuse — fideґliteґ jusqu’a` la mort!

La magnificence des tzars — au sie`cle des places

envahies!

Ames reґsistantes, poitrines reґsistantes, —

Ou` e  tes-vous, hommes des temps anciens?!

La licence, comme un Tatar roux, deґvaste

Et reґduit en poussie`re l’autel et le tro  ne.

Au-dessus des cendres — les clameurs du festin

De soldats deґserteurs et de femmes adulte`res.

Je rentre a` la maison — non comme un imposteur,

Et non comme une servante — je n’ai pas besoin de pain.

Moi — ta passion, ton repos du dimanche,

Ton septie`me jour, ton septie`me ciel.

La`-bas, sur terre, on me donnait des pie`ces,

On attachait des meules de pierre a` mon cou.

— Mon bien-aimeґ! — Pourrais-tu ne pas me reconnatre?

Moi, — ton hirondelle — ta Psycheґ!

Recois, ma douceur, des guenilles

Qui furent autrefois une chair deґlicate.

Tout est useґ, tout est deґchireґ, —

Seules restent encore les deux ailes.

Reve  ts-moi de ta splendeur,

Pardonne-moi, sauve-moi, mais

Les pauvres haillons en poussie`re —

Porte-les a` la sacristie.

Je te raconterai — la grande duperie:

Je te raconterai le brouillard, quand il tombe

Sur les jeunes arbres et sur les vieilles souches.

Je te raconterai les lumie`res qui s’eґteignent

Dans les petites maisons — et le tzigane — eґtranger

Venu des lointains eґgyptiens — qui souffle dans son roseau.

Je te raconterai — le grand mensonge:

Je te raconterai le couteau, serreґ entre des doigts