N’eґtait pas satureґ de chansons.

Les heures, les anneґes, les sie`cles. —

Sans nous — sans nos chambres.

Et le monument, qui se penche, —

Ne se souvient plus.

Depuis longtemps, le balai reste inactif,

Et se fleґtrissent, obseґquieusement,

Au-dessus de la Muse de Tsarskoeґ Selo,

Les croix d’orties.

5

Tant de compagnons, tant d’amis —

Et tu n’es l’eґcho de personne.

L’amertume et la fierteґ

Commandent cette tendre jeunesse.

Tu te souviens de cette journeґe folle

Et enrageґe: le port, la menace des vents du sud,

Les hurlements de la Caspienne — et,

Dans la bouche, l’aile d’une rose.

Et cette tzigane qui t’a donneґ

Cette pierre, si bien sertie, — et

Cette tzigane qui t’a menti

A propos de la gloire...

Et, — tre`s haut, pre`s des voiles —

L’adolescent en caban bleu.

Le grondement de la mer — et l’appel,

— Redoutable de la Muse blesseґe.

6

Tu ne traneras pas. Moi, — je suis le prisonnier.

Toi, — le gardien. Nous avons le me  me destin.

Nous avons la me  me feuille de route

Pour ce territoire vide, vide.

Moi, — je suis d’une humeur tranquille!

Mes yeux sont transparents!

Gardien, laisse-moi aller

Jusqu’a` ce pin.

8

Sur le marcheґ, les gens criaient,

La fumeґe sortait de la boulangerie

J’ai le souvenir de la bouche vermeille

D’une chanteuse de rue au visage allongeґ.

Dans un cha  le sombre — avec des fleurs —,

— Pour e  tre honoreґe — et

Toi, les yeux baisseґs, dans la foule

Des croyants, devant la catheґdrale.

Prie pour moi, beauteґ

Triste et diabolique,

On eґle`vera pour toi des eґchafaudages,

Comme pour la vierge du village.

9

Vers Anne, a` la bouche d’or,

De toute la Russie, son verbe, et

Son expiation, — toi, vent, porte

Ma voix, et ce lourd soupir.

Parle, horizon en feu, parle

De ces yeux, noirs de douleur,

Et, doucement, salue, jusqu’a` terre,

Parmi les champs doreґs.

Raconte, eau verte des ruisseaux,

Dans les bois, raconte cette nuit-la`

Ou` j’ai vu en toi, et quel visage

J’ai vu, de mes propres yeux.

Toi, retrouveґ,

Dans la hauteur, avec le tonnerre,

Toi, l’anonyme,

Porte mon amour

A Anne, bouche d’or de toutes les Russies.

11

Tu me caches le soleil, — la`-haut,

Toutes les eґtoiles dans le creux de ta main!

Et si, — portes grandes-ouvertes —

Comme le vent — j’entrais chez toi!

Et puis balbutier et rougir,

Baisser les yeux tout a` fait,

Et sangloter pour m’apaiser,

Comme un enfant pardonneґ.

12

Les deux bras me sont donneґs — pour les tendre a` tous, —

Mais ils me fuient. Les le`vres — pour donner des noms,

Les yeux — pour ne pas voir, les sourcils tout au-dessus —

Pour s’eґtonner tendrement de l’amour et de l’absence d’amour —

Plus tendrement encore. La cloche, la`-bas, plus lourde

Que celle du Kremlin, sonne, et sonne dans ma poitrine, —

ainsi,

Qui sait? — Je ne sais pas, — peut-e  tre, — il se peut, — ainsi,

Je ne m’inviterai pas longtemps sur la terre russe!

Un soleil blanc et de tre`s, tre`s bas nuages,

Le long des potagers — derrie`re le mur blanc —,

Un cimetie`re. Et sur le sable des rangeґes d’eґpouvantails

De paille, sous des linteaux a` hauteur d’homme.

Pencheґe par-dessus les pieux de la palissade,

Je vois des routes, des arbres, des soldats en deґsordre.

Une vieille paysanne, pre`s d’un portillon ma  che,

Ma  che une tranche de pain noir avec du gros sel...

Pourquoi ce courroux contre ces maisons grises, —

Seigneur! — Et pourquoi trouer tant de poitrines?

Le train passe et hurle, et hurlent les soldats,

Et le chemin se couvre de poussie`re, et il s’eґloigne...

—Pluto  t mourir! Pluto  t ne jamais e  tre neґe,

Que, la`, pour ce pitoyable cri plaintif de forc  at

Vers les belles aux sourcils noirs. — Comme ils chantent