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Fantômasalors, d’un geste brusque, arrachait la longue barbe blanchequi s’étendait sur ses joues et son menton.

Ilfaisait sauter sa perruque, la tête énergique etfarouche du monstre apparut.

— Ehbien, Gauvin, s’écria-t-il en toisant le notaire, toiqui es si bien renseigné sur l’existence des gens,dis-moi donc qui se trouve en face de toi ?

Lenotaire n’avait pas longtemps à réfléchir,longtemps à regarder pour savoir que répondre.

Àla vue de la transformation soudaine qui se faisait dans lasilhouette de son interlocuteur, Gauvin avait poussé unvéritable hurlement d’épouvante et d’effroi.

Ilreculait jusqu’au fond de la pièce, il ouvrait des yeuxhagards.

— Fantômas !…Fantômas !… balbutia-t-il. Je suis en face deFantômas !

— Fantômas,oui, déclara rudement le bandit. Assez d’atermoiements,jouons cartes sur table.

» Écoute-moibien, Gauvin, et si tu tiens à ta peau, obéis-moi surl’heure. Tu sais qu’Étienne Rambert est mort, tantpis pour toi, il fallait l’ignorer… Peut-êtreenfin te permettrai-je de l’oublier, à la condition quetu m’obéisses.

» Écoute,il me plaît, aujourd’hui, de passer pour ÉtienneRambert, car je désire m’approprier la fortune deMme Verdon.

» Parle document que je viens de te montrer, Mme Verdont’autorise, toi, le notaire, dépositaire de sa fortune,à remettre tous ses biens entre les mains de cet ÉtienneRambert dont j’incarne aujourd’hui la personnalité.

» Oubliedonc que je suis Fantômas, et partons pour ta boutique :dans une heure, j’aurai l’argent ; tu n’asrien à craindre, car je te laisserai en échangel’autorisation que je t’ai montrée. Obéis !

MaisFantômas s’arrêtait, car Gauvin s’effondraità terre.

— Grâce !…grâce ! articulait-il, en proie à une émotioninexprimable.

Ilse tordait les bras, sanglotait éperdument.

Fantômasle secoua brusquement.

— Imbécile,tu n’as donc rien compris ! Je viens de te dire qu’ilne te serait point fait de mal, et que tu n’avais qu’àme donner la fortune de Mme Verdon…

Maisc’était précisément cela qui terrifiait etdésespérait l’infortuné notaire.

— Hélas !balbutia-t-il, c’était justement au sujet de cettefortune que je voulais voir Mme Verdon !

— Qu’avais-tudonc à lui dire ? demandait Fantômas qui commençaità s’inquiéter.

Sonregard était si terrible que Gauvin frissonna.

— Parle !ordonna impérieusement le bandit, qui sortait un poignard desa poche.

— Grâce !…supplia Gauvin.

— Parle !poursuivit Fantômas.

Faisantun suprême effort, Gauvin articula :

— Ehbien… je voulais… dire à Mme Verdon,que sa fortune… sa fortune… je ne l’ai plus…

— Malédiction !jura Fantômas. Et cette fortune où est-elle ?

D’unevoix presque imperceptible, le notaire répondit :

— Entreles mains de Juve !

Dèslors la colère de Fantômas éclatait, épouvantableet terrifiante.

— Dansles mains de Juve !… répétait le banditavec un ricanement sinistre… Ah ! misérableGauvin !… Tu avais donc juré de me trahir !…Tu savais donc quelles étaient mes intentions !…Tu t’es fait le complice de cet ignoble policier !

— Grâce !suppliait Gauvin, ce n’est pas vrai… et pour tout dire,c’est moi qui ai voulu voler la fortune de Mme Verdon.Juve est survenu qui m’en a empêché ; àl’heure actuelle il est peut-être à mes trousses,et je venais dans le but de tout dire à Mme Verdon…

— Ah !par exemple ! hurla Fantômas, il ne manquerait plus quecela !

Dansl’espace d’un instant, le sinistre bandit voyait tous sesprojets détruits, son programme anéanti, Gauvin disantà Mme Verdon que sa fortune était entreles mains de Juve. Juve survenant… et tout le monde se mettantd’accord pour reconnaître que le savant Marcus n’étaitpas Étienne Rambert, mais bien tout simplement Fantômas !

Non,non, les choses ne se passeraient pas ainsi ! Fantômasn’était pas un homme à se laisser faire !

Gauvinse traînait sur le parquet, terrifié, ivre de peur.

Fantômascria :

— LeBedeau ! pendant qu’il appuyait le pied sur l’épauledu notaire et l’immobilisait au ras du sol.

Auxcris poussés par Fantômas, son complice apparaissaitaussitôt.

— LeBedeau ! ordonna Fantômas, ficelle-moi cet homme…qu’il ne puisse faire un geste, qu’il ne puisse dire unmot…

ChapitreXXIV

Unbaiser filia

l

Dansla nuit silencieuse et sombre, un bruit de grelots retentissait,dissimulant le galop des chevaux et le bruissement sourd des rouescaoutchoutées, roulant, ou pour mieux dire, bondissant sur lescahots de la route et les pavés des villages.

Detemps à autre on percevait le claquement sec d’un coupde fouet stimulant les bêtes, et les cris rauques d’uncocher qui excitait, de la voix, ses chevaux.

Ceux-ci,deux fortes bêtes, à la robe mordorée, tramaientun lourd véhicule dont la forme extérieure rappelaitcelle des berlines d’autrefois.

C’était,en réalité, une sorte de calèche qui n’avaitpoint de fenêtres, hormis deux glaces, qui s’élevaientet s’abaissaient à volonté au-dessus desportières occupant le milieu de la voiture.

Depuiscinq ou six jours, ce véhicule, peint de couleur sombre, étaitremisé à Domène, tout à côtéde la propriété de celle qui passait pour êtreMme Verdon.

Cettevoiture était arrivée couverte de poussière, àpeu près en même temps que le vieillard à barbeblanche, qui s’était donné pour être unsavant géologue nommé le professeur Marcus.

Cevéhicule, conduit par un cocher taciturne, au regard sombre etsournois, était la voiture de Fantômas…

Lebandit qui sans cesse jouait le rôle de diverses personnalitéset qui ne savait jamais s’il conserverait l’un ou l’autrede ces rôles, quelques heures ou plusieurs semaines, avaitestimé, avec juste raison, qu’il n’étaitpas naturel qu’un savant professeur intéressé àla géologie possédât une automobile !

Et,dès lors, soucieux de la vraisemblance jusque dans les plusinfimes détails, Fantômas avait décidéd’amener à Grenoble une certaine berline traînéepar deux robustes et rapides chevaux, conduite par un homme àsa dévotion.

Del’extérieur, cette voiture paraissait normale, nullementsurprenante.

Maissi, d’aventure, quelqu’un avait été amenéà la visiter de près, à en examiner l’intérieur,il aurait certainement été des plus surpris, voirequelque peu épouvanté.

Toutd’abord, les panneaux de la voiture, au lieu d’êtrefaits de simple tôle ou encore de bois vernis, étaientconstitués par de solides parois d’acier qui,certainement, pouvaient résister aux plus brutales attaques.

C’étaitune voiture blindée, à l’intérieur delaquelle on se trouvait en sécurité contre lesagressions extérieures et les coups de feu !

C’étaitune véritable casemate !

L’intérieurdu véhicule était aménagé, non pointcomme une voiture ordinaire, mais comme une véritable redoute,une forteresse en miniature.

Aufond, il y avait un siège, une banquette médiocrementrembourrée, où pouvaient s’asseoir troispersonnes, mais en face se trouvait tout un assortiment d’armespendues à un râtelier, et des caissons dans lesquelsétaient des munitions.

Aumilieu, enfin, fixé au plancher, se trouvait une sorte desupport dont, à première vue, on ne concevait pas bienl’utilité.

Quiconqueétait renseigné sur la destination de ce supportsavait, par contre, qu’il avait pour but de recevoir unemitrailleuse, qu’en l’espace d’une seconde on l’ypouvait fixer et que, pivotant sur une charnière, articuléedans tous les sens, elle permettait, de l’intérieur dela voiture, de viser tous les gens que l’on voulait atteindreau passage.

Cettevoiture blindée, cette forteresse roulante, c’étaitla dernière invention de Fantômas !