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— Dequoi ? fit la femme. Qu’est-ce qu’on me veut ?…

Fantômasdévisageait la pierreuse, un sourire ironique semblaitréellement flotter sur ses lèvres.

— LaRouquine, commença-t-il, je ne te connais pas, et je ne veuxpas te connaître. Toutefois, fais bien attention à mesparoles : il se passe cette nuit quelque chose d’assezgrave, tu vas nous aider, à coup sûr, n’est-cepas, tu connais tous les amis du Bedeau ?

— Oui,fit la Rouquine. Après ?

— Ehbien, répartit Fantômas, tu vas te rendre d’urgencechez chacun d’eux et les convoquer. Tu leur diras de se trouverderrière Notre-Dame dans une heure et demie d’ici.

LaRouquine, en écoutant ces instructions, ouvrait des yeuxronds, fort étonnée :

— Non,mais des fois… commençait la femme. Faudrait voir àne pas me prendre pour ta bonne… y a le commissionnaire ducoin, mon vieux, y s’dérange pour dix ronds… Maismoi, je n’marche pas… D’abord, j’ai lespieds nickelés !

LaRouquine refusait de rendre service à cet individu qu’ellene connaissait pas. Elle devait rapidement changer d’avis,Fantômas, en effet, se contentait de faire un pas vers elle etde poser la main sur son épaule.

Regardantalors la pierreuse bien dans le fond des yeux, Fantômasarticulait lentement :

— Mafille, tu es une sotte… Tu ne sais point qui je suis, mais tuaurais dû deviner, à l’attitude du Bedeau, quij’étais… Je suis… si mon nom ne t’estpas encore venu à l’esprit, celui auquel on ne désobéitpas ! Répondre comme tu viens de le faire, cela vaut lamort. Je te pardonne pour cette fois, mais souviens-t-en…Maintenant, va !

LaRouquine était véritablement médusée parl’extraordinaire discours qu’elle venait d’entendre.

— Ahbien, maladie !… soupirait-elle.

Etaprès un coup d’œil nouveau lancé au Bedeauqui ne disait rien, la Rouquine articula lentement :

— Maisqui donc es-tu, alors ? Dis-le tout d’même…

Fantômas,simplement, répéta :

— Va…

Et,matée, domptée comme tant d’autres, la Rouquinen’insista point, se précipita vers les quartiersexcentriques de la Villette pour exécuter l’ordre decelui qui était encore pour elle un complet inconnu.

Uneheure plus tard, il y avait, derrière Notre-Dame, dans un coind’ombre propice, un groupe d’individus à minepatibulaire, à gestes inquiétants, qui devisaient avecanimation semblait-il.

C’étaientlà les compagnons que la Rouquine avait étéchercher, les uns après les autres. Elle avait racontéla scène dont elle venait d’être victime, elleinterrogeait les aminches, elle leur demandait :

— Quidiable croyez-vous que ça peut être ? Qui a osém’engueuler juste en présence du Bedeau, et sans que leBedeau, qu’a pourtant pas la trouille, ait seulement tentéde rouspéter ?

Il yavait unanimité dans les réponses, chacun tombaitd’accord que Fantômas seul pouvait avoir osépareille chose.

LaRouquine, quelques instants plus tard, devait d’ailleursacquérir à ce sujet une certitude, parce que, lorsqueFantômas arrivait en effet en compagnie du Bedeau, desexclamations étouffées l’accueillaient.

— Ahça, bon Dieu, le patron revenait donc avec les poteaux, qu’illeur avait fait signe ? On allait donc travailler ensemble ?Pardieu, depuis quelque temps, Fantômas, précisément,oubliait trop ses amis… On ne fichait plus rien… Ons’ennuyait de lui…

Fantômasécoutait toutes ces amabilités, son extraordinairesourire aux lèvres. Mieux que personne, évidemment, ilconnaissait les véritables sentiments de ces hommes qui sedisaient ses amis, et qui étaient tous, à un titrequelconque, ses complices, ses subordonnés.

Certesoui, on parlait toujours de lui dans la pègre… Certesoui, il était de ces misérables qui devaient regretterle temps où Fantômas, comme un ordinaire bandit,s’occupait de vols ou de crimes motivés par l’argent.

MaisFantômas n’ignorait pas davantage, il en avait d’ailleursfait l’expérience, que ceux qui l’entouraientétaient fort capables de le trahir aussi.

Pourgouverner ces homme rusés, ne rêvant que meurtres etcrimes, pour dompter ces bêtes féroces, il fallait unepoigne de fer…

Fantômasrépondit brutalement :

— Lesaminches, ce soir, y n’s’agit pas de rigolade, et moinsencore de fariboles. Je n’dis pas qu’un jour prochain, unjour très prochain même, nous n’aurons pas àtravailler ensemble ; cette nuit, c’est surtout uneopération de sûreté qu’il faut accomplir.

Fantômasfit une pose, il ajouta :

— J’aibesoin de vous, les poteaux… Il me faut un coup de main. Quime le donne ?

Tousrépondirent, tous acceptèrent…

Fantômasgarda son sourire triomphant.

Sapopularité dans la pègre n’était pasmorte, tant s’en fallait. Il ne paraissait nullement surpris dela façon dont on l’écoutait. Simplement, ilajoutait :

— Jesuis content de voir la bande ainsi reconstituée. Je commencepar vous dire que dans trois mois, jour pour jour, j’aurai dutravail pour chacun de vous… Autre chose, maintenant. Allonseffectuer notre besogne, suivez-moi !

Fantômaspivotait sur ses talons, s’éloignait…

Fantômas,d’un coup d’œil, s’assurait que ses acolytesne commettaient point d’imprudence.

Maisils étaient, au contraire, les uns et les autres, fortraisonnables, fort avisés.

Ilsmarchaient à quelques pas, n’ayant point l’aird’être ensemble, paraissant d’inoffensifspromeneurs.

Fantômasavait pris le bras du Bedeau.

Celui-ciétait ému quelque peu. Il lui semblait que Fantômasdevait méditer quelque chose de terrible, quelque entreprisegigantesque, pour avoir parlé ainsi qu’il venait de lefaire.

Etle Bedeau osait encore interroger Fantômas :

— Patron,demandait-il, où nous mènes-tu ?

Fantômasrépondit nettement :

— Àla morgue…

Or,à ces mots, le Bedeau sursautait :

— Àla morgue ?… faisait-il. Mais que diable veux-tu faire àla morgue ? Il n’y a pas de sous, là-bas ?…

— Nousn’y allons pas voler, fit Fantômas.

LeBedeau eut un gros rire.

— Pourtant,demandait-il, on n’y va pas esquinter un pante… Y aqu’des macchabées, à la morgue…

Fantômastoisa son complice.

— Imbécile,articula-t-il. Tu devrais savoir, Bedeau, qu’il y a des mortsqu’il est nécessaire de tuer…

Dansl’ombre, malgré sa férocité, le Bedeaufrissonna…

ChapitreXIV

L’enfer

Àce moment, Fantômas s’arrêtait brusquement, ayantl’air de vouloir rompre l’entretien avec son fidèlelieutenant le Bedeau. Fantômas, d’une voix maussade,appelait sur un ton de commandement :

— Ici,les copains !

Immédiatement,les apaches qui accompagnaient le Maître se rangeaient autourde lui, formant un grand cercle, et ils demeuraient silencieux,prêtant l’oreille, avides, semblait-il, de recueillir lesinstructions que sans doute leur chef prétendait leur donner.

Fantômasen effet, après avoir considéré leur groupehésitant, daignait les renseigner sur ce qu’il attendaitde lui.

LeMaître, toutefois, n’avait pas l’habitude deconfier en détail à ses complices ses plans et sesprojets. Fantômas considérait toujours ceux qu’ilemployait comme d’utiles instruments, des machines précieuses,et exigeait d’eux une obéissance passive, mais il n’enadmettait ni contrôle, ni surveillance, ni quoi que ce soit quipût leur donner l’ombre d’une apparente autorité.

C’étaitdonc en ces termes peu explicites que Fantômas leur enseignaitd’avoir à lui obéir.

— Vousallez, commençait-il, vous rendre les uns et les autres surles berges. Toi, Bedeau, tu resteras le long du petit escalier quicourt à flanc de muraille et descend à pic à laSeine. En bas de cet escalier, vous trouverez des gaffes. Elles sontmises là par la Société de sauvetage, et, mafoi, c’est bien d’un sauvetage qu’il s’agit…Les autres, vous vous embarquerez à bord d’un bachot quiest attaché à cet endroit également. Vous irezvous embusquer sous le premier pont et vous attendrez…