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Cettefois, cependant, il lui était indispensable de se renseigner.

Labande de Fantômas était en effet quelque peu disséminée.

MaPomme, parti avec Juve, était nul ne savait où.Œil-de-Bœuf et Bec-de-Gaz devaient se trouver encore enBelgique, occupés à rapatrier ou plus probablement àfourguer l’automobile de Fantômas.

Gueule-de-Boisétait resté à Bruxelles sans doute, Bouzillelui-même avait disparu depuis le passage de Fandor dans lepassage à niveau.

Fantômasne pouvait s’adresser à ses autres complices, carceux-ci, bien évidemment, et cela par sa faute, n’étaientpas au courant de ses dernières aventures.

Fantômas,dans ces conditions, prenait un ton aimable pour interrogerTrois-et-Deux.

— Jeviens chercher des renseignements, disait-il, et je paierai bien.

Trois-et-Deux,à un tel exorde, répondait par un aimable sourire.

— Bienpayer, déclarait-il sentencieusement, c’est le moyend’être bien servi. Que veux-tu savoir, Fantômas ?

LeMaître de l’effroi parut, avant de répondre,réfléchir quelque peu.

— Jevoudrais, hasardait-il enfin, connaître exactement ce que faitJuve depuis quelque temps ?

Unsourire passa sur les lèvres de Trois-et-Deux, qui, ayantintroduit Fantômas dans une petite pièce organiséeen bureau, s’était assis sans façon sur le coinde sa table.

— Fortbien, répondait-il. Depuis quand, Fantômas, veux-tu cesrenseignements ?

LeMaître de l’effroi, à ce moment, regardaitsoupçonneusement Trois-et-Deux.

L’infernalcontre-policier souriait, en effet, d’un sourire énigmatique,et cela n’était pas sans inquiéter le Géniedu crime qui, brusquement, demanda :

— Pourquoiris-tu, Trois-et-Deux ?

Lebonhomme ne fit aucune difficulté pour répondre.

— Parceque, répliquait-il, Fantômas, je pense que si je voulaism’amuser à te donner tous les renseignements qui peuventêtre pris sur Juve, il faudrait que je te fasse fouiller dansplus de cent mille documents…

— Fichtre…dit Fantômas. Tu pistes donc Juve ?…

Trois-et-Deuxeut un petit hochement de tête satisfait.

— Naturellement,déclarait-il. Je pique des fiches sur lui le plus souventpossible. Elles te serviront quelque jour, Fantômas, tuverras !

Trois-et-Deuxavait l’air de sous-entendre quelque chose qu’il nevoulait point préciser ; il reprit brusquement :

— Enfin,Fantômas, précise ta question. Que dois-je t’apprendresur Juve ?

Fantômas,à son tour, se fit net et précis.

— Voici,dit-il. Qu’a fait Juve depuis son retour à Paris ?

Trois-et-Deuxferma les yeux, et, tout d’une tirade, débita :

— Juvea été pris par moi-même en filature à sonarrivée à la gare du Nord. Ceci est d’ailleurs lefait d’une coïncidence ; c’est par hasard queje l’ai rencontré. Juve a ététranquillement, fort tranquillement, mon Dieu, enquêter chez unchemisier, j’ai pu savoir à quel sujet… Ilvoulait avoir des renseignements relativement à un certainDaniel dont il a retrouvé le cadavre fort habilement griméet qui…

MaisTrois-et-Deux n’achevait pas. Fantômas, en l’écoutant,avait brusquement blêmi.

— Tudis ? interrompait-il, que Juve a été enquêterà propos d’un certain Daniel ?… Sait-il doncque ce Daniel a été tué par moi ? Sait-ilson nom ?

Trois-et-Deuxhocha la tête, affirmativement.

— Laisse-moiachever, Fantômas. Juve n’est pas un imbécile, tudevrais le savoir ! Donc, il a enquêté àpropos de ce Daniel, et il a trouvé qu’il s’agissaitd’un certain clerc de notaire habitant Grenoble et travaillantà l’étude appartenant à Me ThéodoreGauvin. Juve a téléphoné à MGauvin,mais je n’ai pas pu entendre, naturellement, ce qu’ilsdisaient. J’ajoute qu’il ne me paraît pasimpossible que Me Gauvinvienne à Paris, ou que Juve aille à Grenoble…

Trois-et-Deuxse taisait. Fantômas, qui était toujours trèspâle et se mordait les lèvres, interrogea encore :

— C’esttout ?…

Trois-et-Deuxrépondit avec affabilité :

— C’esttout… et c’est vingt-cinq louis !

Leprix de la consultation était évidemmentextraordinaire, quelque peu exagéré même.Fantômas, toutefois, le payait sans sourciller.

Lebillet bleu qu’il avait sorti de sa poche fut rapidement cachépar Trois-et-Deux. Fantômas interrogeait encore :

— Autrechose, demandait-il. Qu’a-t-on fait du cadavre de ce Daniel ?

Trois-et-Deuxparut surpris de la question.

— Eh,ripostait-il, on en a fait ce qu’on fait toujours d’uncadavre en pareil cas, il est à la morgue…

Àces mots, Fantômas éclatait littéralement derire, haussant les épaules, semblant s’amuserinfiniment.

— Juvea mis ce cadavre à la morgue ! murmurait-il. Ah !l’imbécile, l’imbécile !

PuisFantômas, changeant de ton, redevenant sérieux.

— Merci,Trois-et-Deux, faisait-il. Je n’ai rien d’autre àte demander, au revoir…

— Aurevoir, fit le bonhomme, à ta disposition !

Fantômasdescendit rapidement l’escalier, demanda le cordon auconcierge, sortit, recommença à descendre la rued’Hauteville.

Unpeu avant d’arriver au boulevard, Fantômas héla untaxi-auto.

— PassageTivoli, commandait-il, à la gare Saint-Lazare !

Letaxi fila rapidement par les rues désertes à cetteheure. Fantômas arrivait bientôt à l’entréedu passage Tivoli, payait sa voiture, et gagnait l’un deshôtels louches qui se trouvent à cet endroit et quefréquente le plus ordinairement une pègre interlope auxoccupations douteuses.

Fantômasentra dans l’un de ces hôtels, et, sans mêmeavertir le garçon, qui d’ailleurs s’effaçaitdevant lui en donnant des signes de profond respect, montaitdirectement jusqu’à une chambre où il frapparudement.

Unevoix enrouée s’informa :

— Qu’est-cequ’il y a, bon Dieu !… on ne peut pas vous laisserpioncer tranquillement !

— Ouvre !insista Fantômas.

Lebandit, évidemment parlait d’une certaine façonoù encore le ton de sa voix était connu, carimmédiatement on entendait le bruit de deux pieds nusaccourant sur le sol.

Laporte s’ouvrit, un homme en chemise se montra :

— Ahçà, c’est vous, patron ? Bon Dieu, qu’est-cequ’il y a donc ?

— Rien,dit Fantômas. Absolument rien. Seulement, j’ai besoin detoi, Bedeau. Lève-toi, et viens !

LeBedeau ne faisait nulle objection, n’opposait pas davantage uneseule question au Maître de l’effroi.

LeBedeau savait fort bien que Fantômas n’était pashomme à tolérer qu’on se permît del’interroger. Il savait aussi que le Maître ne ledérangeait pas à l’improviste sans de gravesraisons, et que si Fantômas faisait appel à lui, c’étaitqu’il était nécessaire qu’il se mît àsa disposition, c’est qu’il était urgent qu’ilobéisse.

— Bon…bon… dit Le Bedeau, je m’habille et je calte… Ah,tout de même, Fantômas, tu choisis mal ton jour…Cette nuit, j’avais du monde !

— Qui ?demanda Fantômas.

— LaRouquine.

— Quela Rouquine vienne…

Dixminutes plus tard, le trio étrange quittait le bouge dupassage Tivoli.

Fantômasavait changé d’habits chez Le Bedeau. Il avait laisséchez ce lieutenant dévoué ses vêtements élégants.Maintenant il portait une veste d’ouvrier, un pantalon develours, et, sans faux-col, la chemise débraillée, ilapparaissait souple, élancé, mince, plus à sonaise encore.

Àcôté de Fantômas, la casquette enfoncée surles oreilles, un foulard autour du cou, les mains dans ses poches, LeBedeau marchait. Il ne semblait pas encore très bien réveillé,ou bien il titubait quelque peu…

Derrièreeux, enfin, à quelques pas, la Rouquine, en gonzesse qui saitgarder ses distances, marchait lentement, laissant les hommes jacteret ne se doutant aucunement que le compagnon de son amant étaitle terrible Fantômas.

LeBedeau pourtant, qui se réveillait en raison de la fraîcheurde la nuit, le Bedeau tranquillement déclarait :

— C’esttout de même pas pour nous offrir un lait Vichy que tu nous atirés du pieu, la môme et moi, Fantômas… Oùc’est donc qu’on radine ?

Fantômas,pour toute réponse, se retournait et d’un geste appelaitla Rouquine :