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– Et pourquoi, dis-moi, pourquoi as-tu fait ce qu’ils t’ont dit?

– Parce que j’aimais le prince… Mais, aujourd’hui, je le hais!

– Mais, dis-moi, tu aimais aussi mon fils?…

– Lawrence! si tu voulais m’écouter, je te prouverais bien que je n’aimais pas ton fils…

– Oui, tu me prouverais cela… Tu es assez forte pour me prouver cela… Mais je ne t’écouterai point! C’est vraiment dommage… N’est-ce pas, Diane, que c’est vraiment dommage que je ne t’écoute pas?… Je t’ai trop écoutée, Diane… beaucoup trop…

Diane se traîna, elle écarta avec terreur le bras qui tenait l’arme…

Mais lui ne la regardait même plus: il fixait le cadavre de son fils…

Elle reprit:

– Voyons, il n’est pas possible que tu me tues comme cela!… Que feras-tu de moi quand je serai morte?

Elle vit qu’il ne répondait pas, qu’il ne l’entendait peut-être pas…

Et, se souvenant, dans une minute de lucidité suprême, que sa coquetterie avait été toujours, jusqu’au moment où elle connut le prince Agra, victorieuse des hommes, elle se glissa vers Lawrence, se dressa contre lui, l’enserra de ses bras, le pénétra de la chaleur de son corps et eut la force surnaturelle de lui sourire.

Elle plongea dans ses yeux son regard… Elle mit dans ce regard sa toute-puissance de courtisane. Elle le chargea de la promesse de mille joies infernales…

Mais Lawrence ne la voyait pas. Il ne voyait, par-dessus son épaule, que le cadavre de son fils.

– Lawrence! Lawrence! cria-t-elle.

Elle l’appela très haut et très fort, comme s’il avait été très loin.

Alors il dit:

– C’est assez!

Et, tandis qu’il la prenait, d’un geste de barbare, aux cheveux, son autre main lui appliqua sur la tempe le canon du revolver. Elle se rua en arrière. Il la ramena férocement à lui.

– Meurs, chienne! cria-t-il.

Il tira.

Le corps de Diane eut un long frisson…

Elle ne ferait plus souffrir les hommes…

Les gestes de Lawrence étaient en quelque sorte automatiques… Il semblait accomplir des gestes fatals où sa volonté n’avait plus rien à faire.

Puis, il fut debout, porta le revolver à son front. Il tira.

Mais entre le moment précis où il appliquait son arme sur sa tempe et celui, qui le suivit presque immédiatement, où il tira, il put voir, dans le cadre de la porte de la chambre, la silhouette sombre d’un homme…

La silhouette, qu’il connaissait bien, de l’Homme de la nuit…

L’Homme de la nuit s’avança vers Lawrence. Mais le coup de feu avait retenti.

Et Lawrence était tombé à la renverse, sur le lit.

Sa tempe laissait échapper quelques rares gouttelettes de sang.

L’Homme de la nuit se précipita sur lui, lui passa un bras sous le cou, et lui souleva la tête.

Il regarda ces yeux qui le voyaient encore.

Et l’Homme de la nuit ne souriait plus! Son visage avait revêtu une expression de férocité formidable…

L’une de ses mains rapprocha de lui, plus près encore, plus près toujours, la tête de Lawrence… De l’autre main, il retira ses lunettes… Il dévoila ses yeux… ses yeux que nul n’avait vus depuis vingt ans!… Et son regard alla trouver le regard mourant de sa victime.

Vision terrible! Effroyable vision des êtres morts qui ressuscitent!…

Et l’Homme de la nuit cria à Lawrence, sur qui planait cette vision:

– Me reconnais-tu, Charley?… Me reconnais-tu?

Et Lawrence le reconnut, car, dans un dernier effort, il dit:

– … Jonathan Smith!…

Sa tête se fit plus lourde sur la main d’Arnoldson, et il mourut, les yeux grands ouverts sur l’Homme de la nuit!

XIX OÙ M. MARTINET, QUI EST UN BRAVE HOMME, INTERVIENT

L’Homme de la nuit se croisa les bras et resta en face de ce cadavre durant des minutes interminables.

Il dit encore:

– Il est mort et il a bien souffert avant de mourir!

L’Homme de la nuit avait complètement oublié qu’au-delà du lit il y avait, sur le parquet, deux autres corps: celui de Pold et celui de Diane.

Mais il négligeait ces victimes.

Et toute l’affreuse joie qui emplissait à cette heure son âme de damné lui venait uniquement de la mort de celui qui fut Charley et qui lui avait volé jadis sa petite Mary.

… Mary!…

… Il ne songea bientôt plus qu’à elle, car il savait qu’elle allait venir et il se délectait déjà du désespoir sans nom où celle qui l’avait trahi, celle qui avait levé sur lui une main criminelle, allait être plongée devant la mort de ces deux êtres chers.

Il songea aussi à autre chose…

Il pensa que rien désormais ne s’élèverait plus entre elle et lui et qu’elle était en son pouvoir, n’ayant plus pour la défendre ni son mari, ni son fils, ni personne…

Et, après s’être ainsi atrocement vengé d’elle, rien au monde ne pourrait empêcher qu’elle fût à lui…

Après la haine satisfaite… il allait satisfaire son abominable amour…

Et, comme l’idée lui vint qu’elle le repousserait avec horreur et qu’elle préférerait la mort à son amour, il eut à nouveau son diabolique sourire.

Non, elle ne le repousserait point… Non, elle ne mourrait point…

Est-ce que tout jusqu’à ce jour ne s’était point passé comme il l’avait prévu, comme il l’avait voulu?… Qui donc serait capable d’entraver ses desseins?… Qui serait jamais assez puissant pour les faire échouer?… Qui?…

Il était bien sûr de lui! Et il était bien sûr d’elle!…

Soudain derrière l’Homme de la nuit se firent entendre des pas dans le vestibule.

Arnoldson se rejeta contre la muraille et assura sur son profil d’oiseau de nuit les deux disques noirs de ses lunettes.

Une femme venait de se précipiter dans la chambre.

Elle ne vit point Arnoldson.

Elle ne vit qu’une chose…

… Le cadavre sur le lit…