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dit ensuite ces mots: «Ce joyau précieux,

qui fait le fondement de toutes les vertus.

comment t’est-il venu?» Je dis: «Du Saint-Esprit

la copieuse ondée, autrefois épanchée

au-dessus des nouveaux et des vieux parchemins [340],

est le seul syllogisme où je l’ai vu prouver,

mais si pertinemment, que, par rapport à lui,

les démonstrations me paraîtraient obtuses.»

Puis j’entendis: «Le texte ancien et le nouveau

qui t’ont fait arriver à ces conclusions,

pourquoi donc les tiens-tu pour parole divine?»

«La preuve, dis-je alors, qui m’a fait voir le vrai

est la suite des faits, pour lesquels la nature

n›a pas chauffé le fer ni frappé sur l’enclume.» [341]

Il me fut demandé: «Mais dis-moi, qui t’assure

que ces faits ont eu lieu? Car ce qui les confirme,

n’est-ce pas justement ce qu’il faudrait prouver?»

«Si tout le monde vint, dis-je, au christianisme

sans miracle, ce fait en est un en lui-même,

et tel que tout le reste est moins que le centième [342];

car toi-même, tu vins bien pauvre et affamé

au champ, quand tu voulus semer la bonne plante

qui, vigne en d’autres temps, est ronce maintenant.»

Après ces mots derniers, l’illustre et sainte cour

fit retentir la sphère en chantant: «Louons Dieu!»

avec les doux accords qu’on ne sait que là-haut.

Ce saint homme pourtant, qui m’avait entraîné

avec son examen, sautant de branche en branche,

au point de m’approcher des feuilles les plus hautes,

reprit presque aussitôt: «La grâce qui se plaît

à meubler ton esprit t’a fait ouvrir la bouche

de la seule façon qui convient, jusqu’ici,

et je suis bien d’accord avec ce qu’il en sort;

mais il faut maintenant dire ce que tu crois,

et d’où cette croyance arriva jusqu’à toi.»

«Ô mon saint père, esprit qui peux voir maintenant

ce que tu crus jadis si fort, que tu vainquis,

courant vers le tombeau, des pieds beaucoup plus jeunes,

commençai-je, tu veux que je te manifeste,

ici même, le fond de ma propre croyance,

et demandes aussi quelle en fut la raison.

Vois ce que je réponds: Je crois en un seul Dieu,

seul, éternel, qui met les cieux en mouvement,

par l’amour et l’espoir, sans être mû lui-même.

À la preuve physique et la métaphysique

de cette foi [343] j’ajoute aussi les arguments

puisés dans tout le vrai qui coule à flots d’ici,

par la voix de Moïse et celle des prophètes,

les Psaumes, l’Évangile et par vous, écrivains

que le feu de l’Esprit avait alimentés.

Je crois à la Personne éternelle et triplée;

je crois que son essence est une et triple, en sorte

qu’on peut dire qu’elle est et sont en même temps.

Le mystère divin de sa condition

que je commente ici, le texte évangélique

l’a mis dans mon esprit à plus d’une reprise.

Telle fut l’étincelle et tel fut le principe

qui s’est épanoui dans une vive flamme

et qui scintille en moi comme une étoile au ciel.»

Comme le maître écoute un rapport qui lui plaît

et, quand le serviteur s’est tu, vient l’embrasser,

montrant qu’il est content de la bonne nouvelle,

ainsi, me bénissant au milieu de son chant,

trois fois vint m’entourer la flamme apostolique

qui m’avait fait parler, sitôt que je me tus,

tant il eut de plaisir à m’avoir entendu.

CHANT XXV

Si le destin permet que ce poème saint

auquel ont mis la main et le ciel et la terre

et qui m’a fait maigrir pendant bien des années,

triomphe des haineux qui m’ont fermé la porte

de ce joli bercail où je dormais agneau,

mais ennemi des loups qui lui faisaient la guerre,

j’y rentrerai poète, avec une autre voix,

avec d’autres cheveux, recevoir la couronne,

au-dessus des fonts mêmes où je fus baptisé [344];

car c’est à cet endroit que j’entrai dans la foi

qui désigne les cœurs au ciel, et pour laquelle

Pierre ceignit mon corps comme je viens de dire.

Ensuite une clarté se mit en mouvement

vers nous, de ce bouquet d’où sortit l’éclaireur

qu’avait laissé le Christ, de ses futurs vicaires.

Et ma dame me dit, resplendissant de joie:

«Regarde bien, regarde! Il est là, le saint homme

qui vous fait visiter la lointaine Galice!» [345]

De même que parfois la colombe se pose

auprès de sa compagne, et l’une à l’autre montre,

tournant et roucoulant, son amour réciproque,

de même j’ai vu là se faire un bon accueil

ces princes glorieux l’un à l’autre, en louant

le céleste aliment qui les nourrit là-haut.

Ces démonstrations une fois terminées,

chacun d’eux, sans parler, s’arrêta coram me [346],

si fulgurants tous deux, qu’ils m’avaient ébloui.

Béatrice lui dit, souriant de bonheur:

«Ô magnifique esprit, qui décrivis jadis

la magnanimité de notre basilique [347],

fais que dans ces hauteurs on parle d’espérance:

tu peux le faire bien, toi qui la représentes,

lorsque Jésus aux trois montre sa préférence.» [348]

«Lève donc le regard et prends de I’as6urance,

car ce qui vient ici du monde des mortels

doit mûrir tout d’abord au feu de nos rayons!»

Cet encouragement me vint du second feu:

ce qui me fit lever mon regard vers ces cimes

dont le poids excessif me l’avait fait baisser.

«Puisque notre Empereur, par sa grâce, t’octroie

de pouvoir rencontrer, avant que tu ne meures,

dans son salon secret, chacun de ses ministres,

afin qu’ayant connu l’éclat de cette cour,

tu puisses ranimer, en toi-même et dans d’autres,

l’espérance qui fait, là-bas, aimer le bien,

dis-moi donc ce qu’elle est, et comment ton esprit

s’en arme; et dis aussi d’où tu l’as obtenue!»

Ainsi continuait la seconde clarté.

Mais la dame pieuse, elle, qui dirigea