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et d’Ausonie aussi cette pointe où fleurissent

Gaëte avec Catone et Bari, lorsqu’on passe

l’endroit où Tronte et Vert se jettent dans la mer.

Mais déjà sur mon front scintillait la couronne

de cet autre pays que baigne le Danube

après avoir quitté les rives allemandes.

Trinacria la belle en même temps (noircie

de Pachine à Pélore, au-dessus de ce golfe

qui soutient de l’Eurus les plus rudes assauts,

par le soufre qui sort, et non pas par Typhée) [75],

pourrait attendre encor les rois qui sont les siens

et descendraient par moi de Rodolphe et de Charles,

si le gouvernement de ces mauvais seigneurs,

pesant comme il le fait sur le peuple opprimé,

n’eût soulevé Palerme aux cris d’«À mort! À mort!»

Si mon frère pouvait prévoir à temps ces maux,

il saurait éviter l’avide pauvreté

des Catalans [76], et fuir le danger qui le guette;

car effectivement il faut qu’il prenne soin

lui-même ou quelqu’un d’autre, afin que son esquif,

déjà trop alourdi, ne prenne plus de charge.

D’ancêtres généreux il descendit avare;

et il aurait besoin de chercher des ministres

qui sachent faire mieux qu’empiler dans les coffres.»

«Croyant, comme je crois, que l’immense allégresse

que ton discours, seigneur, verse dans ma poitrine,

telle que je la vois, est visible à tes yeux,

à l’endroit où tout bien se termine et commence,

cela me réjouit d’autant; et plus encore,

sachant que tu la vois en regardant en Dieu.

Toi qui me rends heureux, rends mon esprit plus clair,

puisque par tes propos tu suscites ce doute:

comment la graine douce engendre l’amertume?» [77]

Ainsi lui dis-je; et lui: «Si je puis te montrer

certaine vérité, tu verras clairement

que tu tournes le dos à ce que tu dois voir.

Le Bien qui met en branle et rend heureux le règne

où tu montes, répand sa providence en sorte

qu’elle devient vertu dans chacun de ces astres;

et son intelligence étant parfaite en soi,

non seulement prévoit chaque nature à part,

mais de chacune aussi le salut éternel.

Ainsi donc, chaque trait qui jaillit de cet arc

s’en va prêt à toucher la fin prédestinée,

comme la flèche vole et touche droit au but.

Si cela n’était pas, le ciel où tu chemines

produirait ses effets dans un si grand désordre,

qu’au lieu d’être un concert, ce seraient des ruines;

ce qui ne peut pas être, à moins d’être imparfaits

les esprits dont le ciel reçoit le mouvement,

et le premier de tous, qui les fit imparfaits [78].

Sur cette vérité veux-tu plus de lumière?»

«Oh non! lui répondis-je; on ne saurait, je vois,

fatiguer la nature en ce qu’elle doit faire.»

«Maintenant dis, fit-il: sur la terre, la vie

pour l’homme, sans cité, serait-elle aussi bonne?»

Je répondis: «Non, non: la preuve est inutile.»

«Et la cité peut-elle exister, sans qu’on vive

de diverses façons et dans divers états?

Si votre philosophe a bien écrit [79], c’est non.»

Et progressant ainsi dans ses déductions,

il conclut à la fin: «II faut donc que la source

de vos effets futurs soit diverse elle-même:

c’est ainsi que l’un naît Solon, l’autre Xerxès,

l’autre Melchisédec, et l’autre enfin, celui

qui perdit son enfant en volant dans les airs [80].

Car les cercles des cieux, pour la cire mortelle,

sont pareils à des sceaux qui font bien leur office,

mais ne distinguent pas les objets de leur choix.

De là vient qu’il fut si peu ressemblant

à son frère Jacob; et Quirinus descend

d’un sang tellement vil, qu’on l’a fait fils de Mars [81].

La nature engendrée emboîterait le pas,

répétant simplement le pouvoir générant [82],

si par la Providence elle n’était guidée.

Or, tu vois devant toi ce qui restait derrière;

mais pour mieux te montrer mon plaisir de te voir,

je vais y ajouter encore un corollaire.

La nature qui trouve adverse la fortune,

de même que le grain qui vient parfois tomber

dans un mauvais terrain, ne donne rien de bon.

Si le monde, là-bas, s’appliquait davantage

à respecter les lois que dicte la nature,

toutes les braves gens auraient de bonnes places.

Pourtant, vous détournez vers la religion

tel qui semble être fait pour empoigner le glaive,

et laissez sur le trône un faiseur de sermons [83],

ce qui met vos sentiers bien loin des bons chemins.»

CHANT IX

Lorsque ton Charles m’eut, belle Clémence [84], instruit

sur chacun de ces points, il me dit les déboires

que sa progéniture allait souffrir plus tard,

mais ajouta: «Tais-toi; laisse passer le temps!»

Partant, je n’en dis rien, sinon qu’il vous viendra

une juste douleur derrière vos disgrâces [85].

Déjà l’esprit vital de la sainte lumière

se retournait pour voir le soleil qui le comble,

comme l’unique lieu pour qui chacun est tout.

Cœurs qui vous fourvoyez, créatures impies

qui détournez les cœurs de ce bien souverain

pour diriger vos vœux vers quelque vanité!

Voici qu’un autre éclat qui m’apparut soudain

se rapprochait de moi, montrant par la splendeur

qui rayonnait sur lui, son désir de me plaire.

Les yeux de Béatrice étaient posés sur moi

et, comme tout à l’heure, assuraient mon désir

que j’avais obtenu son cher assentiment.

«Ô bienheureux esprit, contente donc plus vite,

lui dis-je, mon désir, et fournis-moi la preuve

que tu peux réfléchir le fond de ma pensée!» [86]

Alors cette clarté, nouvelle encor pour moi,

du profond d’elle-même, ayant fini son chant,

heureuse de pouvoir bien agir, répondit: