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— Benoît Devarrieux, fondateur de devarrieuxvillaret (19,21 millions d’euros de marge brute, l’agence du Crédit Lyonnais «Votre banque vous doit des comptes», Volvic «L’eau de Volvic est une chance»)

— Bernard Bureau, vice-président d’Ogilvy amp; Mather (72 millions d’euros de marge brute, l’agence de Perrier «L’eau, l’air, la vie», Ford Ka «On ne pense Ka ça»)

— Gérard Jean, cofondateur de Jean amp; Montmarin (l’agence de Yop «Les années Yop», Teisseire «Vous n’auriez pas dû les priver de Teisseire», Herta «Ne passons pas à côté des choses simples»)

— Jean-Pierre Barbou, un des nombreux DC de BDDP@TBWA (127 millions d’euros de marge brute, l’agence de McDonald’s «McDo pour les intimes», SNCF «A nous de vous faire préférer le train», 1664 «Quatre chiffres plus forts que tous les mots»)

— Christian Vince, vice-PDG du groupe DDB France (128,6 millions d’euros de marge brute, l’agence de Volkswagen «C’est pourtant facile de ne pas se tromper», FNAC «Agitateur depuis 1954», Badoit «Peut-on envisager un repas sans Badoit?»)

— Bertrand Suchet, fondateur et président de Louis XIV (l’agence d’Audi «Les apparences sont faites pour être dépassées», Regina Rubens, «Respirez, vous êtes une femme», Givenchy, «un peu plus loin que l’infini»)

Il y a aussi Zzz, ainsi surnommé parce qu’il se fait offrir des voyages à l’île Moustique par toutes les maisons de production (partout où il entre, il est accueilli par un bourdonnement, tous ses collègues qui se mettent à faire «zzzzzz», c’est marrant mais curieusement, lui, ça ne le fait pas rire du tout).

Il y a aussi tous ces bonshommes un peu bedonnants qui ont eu deux-trois idées marrantes il y a vingt ans et vivotent là-dessus depuis. L’un d’entre eux a ainsi bâti toute sa fortune en vendant le même slogan à des clients différents: «La chaussette, c’est Kindy», «Le fromage, c’est Kiri», «Le cacao, c’est Banania», «La montre, c’est Kelton», «La chaussure, c’est Bâta»… Vous faites tous de gros efforts pour avoir l’air de vous amuser. S’amuser, c’est la même chose que se suicider, sauf qu’on peut le faire tous les jours. Dès qu’on prononce devant Charlie et toi le nom de Marronnier, vous tirez la tronche de circonstance: «ah là là là là là là là là, m’en parle pas, il nous manque çui-là, tu sais qu’on reçoit toujours du courrier pour lui, des catalogues ImageBank à son nom, putain ils pourraient actualiser leurs fichiers, merde, la profession est en deuil, de toute façon Cannes c’est fini… On se retrouve au bar du Martinez ce soir, après la short-list?»

La short-list, c’est le choix du jury des 100 meilleurs films publicitaires du monde (sur 5 000 candidats). Et vous y figurez, avec votre «Maigrelette, It’s so good when it cornes in your mouth». Le jury, composé de confrères japonais, anglais, allemands, américains, brésiliens et français a trouvé la scène si osée qu’il l’a retenue, malgré quelques sifflets dans le grand auditorium. Vous avez inscrit la version Dogma in extremis, après l’avoir diffusée une seule fois à trois heures du matin sur Canal Jimmy. Ainsi, juridiquement, elle est considéré comme une vraie campagne alors que le client n’en a jamais voulu et que le public ne l’a jamais vue (en revanche, la version «cautère sur moignon» est diffusée en rotation maximale sur TF1 tous les soirs avec sa nouvelle signature: «MAIGRELETTE. ON A TOUS BESOIN D’UNE» de dire qu’elle n’a pas passé le premier tour ici). Tamara devrait vous rejoindre demain, ce serait tout de même fabuleux que vous gagniez un prix un mois à peine après votre nomination à la tête de Rosserys & Witchcraft France. Vous monteriez sur la scène, vous seriez cités à la télé et dans la presse: «La France, toujours à la traîne des autres pays occidentaux au niveau de la création publicitaire, a tout de même décroché quelques récompenses, dont un Lion d’Or pour Maigrelette de Madone, le pastiche de film pornographique de l’agence Rosserys & Witchcraft, qui vient de se doter d’une nouvelle direction de création bicéphale». Dans Stratégies, vous auriez votre photo avec cette légende: «Octave Parango et Charlie Nagoud nous déclarent: Ce qu’il faut, c’est fédérer les enthousiasmes au rendez-vous des carrefours de demain».

Propos glanés sur le ponton de ski nautique du Majestic, entre personnes se tapant dans les mains pour se dire bonjour:

— Dior m’ennuie.

— Tu as vu le 30 secondes avec le lapin qui saute à l’élastique?

— Et celui pour la Mégane avec les freins qui déforment les cheveux?

— Carton. To-tal mé-tal.

— Le nouveau Air France de Gondry est parfait.

— Je suis moins sûr des nouveaux Diesel, c’est rameux.

— La campagne Tag Heuer est un drame.

— Par contre les derniers Pepsi m’ont troué le cul.

— Qu’est-ce que tu penses du Kiss FM avec le gros black qui chante dans sa Coccinelle?

— Telmor. Over the top.

— Les Norvégiens vont encore tout rafler.

— Il va y avoir une standing ovation pour le pédé dragué par une fille.

— C’est une vraie idée.

— T’as vu les deux mecs dans le sauna? ça sent l’or à vingt mètres.

— J’adore ton Maigrelette mais c’est con qu’il n’y ait pas d’animaux dedans. Les chiens, les chats, c’est ultra-cannois.

— Nos pères ont failli être associés, tu le savais?

— Ah bon? Embrassons-nous. Tu t’appelles comment?

— Nathalie Faucheton.

— Oui, vous savez, moi, je suis celui qui aime bien être insolent…

Sourire tout plissé.

— Je vais te dire un truc: si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi.

— Ah Ah Ah! J’ai cru que t’étais sérieux!

— Moi maintenant c’est ter-mi-né: en hiver, je suis dans l’hémisphère Sud.

— T’as vu notre petit Maigrelette?

– Überfashion.

— J’adore l’idée mais pas l’exé.

— Non mais sérieusement, t’aimes ou t’aimes pas?

— Entre «j’aime» et «j’aime pas», c’est plutôt «j’aime pas».

— Arrête, je suis immuno-déprimé.

— Non, je déconne. Franchement, c’est excellent mais vous auriez dû garder la baseline française, «it cornes in your mouth», ça fait trop jeu de mots.

— Quoique. Les Ricains sont tellement puritains qu’ils vont tous voter pour. Dès qu’il y a du cul, ils trouvent ça vachement osé parce qu’ils sont infoutus de le fourguer chez eux.

Pouce en l’air.

— L’autre jour, j’étais en réunion et un client me sort: «c’est bien mais il faudrait rajouter de l’aujourd’huité», tu sais ce que je lui ai répondu? «Et de la demainnitude aussi?»

Rire vaginal.

— Moi j’ai un chef de groupe qui me parle tout le temps de la «gustativité»! Il ne connaît pas le mot «goût»!

— On n’apprend pas le goût dans les écoles de commerce.

— De toute façon, il vaut toujours mieux dire «je t’adore» que «je peux pas te blairer».

— Le mieux du mieux, c’est celui avec le mec qui chante «get up… ah» en attendant la bagnole qui passe tous les jours.

— Je l’ai pas vu, tu me fais déposer la cassette?

— C’est à fond sur le produit et en même temps complètement pur sur l’idée.

— C’est trop éthéré.

— Oui mais c’est très hétéro.

— J’en reviens pas que les Nike soient short-listés alors que le testimonial de la femme de Hulk est sorti.

— C’est sûrement les Japonais qui n’ont rien pigé.

— Le Maigrelette porno, fallait quand même oser.

— C’est tellement con que ça fonctionne à donf.

– Ça va être une boucherie.

— T’es au courant de la dernière de Tony Kaye? Il a exigé la construction d’un tunnel avec 600 daurades clouées sur les murs et ne s’en est jamais servi.

— Je lance un nouveau média, il faut absolument que je t’en parle, ça s’appelle le «magalogue»: c’est entre le magazine et le catalogue.

— Pourquoi tu ne l’appelles pas le catazine?

Yeux au ciel.

— Comment va Sophie?

— Elle attend un enfant.

– Ça alors! C’est drôle, moi, j’attends un canapé.

— e-salut.

Voici Mathieu Cocteau, un ancien rédac de chez BDDP qui s’est lancé dans la conception de sites Internet.