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Enjoignons auxdits officiers de les prendre morts s’ils ne peuvent les prendre vifs, afin que leurs cadavres soient pendus après une bonne estrapade et exposés en exemple au grand gibet de la place de Grève, aux yeux de tous loyaux et fidèles sujets de Sa Majesté.

Et nous, Jules-Henri Percegrain, déclarons avoir ainsi parlé à haute voix auxdits rebelles, et déclarons leur avoir, par dernière indulgence, accordé une heure de réflexion.

En foi de quoi nous avons signé et remis les présentes réquisitions à gentilhomme Guillaume Mercier, baron du Teil, lieutenant à la compagnie des arquebusiers du roi.»

L’homme noir remit son papier à l’officier et se retira près du cavalier au manteau, qui demeura immobile.

L’heure de grâce accordée aux rebelles s’écoula promptement.

La rue s’était remplie de monde; les curieux se haussaient sur la pointe des pieds pour voir si on prendrait les rebelles tout vifs ou si on les prendrait morts. Et il faut dire que la plupart souhaitaient qu’on les prît morts; en effet, il y avait à cela double spectacle, double plaisir: d’abord, cela supposait une bataille; et ensuite, les cadavres devaient être exposés au gibet.

L’heure étant passée, l’officier s’approcha de la porte et frappa rudement en criant:

– Au nom du roi!

Le bruit du marteau résonna sourdement dans la maison, et une fenêtre du premier étage s’ouvrit. Le vieux Pardaillan apparut. Une clameur s’éleva dans la rue.

– Les voilà! Les voilà! Ils se rendent!…

Pardaillan salua gravement, se pencha et demanda:

– Monsieur, prétendez-vous donc nous attaquer?

– À l’instant même, dit l’officier, si vous ne vous rendez.

– Faites bien attention que vous violez vous-même la caution accordée.

– Je le sais, monsieur. Et vous devez vous rendre à discrétion.

– Nous rendre, c’est autre chose. Je voulais simplement vous faire dire que vous faussez la parole donnée. Maintenant, attaquez si bon vous semble.

Là-dessus, le vieux Pardaillan referma tranquillement sa fenêtre, tandis que l’officier criait encore une fois:

– Au nom du roi!

Comme aucune réponse ne lui parvenait, l’officier fit un signe et le madrier disposé en façon de catapulte commença à fonctionner. Au cinquième coup, la porte tomba.

– Attention! fit l’officier s’attendant à une sortie.

Les arquebusiers dirigèrent leurs canons sur la porte et se tinrent prêts.

Mais personne ne s’étant montré, il fallut se résoudre à entrer dans la maison. Là, on constata que l’escalier était hérissé de barricades diverses.

– C’est en haut qu’il faudra faire le siège, gronda l’officier énervé de cette besogne.

Il fallut deux heures pour déblayer l’escalier.

Lorsque le passage fut enfin libre, toute la troupe monta avec précaution, suivie par le cavalier, qui avait mis pied à terre, mais qui continuait à se cacher le visage dans son manteau.

À la satisfaction de l’officier, on trouva toutes les portes ouvertes en haut.

– Attention, dit la voix du cavalier au manteau, c’est un piège.

On pénétra dans les pièces qu’on visita l’une après l’autre, avec toutes les précautions nécessaires.

Le premier étage ayant été ainsi fouillé, il devint évident que les assiégés s’étaient retirés dans le grenier.

Mais lorsqu’après bien des hésitations et des sommations réitérées on se décida enfin à pénétrer dans ce grenier, on n’y trouva que du foin.

Le cavalier au manteau poussa alors un cri de rage, et apercevant la porte de communication par laquelle on entrait dans la maison voisine, renfonça d’un violent coup de pied.

– Ils ont fui par là! rugit-il. Oh! les démons!… Ils m’échappent!

Alors ce cavalier laissa retomber son manteau et les soldats étonnés reconnurent l’illustre maréchal de Damville.

– Qu’ordonnez-vous, monseigneur? demanda l’officier.

– Fouillez cette maison! grinça Damville.

La maison fut fouillée; on n’y trouva personne.

Le maréchal de Damville sortit par la ruelle aux Fossoyeurs. Il était pâle de fureur. Il monta aussitôt à cheval et s’élança dans la direction du Louvre.

Arrivé là, il demanda aussitôt à être introduit auprès du roi.

Pendant ce temps, les fugitifs arrivaient à l’hôtel de Montmorency, et, les deux femmes installées, tinrent conseil de guerre.

– Ici, dit le maréchal aux Pardaillan, vous êtes en sûreté. Nul ne se doute, je pense, que vous avez trouvé un refuge dans cet hôtel.

Le chevalier hocha la tête.

– Monseigneur, dit-il, si vous m’en croyez, vous devez fuir. Si vous étiez seul, je ne vous donnerais pas ce conseil…

– Vous avez raison, chevalier, dit le maréchal. Aussi bien, mon intention n’est-elle pas d’exposer ma fille et sa mère. Dès ce soir, je partirai avec elles pour le château de Montmorency. Je compte sur vous pour nous escorter jusque-là. Une fois à Montmorency, nul, pas même le roi, n’osera nous y chercher. Il faudrait une armée pour prendre le manoir.

Il fut donc convenu que le soir, à la nuit tombante, on quitterait Paris.

Dans cette journée, Pardaillan père eut avec le maréchal une mémorable conversation. Le chevalier s’était retiré dans la chambre qu’il occupait à l’hôtel. Loïse venait de se retirer auprès de sa mère. Le vieux Pardaillan demeura seul avec le maréchal, et voyant sortir Loïse, entama héroïquement la question qui lui tenait au cœur.

– Charmante enfant, dit-il, et que vous devez être bien heureux d’avoir retrouvée, monseigneur.

– Oui, monsieur. Heureux au-delà de toute expression.

– Puisse-t-elle, s’écria le vieux renard, trouver un mari digne d’elle. Mais je doute qu’il existe un homme digne de posséder une beauté aussi accomplie…

– Cet homme existe pourtant, dit simplement le maréchal.

Le vieux routier tressaillit… «Ouais! songea-t-il, est-ce que le chevalier aurait raison?

– Je connais, reprit le maréchal, un homme étrange qui apparaît comme un type achevé de bravoure et de finesse. Ce qu’on m’a raconté de lui, ce que j’en ai su par moi-même fait que je me le représente comme un de ces anciens paladins du temps du bon empereur Charlemagne.

C’est à cet homme, mon cher monsieur de Pardaillan, que je destine ma fille. Nul ne sera plus digne de posséder un pareil trésor…