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Lettre 50. Réponse.

[Comme nos père et mère furent contents du courage et de la magnanimité. d’Edmond; et ma femme elle-même paraît l’approuver dans sa vengeance.].

4 mars.

Ma très chère sœur, à celle fin de vous faire une réponse plus ample, j’ai attendu que nous évussions quelque autre nouvelle: ne doutant pas que le cher Edmond délivré, ne nous écrivît lui-même sa délivrance. Et c’est ce qu’il vient de faire, par une lettre à mon mari, lequel l’a reçue en tremblant, mais qui l’a ensuite solennellement lue, par ordre de notre père, devant toute la famille assemblée. Et ce qui nous a fait à tous la plus grande joie, ça été qu’Edmond n’ait pas tué; mais qu’après le combat, il soit humainement venu offrir et donner secours au blessé. À cet endroit, notre respectable père s’est levé et mon mari s’est arrêté de sa lecture, croyant qu’il allait parler, mais le digne homme murmurait bas, comme priant Dieu et ensuite il a dit à mon mari: «Continuez, mon fils.» Et quand ensuite notre bon père a entendu le reste de ce combat: comme notre frère a porté le blessé, comme il lui a dit qu’il ne lui en voulait plus, et que le sang qu’il venait de perdre était le seul qu’il eût de mauvais, comme il a demandé au marquis s’il croyait qu’il eût dû se battre? Et comme le marquis lui a répondu qu’il le croyait, et qu’il lui pardonnait sa mort, qu’il avait méritée plus ignominieuse; comme il a voulu qu’Edmond l’embrassât; comme il lui a offert sa bourse; et comme Edmond l’a refusée; le bon vieillard, en entendant tout ça, s’est encore levé suffoqué, et nous a dit: «Mes enfants: voilà de grandes et belles choses! Et Dieu a tiré le bien du mal, dont je bénis son très saint nom! car voilà de grandes et belles choses! Et plût à Dieu que ce marquis, qui n’a le cœur aucunement gâté, réparât son offense envers ma fille, comme il vient de le faire dignement, en la personne de mon fils! Et Dieu, pour ce, daigne conserver ses jours! Mais mon Edmond s’est comporté d’une façon grande et digne; et je voudrais que mon vénérable père fût en ce monde pour en être témoin. Et quoiqu’il le voie du séjour des justes, où il est: par ainsi, qu’Edmond soit pardonné de lui et de moi, pour les chagrins que son cœur vif nous a causés! Car les cœurs vifs causent des angoisses et des chagrins; mais ils les guérissent avec un baume de joie; au lieu que les cœurs dormants comme les eaux croupissantes, ne causent que langueur mourante et, nauséique, sans jamais plaisir aucun. Continuez, mon cher Pierre: car vous êtes cœur vif aussi, mon fils; mais du depuis que vous êtes, je n’ai trouvé en vous et par vous que liesse et plaisir, sans jamais ombre de peine, si ce n’est en votre maladie, quand nous faillîmes de perdre en vous notre bras droit, et le repos de notre vieillesse.» Et mon mari a continué. Et il a lu de Mme Parangon, que notre père a bénie, en entendant, comment cette bonne et chère dame avait parlé. Et il semblait qu’il la voyait, quand elle a été le soir dans l’assemblée des dames, et qu’elle a si bien parlé, nommant Mlle Fanchette: «je lui destinais ma sœur.» «Oh! plût à Dieu, que nous fussions à ce beau jour, a dit notre bonne mère, et que je visse au rang de mes filles, la chère et aimable demoiselle Fanchette! Mon fils m’en paraîtrait encore plus aimable; et je compterais, en par-dessus, tout ce qu’il m’a déjà donné à Au**.» Et la réponse des dames a bien fait plaisir à notre bon père. Et quand il a entendu que toutes les dames voulaient qu’il fît leur portrait; il a dit: «Bien, bien! voilà que Dieu me rend au-delà de mes espérances!» Et puis les réflexions d’Edmond ensuite, lui ont encore fait plaisir; car il l’a loué; et tout ce que dit là Edmond, lui a plus donné de contentement, que jamais nous ne lui en avons vu prendre. Cette joie-là, chère sœur, vous regardait tous deux. Mais il a été un peu mécontent d’un mot qui termine: Ah! Pierre! je ne te dis pas tout! parce qu’il a eu peur qu’il n’y ait encore quelque chose. Mais moi, qui en sais la signifiance, je l’ai rassuré de mon mieux en disant quel ce n’était rien qui dût inquiéter, au sujet de querelles ou de dangers de sa vie, que j’en étais certaine; et que ça n’avait de rapport qu’à son mariage. Après ça, nous avons parlé mon mari et moi des nouvelles que nous avions eues auparavant que de savoir le bout des choses, et que vous aviez recommandé de ne pas dire, qu’on n’eût réussi nous assurant qu’on y allait tout employer: ce qui a bien fait plaisir à nos chers père et mère, que vous ayez eu cette attention-là: car ils ont dit, en se regardant l’un l’autre: «Nous avons de bons enfants; que Dieu les bénisse tous ainsi qu’ils nous aiment et respectent!» Quant à ce qui est de ce qui vous regarde, très chère sœur il faut que je vous recommande de vous comporter là où vous êtes, à votre plus grand avantage, qui sera toujours ce qui fera le plus de plaisir ici. Si j’en étais crue, moi qui étais pour le conseiller, avant ce qui est arrivé, je serais à présent pour le Marquis. Et je le tranche net, chère sœur, une fille doit épouser l’homme qui l’a approchée, ou personne. Songez bien à cela. Ce n’est ni la gloire, ni l’honneur de l’alliance qui me tiennent; c’est la raison et le bon sens. Ne croyez pas que vous seriez aussi bien avec M. le conseiller, que sans ça; les hommes ont des mémorarés terribles, dans ces occasions-là, et on voit souvent grise mine quand leur premier feu est passé! Et puis il y a je ne sais quoi qui répugne à l’imagination d’une femme, d’avoir un enfant d’autre part, tandis qu’elle est mère d’une autre famille; ça lui partage le cœur et ça lui blesse à tout moment le souvenir. C’est mon idée; et je crois celle de mon mari, que j’ai mis sur ce chapitre-là, à mots couverts. Quant à ce qui est d’Edmond, je vois que c’est un homme du monde, et fait pour le monde. Et j’ai assez bien goûté ce que m’a dit M. Gaudet, en me parlant à son sujet: «Je forme Edmond pour être dans les villes, ce qu’il faut qu’on y soit: ma conduite avec Bertrand ou Georget serait différente; et celle avec vos frères d’ici, ne ressemblerait pas encore à cette dernière. Mais il y a deux hommes qui m’étonnent: votre mari et votre beau-père. Le premier est d’un sens et d’une noblesse que je n’ai trouvé nulle part; le second est un véritable patriarche, plein d’honneur et de confiance dans tout le monde qu’il juge d’après sa belle âme. Je ne parle pas de vous, ni de votre belle-mère: des femmes de votre sorte ne se trouvent qu’ici. Quant à Ursule, elle a besoin de mes leçons, unies à celles de Mme Parangon.».

Par ce que je vous marque là, chère sœur, vous voyez qu’Edmond n’est mal dans l’esprit de personne ici, à moins que ce ne soit un peu dans celui de son meilleur ami, après son père: car mon mari, dans tout ça, hors quand son père parle, est tout pensif, et on voit qu’il n’a pas la tranquillité d’esprit au sujet d’Edmond, ni peut-être de vous. Et il est fâché de ce qu’Edmond voit les comédies et divertissements mondains: c’est vous dire qu’il les craint encore plus pour vous.

Je suis avec une tendre amitié de sœur, etc.