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Lettre 46. Ursule, à Edmond.

[Elle flatte le penchant d’Edmond, et lui ouvre son cœur, déjà gâté, au sujet de l’adultère.].

Ier février.

En vérité, mon ami, tu es parvenu à me donner les plus cruelles inquiétudes, par la manière dont ta lettre est tournée! Mais avant de faire aucune démarche imprudente, songe, auparavant à tout le chagrin que tu donnerais aux personnes qui te sont les plus chères! Mme Parangon, déjà languissante, ne pourrait supporter un nouveau malheur; et si tu l’aimes, comme je n’en saurais douter, tu lui épargneras un surcroît de peines. Je la regarde avec plus d’attention, depuis que j’ai reçu ta lettre; et je vois qu’en effet, quand on l’aime, il est impossible de cesser de l’aimer. Ne parlons donc plus de Mlle Fanchette, mais de sa sœur. Conserve-toi pour elle. Que sait-on ce qui peut arriver? Son mari n’est pas immortel… J’oserais même dire quelque chose de plus, si cela pouvait aller dans la bouche d’une fille… Mais pourquoi non?… Je ne l’aurais pas dit il y a six mois; mais aujourd’hui, je puis parler, ce me semble, aussi librement qu’une femme. Je crois qu’il est certains maris, à qui leurs épouses ne doivent rien, ou très peu de chose. Je rassemble dans mon esprit tout ce qu’il faudrait être pour mériter certain traitement; ensuite, je trouve que M. Parangon est tout cela au plus haut degré… J’ai résolu de te servir auprès de mon amie. Cela te convient-il? Parle? Je ferai tout ce qui pourra t’obliger. M. Gaudet me paraît dans le même dessein; il m’en a touché quelque chose, mais comme en craignant de s’ouvrir à une bégueule, telle qu’il me croit encore. Envisage donc l’avenir qui t’attend, comme l’amitié te le prépare, cher ami, et calme-toi, par reconnaissance pour tant de personnes qui vont travailler à ton bonheur. Je te préviens qu’on veut chez nous que je reste maîtresse absolue de mon revenu: c’est dire que tu en seras le maître. Adieu. Je voudrais déjà que cette lettre fût entre tes mains; et tu sens de quelle conséquence il est qu’elle me revienne!

P.-S. – Nous sommes toujours à Au**. Nous n’avons vu qu’une fois M. Parangon; son état nous dispense de lui rendre visite, et l’empêche de venir chez nous. Tout le monde dit que c’est bien fait.