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Lettre 45. Réponse.

[Il enveloppe l’annonce de son duel, en répondant sur ce qu’Ursule lui a marqué.].

29 janvier.

Tout ce que tu m’écris, ma chère Ursule, est raisonnable: mais je suis dans une passe qui ne me permet pas d’y songer. Ainsi, abandonne ces chimères, pour ne t’occuper que de toi. J’ai mes desseins, dont rien ne peut me détourner: ma trame est ourdie; il faut que je suive ma destinée. Je ne saurais cependant m’empêcher de te marquer la satisfaction que m’a donnée un mot de ta lettre, au sujet du marquis. S’il t’épouse, c’est mon meilleur ami; j’oublie tout. Le mariage est le baptême du viol; il doit l’effacer. En effet, ce crime change alors de nature; au lieu d’être un coupable attentat, digne de tous les châtiments, ou de toutes les fureurs de la vengeance, parce qu’il a humilié une famille dans ce qu’elle a de plus délicat, l’honneur d’une fille, il ne devient plus que l’effet d’une passion insurmontable, obligeante, flatteuse: loin de blesser l’honneur de la fille, il élève au contraire un trophée à ses charmes. Le seul qui soit digne des tiens, ma sœur, c’est le mariage, avec le titre que le marquis seul peut te procurer: ta beauté est assez séduisante pour cela, et quoique ton frère, cent fois j’ai senti que tu ne pouvais causer des passions médiocres. Tu sauras dans peu ce qu’on a droit d’attendre du marquis; et alors, quoi qu’il en soit, je te recommande de partir, et de venir te présenter ici à la famille. Si tu as un fils, et que la chose ait tourné d’une certaine façon, elle pourra l’adopter. Si c’est le contraire, elle fera sans doute le mariage: mille raisons que je tais pourront l’y engager; et je prends dès aujourd’hui des précautions pour cela. J’ai des idées que j’ai mises par écrit, et qui seront rendues à Gaudet, pour qu’il agisse, lorsqu’il en sera temps. Ce papier est tout prêt, et cacheté, entre les mains de Laure qui ne doit le remettre que dans une circonstance que j’aurai soin de lui faire connaître. Adore pour moi ma véritable, ma seule épouse, mais en silence. Quant à la charmante Fanchette, que n’ai-je un second moi-même digne d’elle à lui donner! Que n’ai-je deux corps avec une seule âme, qui les animât en même temps! elle en aurait un. Adieu, chère sœur. Tu sauras dans peu combien je t’aime, à n’en pouvoir douter. Prie nos chers parents de m’aimer, et de se souvenir de leur fils.

EDMOND.