Il s'enferma à double tour et pleura.
Mais, en vérité, malgré l'amitié qu'il lui portait et l'admiration qu'il lui vouait, Yuko ne pleurait pas la mort du maître.
Il pleurait son amour perdu dans la neige.
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II rêva de nombreuses nuits à la femme des glaces.
A Neige.
Une nuit, la fille de la fontaine le rejoignit et voulut s'offrir à lui, mais le jeune homme la repoussa dans un soupir de lassitude. Elle s'enfuit en sanglotant et il ne la revit plus.
Les saisons s'égrenèrent dans le sablier du temps.
Aux premiers jours de l'hiver la neige tomba. Et avec elle la première encre du premier poème sur le parchemin de soie.
En déroulant les premiers mots sur le papier, son cœur s'allégea. Mais tout cela n'était qu'un leurre. Seule la poésie rendait plus léger le poids de son chagrin. Lorsqu'il posa sa plume, son cœur redevint froid comme de la glace.
Ce fut un hiver long, d'une blancheur éclatante.
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Aux premiers jours du printemps, pourtant, l'écriture de Yuko changea. Peu à peu, ses poèmes prirent une autre teinte.
Il se surprit lui-même à y déceler d'autres couleurs que celle de la neige.
L'enseignement de maître Soseki avait fini par porter ses fruits. Ses fruits d'or, d'argent et de rêve.
Désormais Yuko était devenu un poète accompli. Ses haïku n'étaient plus aussi désespérément blancs. Ils comportaient chacun toute la gamme des couleurs de l'arc-en-ciel. Son écriture était limpide, précieuse. Et colorée.
Mais le territoire de son cœur restait étrangement empreint de blancheur.
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Un matin d'avril, un an après la mort de Soseki, un jeune femme se présenta chez le père de Yuko. L prêtre la reconnut. C'était la jeune protégée du poèt officiel de la cour de l'empereur. La jeune fille pou laquelle son fils avait conçu une terrible haine et ui immense amour. Cette fois, elle était seule.
Le prêtre la reçut avec les honneurs et lui offrit un bo de thé fumant qu'elle but lentement en regardant 1 rivière argentée. Puis il la conduisit à l'atelier de son fils
Lorsqu'il la vit, Yuko la trouva si belle qu'il en trembla. Le naïku qu'il calligraphiait avec soin sur un par chemin de soie en ressentit un vertige. La plume d Yuko glissa sur le papier et forma un signe étrange. Un ligne droite entrecoupée d'une virgule. Comme le des sin d'une funambule sur un fil de beauté.
Yuko se tourna vers la jeune femme et lui sourit. San prononcer un mot elle s'approcha de lui et glissa sa mail sur son épaule. Puis elle se pencha sur l'œuvre du jeun maître et dit:
– C'est sans doute le plus beau portrait qui ait jamais été fait de ma mère.
Elle se nommait Flocon du printemps.
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Le jeune homme contempla le dessin devant lui, la regarda, elle, et comprit qu'il s'agissait du même rêve achevé dans le peu de réalité qui restait en suspens autour de lui.
Je vous ai attendu longtemps, dit-il.
Elle posa sa tête sur son épaule et elle ferma les yeux.
– Je savais que tu attendrais encore.
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Cette nuit-là ils firent l'amour pour la première fois. Lui le jeune poète et elle la fille du maître et de la femme des glaces.
Lorsqu'il la prit, elle cria si fort qu'il en trembla d'émotion.
Il baisa ses yeux, son sein, son ventre.
Au matin, ils se laissèrent gagner par le sommeil.
Dehors, il neigeait.
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II y a deux sortes de gens.
Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent.
Et il y a ceux qui ne font jamais rien d'autre que se tenir en équilibre sur l'arête de la vie.
Il y a les acteurs.
Et il y a les funambules.
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Yuko ne se rendit jamais à la cour de l'empereur.
Flocon du printemps ne devint jamais funambule.
En aucun cas il ne faut que l'histoire se répète.
Ils se marièrent aux premiers jours de l'été, sur le bord de la rivière argentée.
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Et ils s'aimèrent l'un et l'autre
Suspendus sur un fil
De neige.