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Untaxi automobile passait, le journaliste lui fit signe. Il y montaiten hâte.

— Conduisez-moi,dit-il…

MaisFandor, soudain, s’apercevait qu’il n’avait pasd’argent.

— Bougrede bougre, fit-il, comment m’arranger ?

Ildescendait du taxi, non sans essuyer de terribles injures que luidécochait le chauffeur, puis il se mit à longerl’Hôtel-Dieu, à gagner le pont d’Arcole, lepas pressé.

Dansla poche de la robe qu’il portait Fandor avait trouvéune petite calotte de velours.

— C’estde la chance ! pensa-t-il.

Maisil était bien encore plus heureux de voir que la pochecontenait encore un porte-monnaie dont il inventoria le contenu.

— Centcinquante francs ! s’écria Fandor… Sauvécette fois ! J’ai de quoi partir pour Grenoble, et je nevais pas manquer d’aller raconter à Juve la dernièreaventure survenue à Fandor…

Devantla morgue, cependant quelqu’un pérorait, faisant forcegeste au milieu d’un groupe qu’il amusait par sesfacéties. C’était Bouzille, qui, tout gonfléd’importance, racontait à la foule abasourdie :

— Lejournaliste Jérôme Fandor vient de manquer d’uneseconde l’arrestation de Fantômas !

ChapitreXX

Aux écoutes !

Lesecrétaire général de la préfecture deGrenoble causait avec le commissaire de police :

— Vraiment !lui disait ce dernier, ces inspecteurs de Paris, surtout lorsque cesont des personnages comme M. Juve, ont des façons d’êtreun peu originales, même un peu extraordinaires !

Lesecrétaire général approuvait, le commissaire depolice continuait :

— Aprèsla découverte sensationnelle qu’il avait faite ducadavre de ce malheureux Daniel dans la montagne au-dessus deGrenoble, M. Juve nous avait formellement annoncé sondépart pour Paris tout en nous recommandant de bien cacher sonidentité.

» Or,voici qu’au lieu de partir et de s’élancer àla poursuite de Fantômas, comme il semblait en avoirl’intention, M. Juve fait volte-face, et reste ici, parminous. Mais toujours avec le désir de n’être connude personne !

— Pardon,interrompit le secrétaire général, je vousarrête, monsieur le commissaire de police… si toutefoisje puis m’exprimer ainsi. M. Juve est en effet restéà Grenoble, mais il ne se cache pas, bien au contraire. Il afait dire par les journalistes qui l’ont interviewé, etceux qui l’ont interviewé en tant que Juve, qu’ilhabitait au Modem Hôtel.

— Toutcela, conclut le commissaire de police, est fort étrange, etje suis très heureux de n’être point mêléà cette affaire.

Lemagistrat prenait un air pincé pour faire cette déclaration.En réalité, peut-être était-il un peu vexéque Juve n’ait point sollicité son précieuxconcours dans la continuation des enquêtes qu’assurémentpoursuivait le célèbre inspecteur.

Maisque s’était-il passé, et pourquoi Juve, s’ilavait annoncé son départ pour Paris, était-ilresté à Grenoble ? Pourquoi Juve, désireuxde passer incognito désormais, faisait-il savoir qu’ilétait installé au Modem Hôtel ?

Lescirconstances, les événements qui surviennent modifientsouvent les décisions, et c’est pour cela que Juveparaissait avoir brusquement changé d’opinion.

Lorsqu’ilétait revenu des cimes neigeuses et glacées duCasque-de-Néron, il y avait de cela deux jours, rapportant lecadavre de Daniel, Juve, saisi d’une horrible crainte, avaittélégraphié au directeur de la morgue àParis, pour s’assurer qu’il n’y avait plus decadavre dans le sinistre établissement, répondant ausignalement de Daniel.

Onl’avait détrompé et dès lors Juve avaitsenti se confirmer ses appréhensions ; le cadavre qui setrouvait à la morgue était, ne pouvait être quele corps de Fandor…

Juvealors avait voulu partir aussitôt pour Paris, mais la malchances’en était mêlée ; il manquait letrain qui quittait Grenoble à neuf heures du soir.

Cetrain-là, Fantômas l’avais pris, plus heureux queJuve.

Envain le policier avait-il cherché une automobile qui veuillebien le conduire jusqu’à Paris, il n’en avait pastrouvé, et dès lors, il décidait d’attendrele lendemain matin pour prendre le premier train à destinationde la capitale.

Àl’aube, Juve allait mettre son projet à exécution,et déjà il se trouvait dans la cour de la gare, lorsquede celle-ci surgissait soudain une bande affolée de crieurs dejournaux.

Ceux-ciarrivaient avec une édition spéciale d’un grandjournal lyonnais, une manchette gigantesque annonçait unévénement aussi imprévu que sensationnel.

Juvese précipitait sur la feuille, et, non sans stupéfaction,y lisait le récit le plus inattendu qu’on pouvaitimaginer.

Lesous-titre de l’article était ainsi conçu :

FANDORA FAILLI ARRETER FANTOMAS,

LES DEUX HOMMES ONT DISPARU.

Puissuivait le récit des extraordinaires aventures survenues dansla morgue, le rôle de cadavre joué par Fandor dans lebut d’attirer Fantômas, Fantômas se laissantprendre à ce piège, venant jusque dans le frigorifiqueoù se trouvait le soi-disant mort, puis la poursuite effrénéequi d’ailleurs n’avait malheureusement pas eu pourrésultat l’arrestation de Fantômas…

Lesdeux hommes ont disparu, disait le journal, mais Fandor est sain etsauf. Il a téléphoné au journal LaCapitale de Paris pour donner de ses nouvelles et direqu’on ne s’inquiète point de lui.

Telétait en substance le récit que Juve venait de lire,et, dès lors, son visage s’éclairait ; surses lèvres s’esquissa un bon sourire.

— Ouf !fit-il en respirant profondément, voilà qui me consolede la nuit terrible que j’ai passée, et du moment queFandor est sauvé, c’est une des plus grandes joiesauxquelles je puisse prétendre.

Juveétait entré, pour lire, dans la salle d’attente ;l’employé passa qui criait :

— Expresspour Paris !… Les voyageurs pour Paris en voiture !

Instinctivement,Juve bondissait, mais il s’arrêtait aussitôt.

— Nonpas, songea le policier, j’allais à Paris pour retrouverFandor ; puisque je sais désormais qu’il est vivantet sur la piste de Fantômas, il faut donc que je reste ici, carc’est ici que nous le prendrons !

Etdès lors, à pas lents, Juve sortait de la gare, etremontait vers le centre de la ville.

— Fantômas,se disait-il, est l’homme qui a dérobé le cadavrede Daniel, lorsque ce cadavre était à la morgue.

» Ill’a apporté ici, mystérieusement, dans un but quej’ignore, il a cru qu’il le rendrait introuvable enallant le placer au sommet du Casque-de-Néron, et, dans sonesprit, les aigles et les vautours ne tarderaient certes pas àle déchiqueter.

— Malheureusementpour Fantômas, la glace survenue faisant un bloc autour ducorps de Daniel, a permis l’apparition extraordinaire qui astupéfié tout Grenoble, et qui m’a déterminéà monter dans la montagne me rendre compte de ce qui sepassait.

» Ainsidonc, j’ai déjoué de la sorte l’un desplans de Fantômas ! Il me reste à savoir quels sontles autres. Grenoble est évidemment le centre actuel desopérations du bandit, ce qui me porte à croire que cen’est point par hasard que je trouve ici, réunis autourde la dépouille mortelle de Daniel, des gens médiocrementintéressants tel que ce petit notaire Gauvin et despersonnalités mystérieuses, tel que ce professeurMarcus et cette dame Verdon.

Mme Verdon ?

Juvey songeait à nouveau.

Etil lui apparaissait de plus en plus nécessaire de fairerapidement sa connaissance, et de savoir quelle étaitexactement la mission qu’elle avait confiée àDaniel lorsque celui-ci était parti pour la Hollande.

Juven’aimait pas les gens qui se cachent, et il lui semblait queMme Verdon, de même que son pensionnaire legéologue, ne tenaient pas à se montrer.