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– Je vous aime de tout mon cœur, consentez-vous à devenir ma femme?

De son côté, la jeune fille le trouva si fort de son goût qu’elle répondit:

– Oui, je veux bien devenir votre femme et vous rester fidèle toute ma vie.

Ils célébrèrent donc le mariage, et ils étaient au moment le plus joyeux de la fête, lorsque arriva le père de la fiancée. Celui-ci se fit présenter le marié. On lui montra le jeune homme couleur d’or, lequel ne s’était pas encore débarrassé de sa peau d’ours. À cette vue, le père entra dans une grande colère et s’écria:

– Jamais ma fille ne sera la femme d’un tel homme.

Et il voulut le tuer. Cependant la fiancée se jeta aux genoux de son père qu’elle baigna de ses larmes en disant:

– Il est mon mari et je l’aime!

Le père se laissa fléchir; toutefois l’idée ne lui sortit pas de la tête, que sa fille avait épousé un misérable gueux; aussi dès le lendemain matin, s’empressa-t-il de se lever pour s’en convaincre de ses propres yeux. Quand il entra dans la chambre des époux, il vit dans le lit un bel homme de couleur d’or, et par terre étaient étendues les peaux d’ours qu’il avait dépouillées.

Aussitôt il revint sur ses pas en disant:

– Quel bonheur que j’aie pu contenir ma colère! j’aurais commis une action bien déplorable.

Cependant le jeune homme couleur d’or avait rêvé qu’il était sorti pour chasser un cerf magnifique; à son réveil, il dit à la jeune femme:

– Il faut que je sorte pour aller à la chasse.

Ces paroles inquiétèrent la jeune femme, et elle le supplia de rester, en disant:

– Il pourrait facilement t’arriver un grand malheur.

Il répondit:

– Il faut absolument que je sorte.

Il se rendit dans la forêt. Il ne tarda pas à voir paraître un beau cerf au port majestueux. Il le coucha en joue, mais le cerf disparut d’un seul bond. Il se mit à sa poursuite, à travers les ravins et les broussailles. Quand vint le soir, le cerf disparut complètement. Lorsque notre chasseur porta ses regards autour de lui, il vit qu’il était en face d’une petite maison dans laquelle était assise une sorcière, et il frappa à la porte; une vieille femme vint lui ouvrir et lui dit:

– Qu’est-ce qui vous amène si tard dans cette immense forêt?

– N’avez-vous pas vu un cerf?

– Oui, reprit-elle, je connais ce cerf.

Et un petit chien qui était sorti avec elle de la maison se mit à aboyer fortement.

– Veux-tu bien te taire, maudit roquet, s’écria ce dernier, sinon je t’imposerai silence d’un coup de fusil.

La sorcière repartit d’un ton irrité:

– Comment! tu parles de tuer mon chien?

Et soudain elle le métamorphosa en pierre si bien que sa jeune épouse, ne le voyant point revenir, se prit à penser:

«Sans doute que ce qui me donnait tant d’inquiétude et qui me pesait comme un fardeau sur le cœur, lui sera arrivé.»

Cependant le second frère qui était retourné dans la maison paternelle, et qui se tenait en ce moment auprès des lis d’or, en vit un s’incliner tout à coup.

«Mon Dieu! se dit-il, un grand malheur menace mon frère; il faut que je parte sans retard, si je veux pouvoir lui porter secours.»

Son père lui dit alors:

– Ne t’en va pas, si je te perds aussi, que deviendrai-je?

Mais le jeune homme répondit:

– Il faut à toute force que je parte.

Cela dit, il monta son cheval d’or, se mit en route et arriva dans la grande forêt.

La vieille sorcière sortit encore une fois de sa maisonnette, l’appela, et voulut l’attirer dans son piège; mais il évita de s’approcher, et lui cria aussi:

– Si tu ne rends pas la vie à mon frère, je t’envoie une balle dans la tête.

La vieille fée fut donc forcée, bien à contrecœur, d’animer de nouveau la pierre et de lui rendre son état naturel.

Lorsque les deux frères couleur d’or se revirent, ils éprouvèrent une grande joie, s’embrassèrent tendrement et sortirent ensemble de la forêt; l’un alla retrouver sa jeune épouse, et l’autre son père.

Dès que ce dernier aperçut son fils, il lui cria:

– Je savais bien que tu avais délivré ton frère car le lis d’or, qui s’était incliné, s’est relevé tout à coup et a refleuri de plus belle…

À partir de ce moment, rien ne manqua plus à leur bonheur.

L'Envie de voyager

Il était une fois une femme pauvre, dont le fils avait grande envie de voyager. «Comment veux-tu partir en voyage? lui dit sa mère. Nous n'avons pas un sou que tu puisses emporter!» Mais le fils répondit. «Cela ne fait rien, mère, j'arriverai bien à me débrouiller! Et d'abord, je n'arrêterai pas de répéter: Pas beaucoup! Pas beaucoup!» Il s'en alla et marcha un bon bout de temps en répétant sans cesse, «Pas beaucoup! Pas beaucoup!» Puis il arriva devant un groupe de pêcheurs. «Dieu vous aide! leur dit-il en guise de salut, pas beaucoup, pas beaucoup! – Comment dis-tu, gamin? Pas beaucoup?» Et quand ils ramenèrent leur filet, il n'y avait vraiment pas beaucoup de poissons dedans; alors ils t'attrapent un gourdin et lui font dire ce qu'ils pensent sur le malheureux dos du garçon. – Qu'est-ce qu'il faut dire, alors? leur demanda-t-il – Tu dois dire: Tout plein! Tout plein!» Très bien! Il marche un bon bout de chemin, et tout au long il répète.- «Tout plein! Tout plein!» Puis il arrive devant une potence où l'on va pendre un malheureux coupable. «Bonjour! dit le gars. Tout plein! Tout plein! – Qu'est-ce que tu nous dis là, mon gaillard? Tout plein? Est-ce que tu voudrais plus de malandrins sur la terre? N'y en a-t-il pas déjà assez comme cela?» Sur quoi le bâton entre en jeu et lui fait entrer la leçon par le bas du dos. «Mais qu'est-ce qu'il faut dire, alors? – Que Dieu prenne pitié de la pauvre âme!» Très bien! «Que Dieu prenne pitié de la pauvre âme! Que Dieu prenne pitié de la pauvre âme!» Et avec ce refrain, il fait encore un grand bout de chemin, puis arrive devant l'équarrisseur qui vient d'abattre un vieux cheval. «Bonjour! dit le jeune gars. Que Dieu prenne pitié de la pauvre âme! – Que dis- tu là, mécréant? s'indigne l' équarrisseur en attrapant son grand crochet pour lui frictionner les oreilles et lui apprendre un peu à vivre. – Mais que faut-il dire, alors? – La charogne gît dans sa fosse!» Très bien! Alors, en répétant sans cesse «La charogne gît dans sa fosse!», il continue sa route, quand, finalement, il croise une voiture pleine de gens. «Bonjour! dit-il. La charogne gît dans sa fosse!» Mais la voiture, pour l'éviter, verse au fossé; alors le cocher bondit avec son fouet et lui en administre une si bonne ration, que c'est en rampant qu'il rentre chez sa mère, le malheureux. Et de sa vie, il n'a plus eu envie de voyager.