Elle prit son cher Hans par la main, le fit monter avec elle dans son carrosse et, ensemble, ils s’éloignèrent. Ils se dirigèrent d’abord vers la maisonnette que Hans avait construite avec les outils d’argent. Mais la maisonnette s’était transformée en un immense château, couvert, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’or et d’argent. Puis, ils célébrèrent un grand mariage et vécurent riches et heureux pour le reste de leur vie.
La Belle Catrinelle et Pif – Paf le Lutin
– Bien le bonjour, père Latisane Desureau! – Salut et grand merci, Pif Paf Lelutin. – Si je vous le demande, est-ce que je pourrais épouser votre fille? – Oui, bien sûr, cela se peut si la mère Traitlavàche, son frère Hautorgueil, sa sœur Fromagemou et la belle Catrinelle sont d'accord, cela se peut vraiment. La mère Traitlavache, où est-elle à cette heure?
– A l'étable, elle trait peur nous faire le beurre.
– Bien le bonjour, la mère Traitlavache! – Salut et grand merci, Pif Paf Lelutin. – Si je vous le demande, est-ce que je pourrais épouser votre fille? – Oui, cela peut se faire si le père Latisane Desureau et le frère Hautorgueil et la sœur Fromagemou et Catrinelle elle-même sont d'accord. Mais le frère Hautorgueil, où est-il à présent?
– C'est au bûcher qu'il est, et notre bois, qu'il fend.
– Bien le bonjour, frère Hautorgueil! – Salut et grand merci, Pif Paf Lelutin. – Si je vous le demande, est-ce que je pourrais épouser votre sœur? – Oui, bien sûr, si le père Latisane Desureau, la mère Traitlavache et la belle Catrinelle sont d'accord, la chose pourrait se faire. Mais où se trouve donc la sœur Fromagemou?
– Dans le jardin qu'elle est, à nous couper des choux. Bien le bonjour, sœur Fromagemou! – Salut et grand merci, Pif Paf Lelutin. – Si je vous le demande, est-ce que je pourrais épouser votre sœur? – Oui, bien sûr, c'est tout à fait possible si le père Latisane Desureau, la mère Traitlavache, le frère Hautorgueil et la belle Catrinelle elle-même sont d'accord. Mais où puis-je trouver la belle Catrinelle?
– Dans la chambre, à compter ses sous dans l'escarcelle.
– Bien le bonjour, Catrinelle! – Salut et grand merci, Pif Paf Lelutin. – Si je te le demande, veux-tu être ma chérie? – Mais bien sûr, si le père Latisane Desureau, la mère Traitlavache, le frère Hautorgueil et la sœur Fromagemou sont d'accord, cela pourrait bien arriver.
– Belle Catrinelle, combien as-tu pour faire la dot?
– Quatorze sous de capital, trois francs cinquante de dettes, une demi-livre de poires sèches, une main de prunes, une poignée de carottes. Et si je ne suis pas trop sotte, Cela fait une belle dot!
– Mais toi, cher Lelutin, quel métier est le tien Serais-tu artisan tailleur?
– Quelque chose de meilleur! – Serais-tu cordonnier?
– J'ai un meilleur métier! – Serais-tu forgeron?
– Mais c'est bien mieux, voyons! – Serais-tu donc meunier?
– C'est beaucoup mieux, ce que je fais!
– Peut-être alors que tu fais des balais?
– Exactement, voilà ce que je fais. Un aussi beau métier, est-ce que tu en connais?
La Betterave
Il était une fois deux frères qui faisaient tous deux le métier de soldats, mais l'un demeurait pauvre tandis que l'autre était riche. Alors le pauvre voulut sortir de sa misère et quitta l'uniforme pour se faire paysan; il défricha et laboura son bout de terre et y sema des betteraves. Le grain germa, poussa, et il y eut une betterave qui devint forte et grande, continuant sans cesse à grossir sans vouloir jamais s'arrêter, et encore, et encore, de sorte qu'on pouvait bien la nommer la reine des betteraves, car jamais on n'en avait vu de pareille et jamais on n'en verra plus. Elle était si grosse, à la fin, qu'elle emplissait à elle seule un gros tombereau, auquel il fallut atteler deux bœufs; et le paysan ne savait trop qu'en faire, se demandant si c'était un bonheur ou un malheur que ce géant d'entre les betteraves. «Si je la vends, se disait-il, elle ne va guère me rapporter; et si je la consomme moi-même, les betteraves ordinaires me feront autant d'usage. Le mieux serait encore d'en faire présent d'honneur au roi.» Aussitôt dit, aussitôt fait: piquant ses bœufs, il mena son tombereau jusque dans la cour royale, et il offrit sa betterave en présent au roi.
– L'étrange chose! s'exclama le roi. J'ai déjà vu pourtant bon nombre de merveilles, mais un tel monstre, jamais! Quelle sorte de graine as-tu, pour qu'elle ait donné ce géant? Ou bien est-ce à toi seul que cela est dû, parce que tu as la main heureuse?
– Oh non! protesta le paysan, ce n'est pas que j'aie la main heureuse, ni la chance avec moi: je ne suis qu'un pauvre soldat que la misère et la faim ont forcé à accrocher l'uniforme à un clou pour se mettre à travailler la terre. J'ai bien un frère qui est soldat aussi, mais il est riche, lui, et Votre Majesté doit sûrement le connaître. Mais moi, parce que j'étais si pauvre, personne ne me connaissait. Le roi eut compassion et lui dit:
– Oublie à présent ta pauvreté, mon ami: avec ce que je vais te donner, tu seras au moins aussi riche que ton frère. Et en effet, il lui donne d’abord de l’or en quantité, et puis des champs, des prés, des bois, et des troupeaux, qui firent de lui un riche entre les riches, à côté duquel la richesse de son frère n’était rien. En apprenant ce qu'il avait obtenu d'une seule betterave, le frère se prit à l'envier et se mit à réfléchir en long et en large au bon moyen d'en faire autant: une pareille chance, n'est-ce pas, il n'y avait aucune raison qu'il ne la connût pas! Mais comme il tenait à se montrer plus adroit, ce fut de l'or et ce furent des chevaux qu'il offrit en présent au roi. Le roi, en recevant ce cadeau, lui dit qu'il ne voyait rien de mieux à lui donner en échange, rien de plus rare et de plus extraordinaire que la betterave géante, si bien qu'il fallut que le riche chargeât sur un gros tombereau la betterave de son frère et la rapportât dans sa maison. Il en rageait, à vrai dire, et son dépit, sa fureur se calmèrent si peu, quand il se retrouva chez lui, qu'il en vint aux mauvaises pensées et résolut de tuer ce frère abhorré. Il s'aboucha avec des bandits meurtriers qui se chargèrent de lui dresser un guet-apens pour lui ôter la vie, puis il alla trouver son frère et lui dit: «Mon cher frère, je connais un trésor caché. Viens avec moi, que nous allions le prendre!» Sans méfiance, le frère le suivit; mais quand ils furent en rase campagne, les bandits lui tombèrent dessus, le ligotèrent et le tirèrent au pied d'un arbre, auquel ils voulaient le pendre. A cet instant, la mâle peur les saisit en entendant résonner le pas d'un cheval qui approchait, et le chant à tue-tête du cavalier. Vite, vite, ils jetèrent, cul par-dessus tête, leur prisonnier dans un sac qu'ils nouèrent, le hissèrent jusqu'aux hautes branches de l'arbre et prirent la fuite à toutes jambes. Celui qui arrivait si gaiement sur la route n'était autre qu'un écolier errant, joyeux drille qui chantait en chemin pour se tenir compagnie. Là-haut, dans son sac, le prisonnier s'était employé à faire un trou pour y voir, et quand il vit qui passait au-dessous de lui, il lui cria son salut: «A la bonne heure, et Dieu te garde!» L'étudiant regarda de droite et de gauche, ne sachant pas d'où venait cette voix. «Qui m'appelle?» finit-il par demander; et l'autre, au plus haut de l'arbre, lui répondit par un vrai discours.