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En effet, à peine d’Alençon était-il sorti, que cette tapisserie se souleva et que Marguerite reparut.

– Que pensez-vous de cette visite? demanda Henri.

– Qu’il y a quelque chose de nouveau et d’important.

– Et que croyez-vous qu’il y ait?

– Je n’en sais rien encore, mais je le saurai.

– En attendant?

– En attendant ne manquez pas de venir chez moi demain soir.

– Je n’aurai garde d’y manquer, madame! dit Henri en baisant galamment la main de sa femme.

Et avec les mêmes précautions qu’elle en était sortie, Marguerite rentra chez elle.

XVIII Le livre de vénerie

Trente-six heures s’étaient écoulées depuis les événements que nous venons de raconter. Le jour commençait à paraître, mais tout était déjà éveillé au Louvre, comme c’était l’habitude les jours de chasse, lorsque le duc d’Alençon se rendit chez la reine mère, selon l’invitation qu’il en avait reçue.

La reine mère n’était point dans sa chambre à coucher, mais elle avait ordonné qu’on le fît attendre s’il venait.

Au bout de quelques instants elle sortit d’un cabinet secret où personne n’entrait qu’elle, et où elle se retirait pour faire ses opérations chimiques.

Soit par la porte entrouverte, soit attachée à ses vêtements, entra en même temps que la reine mère l’odeur pénétrante d’un âcre parfum, et, par l’ouverture de la porte, d’Alençon remarqua une vapeur épaisse, comme celle d’un aromate brûlé, qui flottait en blanc nuage dans ce laboratoire que quittait la reine.

Le duc ne put réprimer un regard de curiosité.

– Oui, dit Catherine de Médicis, oui, j’ai brûlé quelques vieux parchemins, et ces parchemins exhalaient une si puante odeur, que j’ai jeté du genièvre sur le brasier: de là cette odeur.

D’Alençon s’inclina.

– Eh bien, dit Catherine en cachant dans les larges manches de sa robe de chambre ses mains, que de légères taches d’un jaune rougeâtre diapraient ça et là, qu’avez-vous de nouveau depuis hier?

– Rien, ma mère.

– Avez-vous vu Henri?

– Oui.

– Il refuse toujours de partir?

– Absolument.

– Le fourbe!

– Que dites-vous, madame?

– Je dis qu’il part.

– Vous croyez?

– J’en suis sûre.

– Alors, il nous échappe?

– Oui, dit Catherine.

– Et vous le laissez partir?

– Non seulement je le laisse partir, mais je vous dis plus, il faut qu’il parte.

– Je ne vous comprends pas, ma mère.

– Écoutez bien ce que je vais vous dire, François. Un médecin très habile, le même qui m’a remis le livre de chasse que vous allez lui porter, m’a affirmé que le roi de Navarre était sur le point d’être atteint d’une maladie de consomption, d’une de ces maladies qui ne pardonnent pas et auxquelles la science ne peut apporter aucun remède. Or, vous comprenez que s’il doit mourir d’un mal si cruel, il vaut mieux qu’il meure loin de nous que sous nos yeux, à la cour.

– En effet, dit le duc, cela nous ferait trop de peine.

– Et surtout à votre frère Charles, dit Catherine; tandis que lorsque Henri mourra après lui avoir désobéi, le roi regardera cette mort comme une punition du ciel.

– Vous avez raison, ma mère, dit François avec admiration, il faut qu’il parte. Mais êtes-vous bien sûre qu’il partira?

– Toutes ses mesures sont prises. Le rendez-vous est dans la forêt de Saint-Germain. Cinquante huguenots doivent lui servir d’escorte jusqu’à Fontainebleau, où cinq cents autres l’attendent.

– Et, dit d’Alençon avec une légère hésitation et une pâleur visible, ma sœur Margot part avec lui?

– Oui, répondit Catherine, c’est convenu. Mais, Henri mort, Margot revient à la cour, veuve et libre.

– Et Henri mourra, madame! vous en êtes certaine?

– Le médecin qui m’a remis le livre en question me l’a assuré du moins.

– Et ce livre, où est-il, madame? Catherine retourna à pas lents vers le cabinet mystérieux, ouvrit la porte, s’y enfonça, et reparut un instant après, le livre à la main.

– Le voici, dit-elle.

D’Alençon regarda le livre que lui présentait sa mère avec une certaine terreur.

– Qu’est-ce que ce livre, madame? demanda en frissonnant le duc.

– Je vous l’ai déjà dit, mon fils, c’est un travail sur l’art d’élever et de dresser faucons, tiercelets et gerfauts, fait par un fort savant homme, par le seigneur Castruccio Castracani, tyran de Lucques.

– Et que dois-je en faire?

– Mais le porter chez votre bon ami Henriot, qui vous l’a demandé, à ce que vous m’avez dit, lui ou quelque autre pareil, pour s’instruire dans la science de la volerie. Comme il chasse au vol aujourd’hui avec le roi, il ne manquera pas d’en lire quelques pages, afin de prouver au roi qu’il suit ses conseils en prenant des leçons. Le tout est de le remettre à lui-même.

– Oh! je n’oserai pas, dit d’Alençon en frissonnant.

– Pourquoi? dit Catherine, c’est un livre comme un autre, excepté qu’il a été si longtemps renfermé que les pages sont collées les unes aux autres. N’essayez donc pas de les lire, vous, François, car on ne peut les lire qu’en mouillant son doigt et en poussant les pages feuille à feuille, ce qui prend beaucoup de temps et donne beaucoup de peine.

– Si bien qu’il n’y a qu’un homme qui a le grand désir de s’instruire qui puisse perdre ce temps et prendre cette peine? dit d’Alençon.

– Justement, mon fils, vous comprenez.

– Oh! dit d’Alençon, voici déjà Henriot dans la cour, donnez, madame, donnez. Je vais profiter de son absence pour porter ce livre chez lui: à son retour il le trouvera.

– J’aimerais mieux que vous le lui donnassiez à lui-même, François, ce serait plus sûr.

– Je vous ai déjà dit que je n’oserais point, madame, reprit le duc.

– Allez donc; mais au moins posez-le dans un endroit bien apparent.

– Ouvert?… Y a-t-il inconvénient à ce qu’il soit ouvert?

– Non.

– Donnez alors.