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– Non, par ma foi, il a bel et bien reçu un coup d'épée à travers la poitrine; cet imbécile de Remy, qui l'a tiré d'affaire, l'a cru lui-même mort un instant; il faut, en vérité, qu'il ait l'âme chevillée dans le corps.

On arriva devant la serre. Diane souriait au duc d'une façon plus charmante que jamais.

Le prince passa le premier, puis Diane. Monsoreau voulut venir après; mais, quand sa litière se présenta pour passer, on s'aperçut qu'il était impossible de la faire entrer: la porte, de style ogival, était longue et haute, mais large seulement comme les plus grosses caisses, et la litière de M. de Monsoreau avait six pieds de largeur.

À la vue de cette porte trop étroite et de cette litière trop large, le Monsoreau poussa un rugissement.

Diane entra dans la serre sans faire attention aux gestes désespérés de son mari.

Bussy, pour qui le sourire de la jeune femme, dans le cœur de laquelle il avait l'habitude de lire par les yeux, devenait parfaitement clair, demeura près de Monsoreau en lui disant avec une parfaite tranquillité:

– Vous vous entêtez inutilement, monsieur le comte; cette porte est trop étroite, et jamais vous ne passerez par là.

– Monseigneur! monseigneur! criait Monsoreau, n'allez pas dans cette serre; il y a de mortelles exhalaisons, des fleurs étrangères qui répandent les parfums les plus vénéneux. Monseigneur!…

Mais François n'écoutait pas. Malgré sa prudence accoutumée, heureux de sentir dans ses mains la main de Diane, il s'enfonçait dans les verdoyants détours.

Bussy encourageait Monsoreau à patienter avec la douleur; mais, malgré les exhortations de Bussy, ce qui devait arriver arriva: Monsoreau ne put supporter, non pas la douleur physique, sous ce rapport il semblait de fer, mais la douleur morale. Il s'évanouit.

Remy reprenait tous ses droits; il ordonna que le blessé fût reconduit dans sa chambre.

– Maintenant, demanda Remy au jeune homme, que dois-je faire?

– Eh! pardieu! dit Bussy, achève ce que tu as si bien commencé: reste près de lui, et guéris-le.

Puis il annonça à Diane l'accident arrivé à son mari.

Diane quitta aussitôt le duc d'Anjou et s'achemina vers le château.

– Avons-nous réussi? lui demanda Bussy lorsqu'elle passa à ses côtés.

– Je le crois, dit-elle. En tout cas, ne partez point sans avoir vu Gertrude.

Le duc n'aimait les fleurs que parce qu'il les visitait avec Diane. Aussitôt que Diane fût éloignée, les recommandations du comte lui revinrent à l'esprit, et il sortit du bâtiment.

Ribérac, Livarot et Antraguet le suivirent.

Pendant ce temps, Diane avait rejoint son mari, à qui Remy faisait respirer des sels.

Le comte ne tarda pas à rouvrir les yeux.

Son premier mouvement fut de se soulever avec violence; mais Remy avait prévu ce premier mouvement, et le comte était attaché sur son matelas.

Il poussa un second rugissement; mais, en regardant autour de lui, il aperçut Diane debout à son chevet.

– Ah! c'est vous, madame, dit-il; je suis bien aise de vous voir pour vous dire que ce soir nous partons pour Paris.

Remy jeta les hauts cris; mais Monsoreau ne fit pas plus attention à Remy que s'il n'était pas là.

– Y pensez-vous, monsieur? dit Diane avec son calme habituel, et votre blessure?

– Madame, dit le comte, il n'y a pas de blessure qui tienne, j'aime mieux mourir que souffrir, et, dusse-je mourir par les chemins, ce soir nous partirons.

– Eh bien! monsieur, dit Diane, comme il vous plaira.

– Il me plaît ainsi; faites donc vos préparatifs, je vous prie.

– Mes préparatifs seront vite faits, monsieur. Mais puis-je savoir quelle cause a amené cette subite détermination?

– Je vous le dirai, madame, quand vous n'aurez plus de fleurs à montrer au prince, ou quand j'aurai fait construire des portes assez larges pour que ma litière entre partout.

Diane s'inclina.

– Mais, madame, dit Remy.

– M. le comte le veut, répondit Diane, mon devoir est d'obéir.

Et Remy crut reconnaître, à un signe de la jeune femme, qu'il devait cesser ses observations.

Il se tut tout en grommelant:

– Ils me le tueront, et puis on dira que c'est la faute de la médecine.

Pendant ce temps, le duc d'Anjou s'apprêtait à quitter Méridor. Il témoigna la plus grande reconnaissance au baron de l'accueil qu'il lui avait fait et remonta à cheval.

Gertrude apparut en ce moment. Elle venait annoncer tout haut au duc que sa maîtresse, retenue près du comte, ne pouvait avoir l'honneur de lui présenter ses hommages, et tout bas, à Bussy, que Diane partait le soir.

On partit.

Le duc avait les volontés dégénérescentes, ou plutôt les perfectionnements de ses caprices.

Diane cruelle le blessait et le repoussait de l'Anjou; Diane souriante lui fut une amorce.

Comme il ignorait la résolution prise par le grand veneur, tout le long du chemin il ne cessa de méditer sur le danger qu'il y aurait à obéir trop facilement aux désirs de la reine-mère.

Bussy avait prévu cela, et il comptait bien sur ce désir de rester.

– Vois-tu, Bussy, lui dit le duc, j'ai réfléchi.

– Bon! monseigneur. Et à quoi? demanda le jeune homme.

– Qu'il n'est pas bon de me rendre ainsi tout de suite aux raisonnements de ma mère.

– Vous avez raison; elle se croit déjà bien assez profonde politique comme cela.

– Tandis que, vois-tu, en lui demandant huit jours, ou plutôt en traînant huit jours; en donnant quelques fêtes auxquelles nous appellerons la noblesse, nous montrerons à notre mère combien nous sommes forts.

– Puissamment raisonné, monseigneur. Cependant il me semble…

– Je resterai ici huit jours, dit le duc, et, grâce à ce délai, j'arracherai de nouvelles conditions à ma mère; c'est moi qui te le dis.

Bussy parut réfléchir profondément.

– En effet, monseigneur, dit-il, arrachez, arrachez; mais tâchez qu'au lieu de profiter par ce retard, vos affaires n'en souffrent pas. Le roi, par exemple…

– Eh bien! le roi?

– Le roi, ne connaissant pas vos intentions, peut s'irriter. Il est très irascible, le roi.