Roland fut sellé en quelques secondes. M. de Monsoreau se mit légèrement en selle, et s'informa une seconde fois de quel côté la cavalcade s'était dirigée.
– Elle est sortie par cette porte, et elle a suivi cette rue, dit le majordome en indiquant au grand veneur le même point que lui avait déjà indiqué la sentinelle.
– Ma foi, dit Monsoreau en lâchant le bride, en voyant que de lui-même le cheval prenait ce chemin, on dirait, ma parole, que Roland suit la piste.
– Oh! n'en soyez pas inquiet, dit le majordome, j'ai entendu dire à M. de Bussy et à son médecin, M. Remy, que c'était l'animal le plus intelligent qui existât; dès qu'il sentira ses compagnons, il les rejoindra. Voyez les belles jambes, elles feraient envie à un cerf.
Monsoreau se pencha de côté.
– Magnifiques, dit-il.
En effet, le cheval partit sans attendre qu'on l'excitât, et sortit fort délibérément de la ville; il fit même un détour, avant d'arriver à la porte, pour abréger la route, qui se bifurquait circulairement à gauche, directement à droite.
Tout en donnant cette preuve d'intelligence, le cheval secouait la tête comme pour échapper au frein qu'il sentait peser sur ses lèvres; il semblait dire au cavalier que toute influence dominatrice lui était inutile, et, à mesure qu'il approchait de la porte de la ville, il accélérait sa marche.
– En vérité, murmura Monsoreau, je vois qu'on ne m'en avait pas trop dit; ainsi, puisque tu sais si bien ton chemin, va, Roland, va.
Et il abandonna les rênes sur le cou de Roland.
Le cheval, arrivé au boulevard extérieur, hésita un moment pour savoir s'il tournerait à droite ou à gauche,
Il tourna à gauche.
Un paysan passait en ce moment.
– Avez-vous vu une troupe de cavaliers, l'ami? demanda Monsoreau.
– Oui, monsieur, répondit le rustique, je l'ai rencontrée là-bas, en avant.
C'était justement dans la direction qu'avait prise Roland, que le paysan venait de rencontrer cette troupe.
– Va, Roland, va, dit le grand veneur en lâchant les rênes à son cheval, qui prit un trot allongé avec lequel on devait naturellement faire trois ou quatre lieues à l'heure.
Le cheval suivit encore quelque temps le boulevard, puis il donna tout à coup à droite, prenant un sentier fleuri qui coupait à travers la campagne.
Monsoreau hésita un instant pour savoir s'il n'arrêterait pas Roland; mais Roland paraissait si sûr de son affaire, qu'il le laissa aller.
À mesure que le cheval s'avançait, il s'animait. Il passa du trot au galop, et, en moins d'un quart d'heure, la ville eut disparu aux regards du cavalier.
De son côté aussi, le cavalier, à mesure qu'il s'avançait, semblait reconnaître les localités.
– Eh! mais, dit-il en entrant sous le bois, on dirait que nous allons vers Méridor; est-ce que Son Altesse, par hasard, se serait dirigée du côté du château?
Et le front du grand veneur se rembrunit à cette idée, qui ne se présentait pas à son esprit pour la première fois.
– Oh! oh! murmura-t-il, moi qui venais d'abord voir le prince, remettant à demain de voir ma femme. Aurais-je donc le bonheur de les voir tous les deux en même temps?
Un sourire terrible passa sur les lèvres du grand veneur.
Le cheval allait toujours, continuant d'appuyer à droite avec une ténacité qui indiquait la marche la plus résolue et la plus sûre.
– Mais, sur mon âme, pensa Monsoreau, je ne dois plus maintenant être bien loin du parc de Méridor.
En ce moment, le cheval se mit à hennir.
Au même instant, un autre hennissement lui répondit du fond de la feuillée.
– Ah! ah! dit le grand veneur, voilà Roland qui a trouvé ses compagnons, à ce qu'il paraît.
Le cheval redoublait de vitesse, passant comme l'éclair sous les hautes futaies.
Soudain Monsoreau aperçut un mur et un cheval attaché près de ce mur. Le cheval hennit une seconde fois, et Monsoreau reconnut que c'était lui qui avait dû hennir la première.
– Il y a quelqu'un ici! dit Monsoreau pâlissant.
(1846)
FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.