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De la Puce et de l’Homme.

Un Homme se sentant piqué par une Puce, mit le doigt dessus et la prit. Elle lui dit pour s’excuser, que c’était sa manière de vivre, et que la nature lui avait donné ce talent; qu’au reste elle ne faisait pas grand mal, et que ses morsures n’étaient nullement dangereuses. Elle pria l’Homme très instamment de la mettre en liberté, et de la laisser vivre, puisqu’il n’avait rien à appréhender d’elle. – Tu t’abuses, lui répondit-il en souriant, tu fais tout le mal que tu peux; c’est pour cela qu’il faut que je te tue; car il ne faut jamais offenser personne, ni faire à qui que ce soit aucun outrage, ni léger, ni considérable. -

De la Fourmi et de la Cigale.

La Fourmi faisait sécher son froment qui avait contracté quelque humidité pendant l’hiver. La Cigale mourant de faim, lui demanda quelques grains pour subvenir à sa nécessité dans la disette où elle se trouvait. La Fourmi lui répondit durement qu’elle devait songer à amasser pendant l’été pour avoir de quoi vivre pendant l’hiver. – Je ne suis point oisive durant l’été, répliqua la Cigale, je passe tout ce temps-là à chanter. – Oh bien, repartit la Fourmi, puisque cela est ainsi, je vous conseille de danser maintenant; vous méritez bien de mourir de faim. -

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De la Brebis et de la Corneille.

La Corneille attachée sur le dos de la Brebis, la becquetait sans qu’elle pût s’en défendre; mais se tournant vers son ennemie: – Si tu en faisais autant à quelque Chien, lui dit-elle, tu ne le ferais pas impunément. – Il est vrai, repartit la Corneille, avec un air moqueur; mais je n’attaque pas plus fort que moi, et je sais bien de qui je me joue. -

De l’Arbre et du Roseau.

Un Olivier et un Roseau disputaient ensemble sur leur force et sur leur fermeté. L’Olivier reprochait au Roseau sa fragilité, qui l’obligeait de plier au moindre vent. Le Roseau ne trouvant point de bonnes raisons pour lui répliquer, garda le silence; mais ayant attendu quelque temps sans rien dire, un vent violent vint à souffler tout à coup. Le Roseau agité par le vent, plia, et n’en fut point incommodé; mais l’Olivier ayant voulu résister à l’orage, fut emporté et déraciné par la violence du tourbillon. Alors le Roseau prenant son temps pour parler, dit à l’Olivier qui était par terre: – Tu vois bien qu’il est plus à propos de céder à un ennemi puissant, que de lui résister avec une témérité qui a toujours de mauvaises suites. -

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Du Mulet et du Loup.

Le Mulet voyant un Loup venir à lui, et craignant d’être pris, feignit d’avoir une épine au pied et d’être fort tourmenté du mal que lui causait cette épine. – Hélas! mon ami, dit-il en s’adressant au Loup, je ne puis résister à la violence de la douleur que je sens; mais puisque mon malheur veut que je sois bientôt dévoré par les oiseaux de proie, je te prie, avant que je meure, de m’arracher cette épine que j’ai au pied, afin que j’expire plus doucement. – Le Loup consentit à lui rendre ce bon office, et se mit en posture. Alors le Mulet lui donna un si grand coup de pied, qu’il lui enfonça le crâne, lui cassa les dents, et se mit à fuir. Le Loup se voyant dans un état si pitoyable, ne s’en prenait qu’à lui-même. – Je le mérite bien, disait-il; car de quoi est-ce que je me mêle? Pourquoi ai-je voulu m’ingérer mal à propos de faire le Chirurgien, moi qui ne suis qu’un Boucher? -

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Le Renard trahi par le Coq.

Un Paysan outré de dépit de voir ses poules égorgées par un Renard, lui tendit des pièges, et le prit. Le Coq seul fut le témoin de sa disgrâce. Le Renard le pria très instamment de lui apporter des ciseaux pour couper les filets, ou du moins de ne pas avertir son Maître qu’il était pris, jusqu’à ce qu’il eût rongé les cordons avec ses dents. Le Coq lui promit sur-le-champ de faire l’un et l’autre, quoiqu’il ne fût pas dans la résolution de lui tenir parole. En effet, il courut vers son Maître, et lui dit que le Renard avait donné dans le piège. Le Paysan prit une massue pour en assommer le Renard, qui voyant venir de loin son ennemi: – Que je suis malheureux! s’écria-t-il, ai-je dû me flatter que le Coq me serait fidèle, après lui avoir égorgé tant de femmes? -

Du Renard et du Chat.

Dans une dispute que le Renard eut avec le Chat, il se vantait d’être le plus rusé de tous les animaux, et de mettre lui seul plus de finesses en pratique que tous les autres ensemble. Le Chat lui répondit qu’il n’en savait pas tant, mais qu’il avait de bonnes griffes; que son agilité lui tenait lieu de finesse, et le tirait de toutes sortes d’embarras. Lorsque le Renard s’apprêtait à lui répliquer, on entendit tout à coup plusieurs Chiens aboyer, et qui venaient fondre sur eux. Le Chat, sans marchander davantage, grimpa promptement sur un arbre, où il demeura en sûreté; mais le Renard qui ne put se sauver si vite, fut pris et dévoré par les Chiens, malgré toutes ses finesses.

Du Renard et du Loup.

Un Renard tombé par hasard dans un puits, était sur le point de se noyer, lorsqu’il aperçut un Loup sur le bord du puits. Il le pria très instamment de l’assister dans ce péril extrême, et de lui jeter une corde pour le tirer de ce puits. Le Loup plaignant sa disgrâce, lui fit plusieurs questions pour savoir comment ce malheur lui était arrivé. – Ce n’est pas maintenant le temps de discourir, répliqua le Renard; quand tu m’auras tiré d’ici, je t’expliquerai à loisir toutes les circonstances de cette aventure. -

Du Chien envieux et du Boeuf.

Un Chien couché sur un monceau de foin, en défendait l’approche à un Boeuf qui avait envie d’en manger. Le Boeuf voyant la mauvaise humeur du Chien, lui dit tout en colère: – Il faut que tu sois bien malheureux et bien envieux, puisque tu ne veux pas manger de ce foin, ni permettre aux autres d’en manger. -

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Du Loup et des Chiens.

Un Loup considérait avec plaisir du haut d’un rocher deux Chiens qui se battaient, au lieu de veiller à la garde du troupeau qu’on leur avait confié. Ce combat fit espérer au Loup qu’il pourrait attaquer le troupeau avec succès, tandis que les Chiens de garde se déchiraient à belles dents. Il vint donc tout à coup fondre sur les Brebis, et en enleva une des plus grasses. Après ce coup, il se mit à fuir à toutes jambes. Les Chiens ayant pris garde à ce vol, suspendirent leur querelle particulière, et coururent après le Loup avec tant de légèreté, qu’ils l’atteignirent enfin, et lui donnèrent mille coups de dents pour l’obliger à lâcher prise. Le Loup en s’en retournant, rencontra l’un de ses compagnons, qui lui demanda comment il avait osé attaquer seul un si grand troupeau, gardé de deux bons Chiens? – Je me suis flatté, répondit le Loup, que le différend des Chiens me donnait une belle occasion de me jeter sur le troupeau, mais je me suis mécompté. -