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Du Taureau et du Rat.

Un Rat alla mordre un Taureau couché sur sa litière, et lui déchirer la cuisse à belles dents. Le Taureau se leva tout en furie, et commença à branler la tête, à menacer de ses cornes, et à jeter des mugissements épouvantables, cherchant partout l’ennemi qui avait osé l’attaquer; mais le Rat allongeant la tête hors du trou où il s’était réfugié, et où il se trouvait en assurance, se moquait de la furie du Taureau. – De quoi te servent, lui dit-il, tes cornes menaçantes, contre un petit animal qui a eu la hardiesse de t’attaquer, et de te blesser, sans redouter ta colère? -

D’une Oie et de son Maître.

Un homme avait dans sa maison une Oie qui lui pondait chaque jour un oeuf de pur or. Cet homme se persuadant follement qu’il y avait dans le ventre de l’Oie une mine de ce précieux métal, la tua pour s’enrichir tout d’un coup. Mais ayant ouvert le ventre de son Oie, et n’y trouvant que ce que l’on trouve dans les Oies ordinaires, il commença à se désespérer et à jeter de hauts cris; de sorte qu’il perdit des richesses médiocres, voulant en amasser d’immenses et d’excessives.

Du Singe et de ses deux Petits.

Un Singe avait deux Petits jumeaux. Il en aimait un passionnément, et ne pouvait souffrir l’autre. Le favori était fort agile, dansait et sautait avec une grande légèreté, et faisait habilement toutes sortes de singeries. Mais un jour par malheur il se démit une jambe en sautant, et commença à jeter de hauts cris. Le père qui l’entendit, accourut incontinent, le prit entre ses bras, et le serra d’une si étrange force, qu’il l’étouffa à force de l’embrasser.

Du Renard et du Léopard.

Le Renard et le Léopard disputaient un jour ensemble de leurs talents et de leur beauté. Le Léopard vantait sa peau mouchetée et peinte de diverses couleurs. – J’avoue, lui dit le Renard, que ta peau est plus belle que la mienne; mais en récompense j’ai dans l’esprit la même beauté et les mêmes agréments que tu as sur la peau. -

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De Vénus et d’une Chatte.

Un jeune homme avait un amour si violent pour une Chatte, qu’il pria très instamment la Déesse Vénus de la métamorphoser en femme. Vénus touchée de compassion pour ce jeune homme, transforma la Chatte en une belle fille d’une rare beauté. Ce jeune homme ne consultant que sa passion, conduisit sur-le-champ cette fille dans sa maison, pour se contenter. Ils ne furent pas plutôt dans le lit, que Vénus pour éprouver cette fille, et pour savoir si en changeant de figure elle avait aussi changé de tempérament, lâcha un rat dans sa chambre. Alors cette nouvelle épouse oubliant son amant et le lit nuptial, sauta hors du lit, et se mit à poursuivre le rat pour le manger. La Déesse irritée de sa légèreté, lui rendit sa première forme, et la fit redevenir Chatte.

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D’un Malade et d’un Médecin.

Un Malade interrogé par son Médecin sur l’état de sa santé, et de quelle manière il avait passé la nuit, lui répondit qu’il avait extrêmement sué. – C’est un bon signe, lui répliqua le Médecin. – Il fit le lendemain les mêmes questions que le jour précédent au Malade, qui lui dit que le froid l’avait tellement saisi, qu’il en avait pensé mourir. – Ce pronostic est encore fort bon, lui repartit le Médecin. – Enfin le troisième jour le Médecin ayant demandé au Malade comment il se portait, et le Malade lui ayant répondu qu’il devenait hydropique. – Tant mieux, répliqua ce Charlatan, cette crise est une marque de santé, et vous serez bientôt tiré d’affaire. – Après que le Médecin se fut retiré, l’un des amis du Malade lui demanda en quel état il se trouvait. – Hélas! mon ami, lui répliqua-t-il, on dit que je me porte bien, et cependant je sens bien que je vais mourir. -

Des Coqs et de la Perdrix.

Un homme qui se plaisait à nourrir une grande quantité de Poulets, acheta une Perdrix qu’il mit dans sa basse-cour parmi ses autres volailles. Dès que les Coqs la virent, ils lui donnèrent la chasse pour l’empêcher de manger, et ils la becquetèrent avec tant de violence, qu’elle fut obligée de s’enfuir. La Perdrix fort affligée de se voir chassée de la sorte, parce qu’elle était étrangère et nouvelle venue, se consola un moment après, en voyant les Coqs acharnés les uns contre les autres se déchirer des griffes et du bec. – S’ils se font une guerre si cruelle, dit la Perdrix, quoiqu’ils aient été nourris ensemble, et s’ils se traitent avec tant d’inhumanité, je ne dois pas m’étonner qu’ils m’aient rebutée, moi qui ne suis qu’une étrangère. -

Du Charbonnier et du Foulon.

Un Charbonnier avait loué une trop grande maison, et ne la pouvant occuper tout entière, il pria un Foulon de s’y venir loger avec lui, et d’y prendre un appartement. Le Foulon n’y voulut jamais consentir, et dit au Charbonnier pour excuse, que la fumée de son charbon noircissait tout ce qu’il aurait blanchi par sa teinture.

De la Chauve-Souris, du Buisson et de l’Hirondelle.

La Chauve-Souris, le Buisson et l’Hirondelle s’associèrent autrefois pour faire commerce ensemble. La Chauve-Souris emprunta de l’argent pour mettre dans la Société. Le Buisson y mit des habits. L’Hirondelle apporta de l’or pour sa part. Après tous ces préparatifs, quand leurs conventions furent faites, ils montèrent sur un Vaisseau ensemble; mais il s’éleva tout à coup une si furieuse tempête, que leur Vaisseau fut brisé; de sorte qu’ils eurent bien de la peine à sauver leur vie, après avoir perdu leur argent et leurs marchandises. Depuis ce temps-là l’Hirondelle voltige auprès des rivages, pour voir si la mer n’y rejettera pas son or. La Chauve-Souris ne se montre que de nuit, dans l’appréhension d’être prise par ses créanciers. Le Buisson s’accroche à tous les habits des passants, pour tâcher de reconnaître les siens.

De deux Hommes et d’un Âne.

Deux Voyageurs passant dans des lieux déserts, trouvèrent par hasard un Âne dans leur chemin. Ils commencèrent à disputer entre eux à qui l’aurait, s’imaginant que la fortune leur avait fait ce présent. La querelle s’échauffa de telle sorte qu’ils en vinrent aux mains, aucun des deux ne voulant céder à son compagnon; mais tandis qu’ils disputaient et qu’ils se débattaient de la sorte, l’Âne se sauva, et ils furent tous deux frustrés de leurs espérances.