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D’un Rat de Ville, et d’un Rat de Village.

Un Rat de Ville alla un jour faire visite à un Rat de campagne de ses amis, qui lui donna un repas frugal composé de racines et de noisettes. Après le repas, le Rat de Ville prit congé de son hôte, qui lui promit de l’aller voir à son tour. On le régala magnifiquement de confitures et de fromages; mais le repas fut souvent interrompu par les valets de la maison, qui allaient et qui venaient de tous côtés, et qui causèrent de mortelles alarmes au Rat de Village; de sorte que saisi de crainte, il dit au Rat de Ville qu’il préférait un repas frugal fait en repos et en liberté, et la pauvreté du Village, à la magnificence des Villes, et à une abondance pleine d’inquiétudes et de dangers.

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De l’Aigle et de la Corneille.

Un Aigle voulant manger une huître, ne pouvait trouver moyen, ni par force, ni par adresse, de l’arracher de son écaille. La Corneille lui conseilla de s’élancer au plus haut de l’air, et de laisser tomber l’huître sur des pierres pour la rompre. L’Aigle suivit ce conseil. La Corneille qui était demeurée en bas pour en attendre l’issue, voyant qu’il avait réussi, se jeta avidement sur le poisson qu’elle avala, ne laissant à l’Aigle que les écailles pour le prix de sa crédulité.

De l’Aigle et du Renard.

Une Aigle et un Renard ayant fait société ensemble, convinrent, pour serrer plus étroitement les noeuds de leur amitié, de demeurer l’un auprès de l’autre. L’Aigle choisit un arbre fort élevé pour y faire son nid. Le Renard se creusa une tanière au pied de l’arbre, et il y mit ses petits. Étant un jour sorti pour aller leur chercher la proie, l’Aigle pressée de la faim vint fondre sur les petits du Renard, dont elle fit faire curée à ses Aiglons. Le Renard étant de retour, et voyant la perfidie de sa voisine, fut moins attristé du malheur de ses petits, que du désespoir d’être hors d’état d’en tirer vengeance, parce qu’il ne pouvait s’élever dans l’air pour poursuivre son ennemie. Se tenant donc à l’écart, il donnait à l’Aigle mille imprécations, ne pouvant se venger autrement de sa perfidie. Peu de temps après, quelques-uns immolèrent une chèvre, qu’ils firent brûler dans un champ voisin. L’Aigle vint fondre dessus, et enleva une partie de la victime qu’elle porta dans son nid, avec quelques charbons ardents qui y mirent le feu. Le vent venant à souffler avec impétuosité, les aiglons qui n’avaient point encore de plumes, tombèrent au pied de l’arbre. Le Renard y accourut, et les dévora tous à la vue de l’Aigle.

Du Corbeau et du Renard.

Un Corbeau s’était perché sur un arbre, pour manger un fromage qu’il tenait en son bec. Un Renard qui l’aperçut, fut tenté de lui enlever cette proie. Pour y réussir et pour amuser le Corbeau, il commença à le louer de la beauté de son plumage. Le Renard voyant que le Corbeau prenait goût à ses louanges: – C’est grand dommage, poursuivit-il, que votre chant ne réponde pas à tant de rares qualités que vous avez. – Le Corbeau voulant persuader au Renard que son chant n’était pas désagréable, se mit à chanter, et laissa tomber le fromage qu’il avait au bec. C’est ce que le Renard attendait. Il s’en saisit incontinent, et le mangea aux yeux du Corbeau, qui demeura tout honteux de sa sottise, et de s’être laissé séduire par les fausses louanges du Renard.

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Le Lion cassé de vieillesse.

Le Lion dans sa jeunesse abusant insolemment de sa force, et de l’ascendant qu’il avait sur les autres animaux, se fit plusieurs ennemis. Quand ils le virent usé et affaibli par les années, ils résolurent de concert de tirer vengeance de ses cruautés, et de lui rendre la pareille. Le Sanglier le meurtrissait avec ses défenses; le Taureau l’attaquait avec ses cornes. Mais l’affront le plus sensible au Lion, était les coups de pied que l’Âne, le plus vil et le plus méprisable de ses ennemis, lui donnait en l’insultant.

De l’Âne et du Chien.

Le Chien flattait son Maître, et le Maître y répondait en le caressant de son côté. Ces caresses réciproques donnèrent de la jalousie à l’Âne, qui était maltraité et battu de tous ceux de la maison. Ne sachant quelles mesures prendre pour soulager sa misère, il s’imagina que le bonheur du Chien ne venait que des caresses qu’il faisait à son Maître, et que s’il le flattait aussi de la même sorte, on le traiterait comme le Chien, et qu’on le nourrirait de même de viandes délicates. Quelques jours après, l’Âne ayant trouvé son Maître endormi dans un fauteuil, voulut venir le flatter, et lui mit les deux pieds de devant sur les épaules, commençant à braire, pour le divertir par une mélodie si harmonieuse. Le Maître réveillé par ce bruit, appela ses Valets, qui chargèrent l’Âne de coups de bâton, pour le récompenser de sa civilité, et des caresses trop rudes qu’il avait faites à son Maître.

Du Lion et du Rat.

Un Lion fatigué de la chaleur, et abattu de lassitude, dormait à l’ombre d’un arbre. Une troupe de Rats passa par le lieu où le Lion reposait; ils lui montèrent sur le corps pour se divertir. Le Lion se réveilla, étendit la patte, et se saisit d’un Rat, qui se voyant pris sans espérance d’échapper, se mit à demander pardon au Lion de son incivilité et de son audace, lui représentant qu’il n’était pas digne de sa colère. Le Lion touché de cette humble remontrance, lâcha son prisonnier, croyant que c’eût été une action indigne de son courage de tuer un animal si méprisable et si peu en état de se défendre. Il arriva que le Lion courant par la forêt, tomba dans les filets des chasseurs; il se mit à rugir de toute sa force, mais il lui fut impossible de se débarrasser. Le Rat reconnut aux rugissements du Lion qu’il était pris. Il accourut pour le secourir, en reconnaissance de ce qu’il lui avait sauvé la vie. En effet, il se mit à ronger les filets, et donna moyen au Lion de se développer et de se sauver.

Du Milan malade.

Le Milan se voyant réduit à l’extrémité, et n’espérant plus de guérir par la force des remèdes, conjura sa mère d’aller prier les Dieux de lui rendre la santé. – Mon fils, lui répondit-elle, ce serait en vain que tu attendrais du secours du côté des Dieux, après avoir profané si souvent leurs Autels, et les Sacrifices qu’on leur offrait. -