Изменить стиль страницы

– Oui!… à condition que j’assiste à la question.

Là-dessus, Catherine rentra dans son oratoire. Quelques minutes plus tard, Maurevert sortait du Louvre.

Dans l’embrasure de fenêtre de l’antichambre, le vieux La Garde disait à ce moment:

– Monsieur l’amiral, si vous m’en croyez, vous hâterez les derniers préparatifs… J’ai bataillé contre vous… à Jarnac et à Moncontour, j’ai fait ce que je pouvais. Je suis au service de l’Église romaine, et vous dans une congrégation ennemie de la mienne… Mais j’ai pour vous l’estime qu’on doit à un chef illustre… permettez-moi d’insister… il faudrait que dans un mois au plus tard, vous soyez en campagne.

– Dans un mois, mon cher baron! Dites dans dix jours, et vous serez dans la vérité.

– Ah! tant mieux! fit le vieux La Garde avec un soupir de soulagement.

Les deux chefs se serrèrent la main et La Garde descendit au jeu de paume pour faire sa cour au roi dont on entendait les cris de joie à chaque bon coup qu’il portait.

Coligny, ayant roulé ses papiers, les plaça sous son bras, et faisant signe à ses gentilshommes, descendit à son tour et sortit du Louvre, répondant d’un sourire aux saluts respectueux, et d’un joyeux geste de la main aux sentinelles du pont-levis qui lui rendaient les honneurs.

Maurevert, sans se presser, était arrivé au cloître Saint-Germain-l’Auxerrois. Il entra dans une maison basse dont les fenêtres du rez-de-chaussée étaient grillées: c’est là que demeurait le chanoine Villemur. Mais depuis trois jours, le chanoine avait ostensiblement quitté la maison, se rendant, disait-il, auprès d’une parente qui habitait la Picardie.

La maison passait donc pour inhabitée, le chanoine ayant, pour un mois, donné congé à sa servante.

Maurevert se glissa dans l’intérieur par une petite porte qu’une main mystérieuse lui entrouvrit du dedans, et il parvint bientôt dans la salle à manger qui se trouvait au rez-de-chaussée.

– C’est le moment! dit-il alors à l’homme qui lui avait ouvert et qui l’avait accompagné.

Cet homme, c’était le chanoine Villemur.

– Je le savais, répondit simplement le chanoine. Venez.

Maurevert suivit son hôte, qui lui fit traverser trois pièces et l’introduisit enfin dans une cour qui se trouvait sur le derrière de la maison. La cour était clôturée de murs assez élevés. Une porte permettait d’en sortir. Villemur l’ouvrit et montra à Maurevert une sente déserte qui aboutissait à la Seine.

– Vous fuirez par là, dit-il. Et voici pour votre fuite.

Du doigt il désigna un vigoureux, cheval tout sellé, attaché par le bridon à un anneau.

– C’est monseigneur Henri de Guise, reprit le chanoine, qui s’est ainsi occupé de votre sûreté. Ce cheval sort de ses écuries. Vous prendrez la sente, vous tournerez à gauche, et suivrez la Seine. À la porte Saint-Antoine, on vous laissera passer. Vous gagnerez le Soissonnais; puis, tournant à droite, vous vous dirigerez sur Reims. Là, vous attendrez.

– Bien, bien, fit Maurevert avec un sourire narquois. Croyez-vous vraiment à la nécessité de ma fuite?

– Je crois qu’il y va de votre tête, dit sincèrement le chanoine.

– Je fuirai donc, reprit Maurevert parfaitement résolu à n’en rien faire.

Alors ils revinrent tous deux dans la salle à manger. Villemur prit dans un angle une arquebuse toute chargée et la présenta à Maurevert, qui l’examina attentivement.

– Parfait, dit-il enfin.

– Le voici! s’écria à ce moment, et non sans quelque émotion, Villemur qui s’était posté à la fenêtre grillée.

Maurevert se rapprocha vivement.

Le chanoine se recula, mais de façon à ne rien perdre de ce qui allait se passer.

Maurevert avait appuyé le bout du canon de l’arquebuse contre le treillis de la fenêtre.

Sur sa gauche apparaissait un groupe de cinq ou six gentilshommes. En avant d’eux, à trois pas, marchait Coligny, qui causait paisiblement avec Clermont, comte de Piles, jeune homme de la suite du roi de Navarre.

Clermont de Piles était à gauche de l’amiral.

Coligny présentait donc son flanc droit à la fenêtre grillée.

Maurevert, à ce moment, fit feu.

Il y eut dans le cloître Saint-Germain-l’Auxerrois une seconde de stupéfaction. Coligny agitait sa main droite vers la fenêtre. Cette main était ensanglantée: la balle avait emporté l’index.

– Au meurtre! hurlèrent les gentilshommes en se précipitant vers Coligny.

Au même instant, un deuxième coup de feu retentit, et cette fois, l’amiral s’affaissa, l’épaule gauche fracassée.

Dans la même seconde, le cloître se remplit de cris, une foule se rassembla; mais lorsqu’on sut que l’amiral Coligny venait d’être frappé, cette foule se recula aussitôt, avec de sourdes imprécations contre les huguenots.

Après son premier coup de feu, Maurevert avait reposé son arme en disant:

– Maladroit! je l’ai manqué.

– Recommencez! gronda Villemur.

– Avec quoi? fit Maurevert goguenard.

Le chanoine, d’un bond, fut près de lui, une deuxième arquebuse à la main, toute chargée. Maurevert, sans hésitation apparente, s’en saisit, et fit feu.

L’amiral tomba.

– Il est mort! dit Villemur.

– Je crois que oui, dit Maurevert avec un sourire.

– Fuyez!…

– Et vous?

– Fuyez donc, de par Notre-Dame!

Maurevert obéit sans hâte, bien qu’à ce moment des coups violents ébranlassent la porte.

Il atteignit l’arrière-cour, défit le bridon, se mit en selle et enfila la sente au trot.

Alors le chanoine descendit rapidement dans les caves de sa maison, leva une trappe, s’enfonça dans un boyau, parcourut un long couloir, et remontant par un escalier de pierre, arriva dans la sacristie de Saint-Germain-l’Auxerrois où quelques prêtres se trouvaient rassemblés.

Parmi ces prêtres, il reconnut aussitôt J’évêque Sorbin de Sainte-Foi, auquel il fit un signe.

Alors l’évêque leva les bras au ciel et tous pénétrèrent dans l’église et, s’agenouillant au pied du maître-autel, entonnèrent le Te Deum.

Dans le cloître, une scène de confusion terrible se passait. Les gentilshommes huguenots s’étaient rués vers la fenêtre; mais le treillis était solide; alors, tandis que les uns cherchaient à défoncer la porte, d’autres, l’épée à la main, entourèrent Coligny, comme pour faire face à une nouvelle attaque.