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Lettre 153. Réponse de Fanchon.

[Elle envoie à Edmée le commandement de notre père pour la tenue de son enfant par Ursule.].

16 mai, jour de la Saint-Pèlerin.

Voici, ma très chère bonne amie sœur, les paroles que me dicte notre très honoré père: «Je commande et ordonne à ma fille Ursule, de tenir sur les fonts bénis et sacrés du baptême, l’enfant dont est accouchée sa sœur, ma chère fille et bru Edmée Servigné, épouse méritante de mon fils Bertrand, le quatrième de ceux que le Ciel m’a donnés (Dieu a béni les autres, qu’il daigne sauver le second!) reconnaissant que ma dite fille Ursule s’en est rendue digne par sa bonne vie et repentance actuelles. Ainsi la bénisse le Seigneur, comme de présent, moi son père, je la bénis, à celle fin que ma bénédiction repose sur elle, et se communique à l’enfant de la très chère Edmée ma fille, dont le nom m’attendrit, toutes fois et quand que je le prononce; et parce qu’il est mon nom, et par la recordance qu’il me donne du fils éloigné de moi et de sa mère, qui sommes sur nos vieux jours, et qui nous avançons déjà courbés vers la tombe. Amen. – Amen! amen!» ç’a été le cri de toute la famille, devant laquelle notre respectable père m’a dicté ces paroles de sa bouche vénérable, étant assis à côté de notre bonne mère, qui les a approuvées de la tête et de ses larmes. Tout le monde ici vous souhaite un prompt rétablissement, et désire l’heureux jour où vous viendrez réjouir le cœur de nos chers père et mère, par votre aimée et désirée présence. Quant à la chère sœur Ursule, sa venue sera la fête du cœur de sa bonne mère; car il tressaille dès qu’elle y pense. Vous et moi, chère sœur, nous sentons le cœur de mère, puisque nous le portons: mettons la plus chère de nos filles en place d’Ursule, et nous en place de Barbe de B**, et nous saurons ses sentiments, comme si son cœur était ouvert.

Votre cher récit de ménage, que j’ai lu tout haut le soir, à nos père et mère, devant toute la famille, a reproduit un de ces anciens moments de calme et de bonheur, que j’ai vus si souvent ici autrefois: notre père était rayonnant de joie. Il s’est levé transporté, disant: «Dieu bénisse mon frère Servigné; Dieu bénisse ses chères filles et les miennes! ah! les excellentes filles!…» Et il a eu la bonté de dire, en me regardant: «Comme la liseuse de la lettre .» Ce qui m’a bien flattée! Et notre bonne mère souriait, en presque larmoyant, et disant: «C’est pourtant mon Edmond qui me les a données!» Ô cette bonne mère!…

Je suis, chère sœur, etc.