– Pas pour longtemps, répondit d’Assas qui se fendait à fond…
Pour la troisième ou quatrième fois, du Barry fit un bond en arrière pendant que d’Assas avançait d’autant en disant:
– Vous reculez toujours… prenez garde, vous allez rencontrer la muraille et je serai forcé de vous y clouer comme un scorpion…
En effet, ils étaient entrés tous deux tout à fait dans cette seconde pièce où d’Assas occupait le milieu, tandis que du Barry était presque acculé à la muraille.
– Allons, dit d’Assas, vous ne pouvez plus reculer… vous êtes un homme mort.
Ce disant il se fendit encore une fois et porta un coup qui devait transpercer son adversaire.
Mais alors un bruit sec, pareil au déclic d’un ressort, se fit entendre et la muraille derrière du Barry s’entr’ouvrit.
Celui-ci avait sans doute entendu le bruit avertisseur, car au coup porté par d’Assas il bondit une dernière fois en arrière et se trouva de l’autre côté de cette fantastique muraille qui venait de s’entr’ouvrir miraculeusement.
D’Assas, qui croyait avoir cloué son ennemi au mur, vit avec stupeur un trou noir devant lui…
Il se précipita tête baissée et son épée se brisa comme du verre sur une cloison de métal.
La muraille venait de se refermer instantanément sur du Barry, à l’abri derrière.
Désarmé, commençant à craindre quelque effroyable piège, il fit demi-tour et se rua vers la porte par où il venait d’entrer…
Mais il s’arrêta, les cheveux hérissés, se demandant s’il ne devenait pas fou!
Il n’y avait plus de porte…
Au même instant il entendit une double détonation suivie d’un cri de douleur, suivi lui-même d’un double éclat de rire!…
Il était dans une obscurité complète.
Il avait vaguement aperçu, en ferraillant, des rideaux de fenêtre; il chercha en tâtonnant et trouva.
Les rideaux s’écartèrent aisément sous sa main, mais…
Il n’y avait pas de fenêtre non plus.
Il cria.
L’écho lui renvoya le son de sa voix avec des vibrations métalliques comme s’il avait été enfermé dans une énorme cuve de fer.
Le pavillon de M. Jacques était truqué comme un décor de théâtre.
Lorsqu’il avait vu que d’Assas acceptait le duel que lui proposait le comte, il avait, en quelques mots brefs, donné ses instructions à celui-ci, qui avait manœuvré de façon à attirer le chevalier dans la pièce à côté.
Pendant ce temps, M. Jacques suivait les phases de la lutte dans un miroir habilement disposé à cet effet, et quand il avait jugé le moment opportun, de sa main placée derrière son dos, il avait pressé le bouton secret qui actionnait les portes secrètes de ce réduit.
Lorsqu’il vit que la porte secrète se refermait, il porta vivement à ses lèvres un petit sifflet d’argent qui rendit un son strident et prolongé.
En même temps, il se jetait à plat ventre sur le tapis.
Au même instant Juliette lâchait presque en même temps les deux coups de ses pistolets.
Les balles allèrent se perdre dans la boiserie, à l’endroit même où se dressait M. Jacques qui ne devait son salut qu’à son habile manœuvre.
Ayant tiré ses deux balles, Juliette se trouva désarmée.
Alors d’un bond M. Jacques se redressa et fut sur la porte d’entrée dont il tira les verrous que d’Assas avait poussés en entrant.
Aussitôt plusieurs hommes armés, accourant à l’appel du sifflet, firent irruption dans la pièce et entourèrent Juliette qui restait pétrifiée, ses pistolets fumants dans chaque main.